Les baleines noires de l’Atlantique Nord sont en voie de disparition. Leur espèce ne compte plus que quelque 400 individus. Leurs principales menaces: les empêtrements dans les engins de pêche (cordages) et les collisions avec les navires. Une partie de la population des baleines noires de l’Atlantique Nord passait traditionnellement les étés dans la baie de Fundy.

Depuis 2017, la baie de Fundy semble moins fréquentée et une augmentation majeure des observations de baleines noires a été notée dans le golfe du Saint-Laurent. En 2017, douze carcasses de baleines noires ont été trouvées dans le golfe. Des mesures d’atténuation des risques d’empêtrement et de collisions ont été instaurées d’urgence durant l’été. En 2018, des mesures ont aussi été appliquées. Aucune carcasse n’a alors été trouvée. Encore cette année, des zones de réduction de vitesse et de mesures d’atténuation des menaces d’empêtrements ont été mises en place. En 2019, dix carcasses on été retrouvées au Canada et aux États-Unis malgré tout. Revivez l’année ici.

Pour le suivi de la population de baleines noires de l’Atlantique Nord en 2020, c’est ici!

Outils de référence

Carte interactive des observations de baleines noires en eaux canadiennes : WhaleMap et Attentif aux baleines

Carte interactive des observations de baleines noires en eaux états-uniennes: NOAA

Suivi des mesures de ralentissement en prévention des collisions : Transports Canada

Mesures de gestion des pêches 2019 : Pêches et Océans Canada

Suivi des fermetures de zones de pêche : Pêches et Océans Canada

Rapport de mortalité 2019: 2019 NARW incident report

Le dossier 2019 en dates

4 juin: Découverte d’une carcasse de baleine noire. Elle sera identifiée comme Wolverine, un mâle né en 2010.

7 juin: Nécropsie de la baleine noire à Miscou, Nouveau-Brunswick. Les analyses n’ont pas permis de trouver une cause de décès.

20 juin: Découverte d’une deuxième carcasse de baleine noire.

25 juin: Nécropsie de la baleine noire Punctuation, à Chéticamp, Nouvelle-Écosse. Découverte de deux nouvelles carcasses de baleines noires, pour un total de quatre.

26 juin: Découverte d’une cinquième carcasse sur l’ile d’Anticosti, au Québec.

27 juin: Découverte d’une sixième carcasse, celle de Clipper, au large de la Gaspésie.

28 juin: Nécropsie de Comet, à Norway, Île-du-Prince-Édouard.

30 juin: Signalement d’une baleine noire empêtrée au nord-est de l’ile de Miscou, Nouveau-Brunswick.

1erjuillet: Nécropsie de Clipper, à Grand-Étang, Québec. Les résultats préliminaires de la nécropsie démontrent qu’une collision a causé la mort.

4 juillet: Signalement de deux autres baleines noires empêtrées. Une, non-identifiée, se trouvait au large de la Gaspésie, Québec, tandis que l’autre, EG4423, se trouvait à l’est de l’ile Miscou, Nouveau-Brunswick.

8 juillet: Le gouvernement du Canada annonce de nouvelles mesures pour prévenir les cas de collisions et d’empêtrements.

11 juillet: La baleine EG4423 est partiellement dépêtrée par l’équipe d’intervention.

16 juillet: Nouvelles tentatives de dépêtrement pour EG4423

18 juillet: Une septième carcasse de baleine noire est repérée à l’ouest des Îles-de-la-Madeleine.

19 juillet: Une huitième carcasse de baleine noire est repérée au large de la Nouvelle-Écosse. Un pêcheur avait signalé cette carcasse le 24 juin, mais n’avait pas pu identifier l’espèce. Elle est maintenant confirmée.

21 juillet: Nécropsie de la 7e carcasse. Aucune cause de décès apparente n’est trouvée. Pour le moment, elle n’est toujours pas identifiée. Une neuvième carcasse est repérée.

31 juillet: Échouage d’une carcasse de baleine noire aux Îles-de-la-Madeleine. Elle serait celle repérée les 24 juin et 19 juillet.

16 aout: La baleine noire EG4440 est repérée sans cordage lors d’un vol de surveillance. Elle se serait donc déprise du dernier cordage par elle-même.

16 septembre: Une carcasse de baleine noire de l’Atlantique Nord est découverte aux États-Unis. C’est la première dans ces eaux. Le total monte donc à 10 carcasses de baleines noires de l’Atlantique Nord trouvées en 2019.

18 septembre: Nécropsie de la carcasse trouvée aux États-Unis. Elle est identifiée comme Snake Eyes, un mâle repéré sévèrement empêtré le 6 aout dans le golfe du Saint-Laurent.

Petit portrait de huit des dix baleines noires décédées

Merci à l’Anderson Cabot Center for Ocean Life du New England Aquarium pour les informations contenues dans le catalogue de photo-identification des baleines noires de l’Atlantique Nord. Pour lire les portraits complets (en anglais), cliquez sur les noms des baleines.

Wolverine
Identification : #4023
Sexe : Mâle
Parent: Femelle #3123
Année de naissance : 2010
Évènements au cours de la vie: Collision avec une hélice de moteur lui laissant trois grandes cicatrices à l’âge de cinq ans. Durant les cinq premières années de sa vie, Wolverine a été vu empêtré trois fois, deux empêtrements considérés comme mineurs et un modéré, selon les standards développés par le New England Aquarium.
Cause de décès: résultats de la nécropsie non concluants pour identifier les causes de mortalité.

Punctuation
Identification : #1281
Sexe : Femelle
Âge : environ 40 ans
Baleineau: au moins 8, dont deux ont aussi eu des petits à leur tour
Évènements au cours de la vie: Elle avait été frappée au moins deux autres fois par des navires. Elle s’était empêtrée au moins cinq fois.
Cause de décès : traumatisme qui correspond aux séquelles liées à une collision avec un navire.

Comet
Identification : #1514
Sexe: Mâle
Année de naissance: avant 1989
Cause de décès : traumatisme qui correspond aux séquelles liées à une collision avec un navire.

Baleine non nommée
Identification: non connue
Sexe: femelle
Année de naissance: avant 2008
Cause de décès : vu l’état de décomposition avancée, aucune nécropsie ne sera réalisée. Des échantillonnages en mer pourraient être réalisés. Pour le moment, aucune information sur la cause de décès

#3329
Sexe: Femelle
Âge: Née en 2003 (donc 16 ans)
Parents:  femelle Viola #2029 et mâle #1419
Évènements au cours de la vie: A été empêtrée au moins quatre fois dans des engins de pêche
Cause de décès : inconnue

Clipper
Identification: #3450
Sexe: Femelle
Âge: Inconnu
Baleineau: 1, en 2016
Évènements au cours de la vie: A vécu au moins une autre collision, où une grande partie de sa nageoire caudale avait été tranchée, d’où son nom «Clipper». A aussi vécu deux empêtrements mineurs.
Cause de décès: traumatisme qui correspond aux séquelles liées à une collision avec un navire

Eg3421
Sexe : Mâle
Âge : Née en 2004 (donc 15 ans)
Parents : Mère Mono et père Orange Peel
Évènements au cours de la vie: Jeune, il était souvent vu en association avec des grands dauphins.
Cause de décès : Inconnue

Snake Eyes
Identification : Eg1226
Sexe : Mâle
Âge : Né avant 1979, estimé à plus de 40 ans
Date où la baleine a été repérée empêtrée : 6 aout 2019
Statut : Mort (carcasse trouvée le 16 septembre au large des États-Unis)
Évènements dans la vie : Snake Eyes a été observé en 1998 dans l’estuaire du Saint-Laurent et à de nombreuses reprises depuis dans le golfe du Saint-Laurent. Le 16 juillet 2019, il était observé dans le golfe sans être empêtré. Son empêtrement a donc eu lieu entre le 16 juillet et le 6 aout.

Petit portrait des baleines noires empêtrées

Snake Eyes
Identification : Eg1226
Sexe : Mâle
Âge : Né avant 1979, estimé à plus de 40 ans
Date où la baleine a été repérée empêtrée : 6 aout 2019
Statut : Morte
Évènements dans la vie : Snake Eyes a été observé en 1998 dans l’estuaire du Saint-Laurent et à de nombreuses reprises depuis dans le golfe du Saint-Laurent. Le 16 juillet 2019, il était observé dans le golfe sans être empêtré. Son empêtrement a donc eu lieu entre le 16 juillet et le 6 aout. La carcasse de Snake Eyes a été trouvée le 16 septembre au large de Long Island, New York. Elle n’avait plus de cordages.

Eg4423
Sexe : Mâle
Âge : Né en 2014, donc 5 ans
Parent : Mère Couplet, morte en 2017
Date où la baleine a été repérée empêtrée : repéré en avril 2019 dans les eaux étatsuniennes, puis le 4 juillet dans les eaux canadiennes.
Date de dépêtrement : dépêtrement partiel le 11 juillet et le 16 juillet par l’équipe de Campobello, Nouveau-Brunswick. Elle a été libérée d’un poids important, mais a encore un cordage dans la bouche.
Statut : Probablement encore empêtré

Eg4440
Sexe : Mâle
Âge : Né en 2014, donc 5 ans
Parent : Mère Nævus
Date où la baleine a été repérée empêtrée : 19 et 29 juin, 5, 9 et 19 juillet 2019. L’empêtrement était sévère.
Date de dépêtrement : Dépêtrement partiel le 16 juillet 2019 par l’équipe de Campobello, Nouveau-Brunswick. L’animal peut nager plus librement.
Statut : Encore empêtrée au niveau de la queue

Eg3125
Sexe : Mâle
Âge : Né en 2001, donc 18 ans
Parent : Mère Butterfly
Date où la baleine a été repérée empêtrée : 4 juillet 2019, empêtrée sévèrement, possiblement mortellement. «Un des pires cas documentés depuis trente ans», selon Moira Brown du Canadian Whale Institute.
Évènements : une bouée télémétrique a été attachée au matériel le 19 juillet.
Date de dépêtrement : Dépêtrement partiel les 23 et 25 juillet 2019 par le Whale Strandings and Release de Terre-Neuve et 3 aout 2019 par le Center for Coastal Studies des États-Unis au large de Cape Cod.
Statut : Encore empêtrée. La baleine peut maintenant ouvrir sa bouche. Des cordages sont encore incrustés au niveau de milieu du rostre, ainsi qu’autour des évents. Un autre cordage semble pris dans les fanons. La baleine a une mauvaise condition physique.

Pour voir la tentative du Center for Coastal Studies, visionnez cette vidéo. On peut y voir un grand nombre de poux de baleines dans les callosités, signe d’une mauvaise condition physique. On voit aussi un fanon brisé sortir de la bouche.

Le suivi des évènements

L’avenir continue de s’assombrir pour la baleine noire de l’Atlantique Nord, une espèce en voie de disparition et en déclin depuis 2010. Elle est victime d’empêtrement dans des engins de pêche (cordages et casiers), de collisions avec des embarcations et de la détérioration de son environnement. Sa conservation pose de nouvelles contraintes sur l’industrie de la pêche au crabe des neiges et au homard ainsi que sur le trafic maritime. La baleine noire de l’Atlantique Nord est une espèce menacée et elle est protégée par les lois du Canada et des États-Unis. Comment l’humain peut-il apprendre à cohabiter aux côtés des mammifères marins sans nuire à leur survie?

Bilan de mortalité : mieux comprendre les changements

En 2017, douze carcasses de baleines noires ont été trouvées dans le golfe du Saint-Laurent, en territoire canadien, un nombre record. Depuis 2017, des mesures ont été appliquées pour atténuer l’impact de l’humain sur l’espèce. Mais une dizaine de cas ont été répertoriés encore cet été, alourdissant le statut précaire de l’espèce en voie de disparition. Cette année, sept naissances ont été recensées, mais 10 cas de mortalités ont aussi été confirmés (9 carcasses trouvées en eau canadienne et 1 aux États-Unis). La population ne compte plus qu’environ 400 individus.

Grâce à la photo-identification et aux efforts de surveillance, 160 baleines noires ont été répertoriées dans le golfe du Saint-Laurent cette année, se retrouvant sur les territoires de pêche et secteurs de navigation en eau canadienne. Une partie de la population des baleines noires de l’Atlantique Nord passait traditionnellement ses étés dans la baie de Fundy et le golfe du Maine. Mais depuis 2017, ces lieux semblent moins fréquentés et une augmentation majeure des observations a été notée dans le golfe du Saint-Laurent.

«C’est probablement lié aux changements rapides des conditions le long de la côte atlantique, en particulier dans le golfe du Maine, qui se réchauffe plus rapidement que 99% du reste de la surface de l’océan mondial, en plus de la pression anthropique», explique Russ Charif, bioacousticien principal au Center for Conservation Bioacoustics,pour la revue Global Change Biology (2019).

Ce nouveau chevauchement avec les zones de pêches et de navigation dans les eaux plus froides du golfe occasionne de nouveaux défis pour les pêcheries canadiennes. Le mot d’ordre: le Canada maritime doit revoir ses façons de faire afin de minimiser son impact sur les baleines noires de l’Atlantique Nord, sinon l’espèce pourrait se voir impactée davantage. Les scientifiques s’inquiètent et les rendez-vous se multiplient afin de trouver des solutions et sauver l’espèce de l’extinction.Qui plus est, la protection des baleines noires fait partie des éléments essentiels à la certification durable des produits de la mer, une certification nécessaire à l’exportation aux États-Unis et recherchée également par les consommateurs canadiens.La dizaine d’années d’expérience de cohabitation entre la baleine et l’industrie de la pêche aux États-Unis peut servir à inspirer les mesures en eau canadienne.

Comment l’industrie canadienne s’adapte-t-elle?

Il existe des zones plus à risque où les baleines se rassemblent et côtoient les zones fréquentées par les crabiers, les homardiers et le trafic maritime. Pour diminuer les risques d’empêtrements et de collisions conjointement, Pêches et Océans Canada impose des zones où la pêche est défendue et Transports Canada limite la vitesse de certains navires durant une période de l’année dans certaines zones. «En réponse aux décès de baleines noires de l’Atlantique Nord, l’équipe a augmenté ses efforts de surveillance ciblée; les vols sont passés de 5 à 10 par semaine au-dessus des eaux canadiennes à l’été 2019», fait remarquer Pêches et Océans Canada dans un échange courriel avec Baleines en direct.

L’industrie de la pêche subit des effets avec une saison de récolte déjà courte et très règlementée. Pêches et Océans Canada appuie ses mesures sur les données fournies par les inventaires des années précédentes. Or, les baleines n’ont pas visité avec une même intensité les zones de l’année 2018 en raison de la variabilité de leur répartition. Les pêcheurs qui travaillent sur le terrain souhaiteraient que les fermetures s’effectuent toutes sur une base dynamique, à partir de la présence confirmée de baleines noires. En 2019, une zone de pêche très convoitée en 2018 a été fermée d’avril à novembre sans présence de baleines noires, tandis que d’autres zones devenaient fermées pour 15 jours seulement lorsqu’une baleine noire de l’Atlantique Nord y était repérée sur les lieux. «Le modèle de gestion n’est pas parfait encore, tout le monde s’adapte à cette nouvelle réalité», fait remarquer Lyne Morissette, biologisteet écologiste qui travaille avec les pêcheurs sur des mesures d’atténuation au Canada atlantique et dans le golfe.

Du côté de la limitation de vitesse à 10 nœuds, 19 amendes ont été données pour des infractions de vitesses. En tout, Transports Canada dénombre 5 279 navires surveillés qui ont circulé dans les zones de limitation de vitesse. L’industrie maritime semble donc globalement collaborer aux efforts de protection de la baleine noire de l’Atlantique Nord.

Des rendez-vous multiples, des solutions prometteuses!

Lors de la Table ronde canadienne sur les résultats des mesures de gestion de la pêche sur la protection des baleines, tenue à Moncton le 7 novembre dernier, l’industrie a fait savoir qu’elle souhaitait que les dates d’ouverture de la pêche au crabe des neiges soient modifiées avec une ouverture anticipée grâce à des brise-glaces. «Si un fournisseur qualifié est désigné, un contrat pour des services de déglaçage sera mis en place», souligne le ministère. Ceci permettrait d’optimiser au maximum la quantité d’activités de pêche qui peuvent avoir lieu avant l’arrivée des baleines noires de l’Atlantique Nord, dès 2020. «Tout le monde est prêt à partir 3 semaines avant l’ouverture de la pêche au printemps. Ça éviterait d’être sur le terrain en même temps qu’avec l’arrivée des baleines et le gouvernement pense que c’est une bonne option», dit Lyne Morissette.

Au consortium internationalenu à Portland, Maine, les 14 et 15 novembre 2019, les efforts de concertation avec plusieurs intervenants canadiens ont été salués par les acteurs internationaux, fait remarquer Lyne Morissette. «Le Ministère collabore étroitement avec la National Oceanographic and Atmospheric Administration (NOAA) des États-Unis, et il a mis sur pied un groupe de travail bilatéral Canada–États-Unis sur la baleine noire de l’Atlantique Nord», ajoute Pêches et Océans Canada.Les solutions sont multiples, viennent de plusieurs secteurs, et doivent toucher l’ensemble de l’aire de répartition de l’espèce.

Le dossier de la baleine noire de l’Atlantique Nord montre encore une fois la complexité de la coexistence avec le monde naturel sur une planète en changement. «Il y a quelque chose à apprendre de ce dossier-là; cette espèce nous aura au moins appris à coopérer et à travailler ensemble», pointe Lyne Morissette.

La carcasse de baleine noire de l’Atlantique Nord trouvée au large de Long Island, New York, le 16 septembre New York, a pu être identifiée par l’équipe du New England Aquarium comme celle de Snake Eyes. Ce mâle était âgé de plus de 40 ans. Il avait été repéré gravement empêtré dans des cordages d’engin de pêche le 6 aout dernier dans le golfe du Saint-Laurent. Snake Eyes devient donc la dixième baleine noire à être trouvée sans vie dans les eaux de l’Amérique du Nord en 2019.

Pour le moment, on ne peut confirmer le rôle de l’empêtrement dans la mort de la baleine, puisque les observations de la carcasse lors de sa découverte ne montrent pas de présence de cordage. Le 6 aout dernier, lors d’un vol de surveillance aérienne, Snake Eyes était repéré empêtré sévèrement. Les conditions météo des jours subséquents n’ont pas permis à l’équipe spécialisée en dépêtrement de Campobello de se rendre sur place. Les vols de surveillance n’ont pas permis de le relocaliser ensuite.

Que s’est-il passé entre le 6 aout et le 16 septembre, moment où la carcasse en état de décomposition avancée a été repérée? Impossible de le savoir.

Une nécropsie a été effectuée le 18 septembre par une équipe composée de l’Atlantic Marine Conservation Society, du Fonds international pour le bienêtre animal (IFAW) et du Center for Coastal Studies. Les analyses des tissus permettront potentiellement d’obtenir plus de détails sur la mort de l’animal.

Neuf ou dix?

Une certaine confusion règne autour du décompte des carcasses. L’exercice n’est pas évident, lorsqu’on sait que les carcasses peuvent dériver sur plusieurs kilomètres en une seule journée et que la décomposition se poursuit. Lorsqu’une carcasse a été découverte le 21 juillet 2019 dans le golfe du Saint-Laurent, il était alors impossible de confirmer s’il s’agissait de la même trouvée le 24 juin dernier, puis perdue de vue à nouveau. Les analyses des photos prises par des pêcheurs, par Pêches et Océans Canada et par Transports Canada, couplées avec les analyses de trajectoires de dérive possibles n’ont malheureusement pas permis de confirmer s’il s’agissait de la même carcasse. Pour le confirmer de façon empirique, il faudrait une analyse génétique.

Conséquemment, le chiffre officiel des carcasses de baleines noires trouvées dans les eaux canadiennes en 2019 s’élève donc à neuf. En ajoutant la carcasse de Snake Eyes aux États-Unis, au moins dix baleines noires de l’Atlantique Nord ont péri en 2019, ce qui signifie une perte d’environ 2% de la population.

Une visite dans l’estuaire en 1998

En 1998, Snake Eyes est photographié dans le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent. Cette photo prise par des touristes à bord d’un bateau d’observation des baleines marque la première observation confirmée de l’espèce dans le secteur, depuis l’époque de la chasse à la baleine par les Basques! D’autres observations de baleines noires ont lieu ensuite dans l’estuaire, dont la dernière confirmée date de 2016.

Pour en savoir plus

Tenth Dead Right Whale Drives Home Point of Letter from Scientists, entrevue radio en anglais (WCAI, 19/09/2019)

Dead North Atlantic Right Whale Found Floating South of Long Island, New York (NOAA Fisheries, 18/09/2019)

 

Une première carcasse de baleine noire de l’Atlantique Nord a été trouvée aux États-Unis le 16 septembre. Huit avaient été trouvées en eaux canadiennes un peu plus tôt cet été. En 2019, ce sont donc neuf carcasses de cette espèce qui ont été découvertes. La baleine noire de l’Atlantique Nord est une espèce en voie de disparition comptant environ 400 individus.

La carcasse en mauvais état a été repérée au large de Long Island, New York. De la surveillance aérienne est effectuée pour la retrouver, afin d’obtenir des échantillons ou même d’effectuer une nécropsie partielle si elle n’est pas trop décomposée. Pour le moment, on ne connait pas la cause du décès ni l’identité de la baleine.

Des baleines noires bien présentes au Canada et aux États-Unis

Cet été, au moins 126 individus baleines noires ont visité le golfe du Saint-Laurent. Dans l’édition de septembre du bulletin du North Atlantic Right Whale Consortium, Tim Cole du Norteast Fisheries Science Center rapporte les avoir identifiés à partir des photos prises lors des efforts de surveillance aérienne effectués par le Canada et les États-Unis. D’autres photos prises à bord de navires n’ont pas encore été analysées et pourraient faire augmenter le nombre d’individus identifiés.

La surveillance aérienne et sous-marine par détection acoustique se poursuit au large des deux pays. Quelques baleines noires ont été repérées dans la baie de Fundy lors de différents survols aériens en septembre. Un individu se trouvait aussi entre les iles Mingan et l’ile d’Anticosti le 12 septembre dernier. D’autres nagent encore dans le golfe du Saint-Laurent. Du côté des États-Unis, des groupes de baleines noires sont repérés au large de l’ile de Nantucket. La migration vers les aires d’hivernage devrait avoir lieu au cours des prochains mois, avant l’arrivée de l’hiver. Une partie des baleines noires de l’Atlantique Nord, surtout les femelles et les jeunes, passe l’hiver dans les eaux côtières du sud des États-Unis, au large de la Floride et de la Géorgie. Une autre partie passerait plutôt l’hiver dans les eaux océaniques, loin des yeux humains.

La surveillance aérienne des dernières semaines n’a pas repéré de baleines noires de l’Atlantique Nord dans les corridors de limite de vitesse dynamique. Le 2 aout en fin de journée, le ministère des Transports du Canada a donc annoncé la levée des restrictions de vitesse. Mais dès qu’une baleine noire y sera à nouveau observée, la zone dynamique où elle sera présente fermera à nouveau pour un minimum de 15 jours.

Pour diminuer les risques de collision entre les navires et les baleines noires, une des principales causes de mortalité chez cette espèce, le gouvernement du Canada a créé une zone de ralentissement obligatoire à l’entrée du golfe. Mais après la découverte de huit carcasses de baleines noires en eaux canadiennes, Transports Canada a agrandi la zone. La nouvelle mesure a toutefois eu un effet collatéral potentiellement dangereux, explique le ministère par voie de communiqué : «Puisque la vitesse était la même dans toute la zone du golfe, on a observé des navires qui ont emprunté des itinéraires plus directs pour traverser le golfe au lieu d’emprunter les voies de navigation. Par conséquent, plus de navires sont passés près des emplacements connus des baleines.» Pour limiter les risques, le gouvernement lève donc la limite de vitesse de 10 nœuds dans les corridors de navigation.

Depuis le début de l’entrée en vigueur des zones de limite de vitesse le 28 avril dernier, presque la totalité des quelque 1500 transits ont été effectués dans le respect de la limite de vitesse. Seules trois amendes ont été remises à des navires. Les amendes se chiffrent de 6000$ à 7800$ chacune dans les cas présents, mais pourraient atteindre 25 000$ selon la gravité et le nombre d’infractions commis par le même navire.

Une carcasse aux Îles-de-la-Madeleine

Une carcasse de baleine noire de l’Atlantique Nord s’est échouée aux Îles-de-la-Madeleine le 31 juillet. Son état de décomposition avancée ne permet pas de l’analyser en profondeur. Pêches et Océans Canada croit qu’il s’agit de la quatrième carcasse repérée à la dérive, le 24 juin, dans un état de putréfaction avancée. Elle n’avait alors pas encore touché terre. Cette baleine est identifiée comme Eg3815, une femelle de 11 ans.

Des baleines toujours empêtrées

Une quatrième baleine empêtrée a été repérée par la surveillance aérienne au large des Îles-de-la-Madeleine le 6 aout. Sa grande distance des côtes complique les options pour aller la dépêtrer. Malgré les efforts colossaux des équipes spécialisées en dépêtrements du Whale Release and Strandings de Terre-Neuve et de l’équipe de sauvetage de Campobello, en collaboration avec la Marine Animal Response Society et Pêches et Océans Canada, les trois autres baleines noires repérées empêtrées n’ont pas pu être entièrement libérées de leurs cordages. Pêches et Océans Canada poursuit la surveillance aérienne et les équipes restent prêtes à intervenir si les baleines sont à nouveau repérées.

 

L’opération «engin fantôme» est terminée. Du 17 au 19 juillet, une équipe de Pêches et Océans Canada et de la Garde côtière canadienne a parcouru le golfe du Saint-Laurent afin de récupérer des engins de pêche perdus ou abandonnés. En tout, 101 casiers de pêche au crabe des neiges ont été retrouvés. Par le fait même, un total de neuf kilomètres de cordes mises bout à bout a été retiré des eaux du golfe.

Ces engins perdus, qualifiés de « fantômes », présentent un risque pour les baleines, qui peuvent s’y empêtrer. Une baleine empêtrée aura plus de difficulté à respirer, à s’alimenter et, à long terme, à se reproduire. Les empêtrements sont une menace pour tous les mammifères marins. Cependant, les baleines noires de l’Atlantique Nord sont particulièrement à risque, puisqu’elles passent une grande partie de leur temps près de la surface. De plus, dû à leur petite population, chaque décès a un grand impact sur les chances de survie de l’espèce.

Depuis 2018, il est obligatoire de déclarer les engins de pêche perdus ou manquants. Au cours de la dernière année, c’est plus de 1000 pertes d’engins de pêche qui ont été déclarées dans le sud du golfe. C’est dans les secteurs où le plus de signalements ont eu lieu que se sont concentrées les opérations.

Selon Marcel Denis, représentant des pêcheurs pour l’Association des capitaines-propriétaires de la Gaspésie Inc., une corde coupée par une hélice de bateau serait la cause la plus fréquente de la perte d’engins de pêche. Depuis 2017, les pêcheurs doivent obligatoirement utiliser des câbles plombés pour relier leurs casiers aux bouées indiquant leur présence. Les câbles plombés restent à la verticale, même à la marée basse. Ainsi, les risques d’être coupés par une hélice sont toujours présents, mais moindres.

Par voie de communiqué, Pêches et Océans Canada a déclaré n’avoir trouvé aucune cause de décès apparente lors de la nécropsie de la septième carcasse de baleine noire. Selon les vétérinaires qui ont effectué l’analyse de la carcasse, la baleine était en bonne condition. Il n’y avait pas de signes évidents d’empêtrement ou de traumatisme. Les résultats des analyses des tissus viendront au cours des prochains mois.

Deux nouveaux cas de baleines noires mortes ont été confirmés aujourd’hui par Pêches et Océans Canada. Une septième baleine noire dérivant dans le golfe du Saint-Laurent a été repérée le 18 juillet lors d’un survol aérien à l’ouest des Îles-de-la-Madeleine, confirme Pêches et Océans Canada. Elle a été remorquée par la Garde côtière canadienne le 19 juillet, en vue d’une nécropsie complète. L’analyse de la carcasse devrait avoir lieu le 21 juillet en Gaspésie, à Grand-Étang, dans l’espoir de documenter ce qui a pu arriver à l’animal. Pour le moment, l’individu n’est pas identifié.

Le 19 juillet, une autre carcasse de baleine noire a aussi été repérée. Cette carcasse avait en fait été signalée le 24 juin par un pêcheur, mais il n’avait pas été possible de la retrouver et de pouvoir identifier avec certitude l’espèce. La décomposition avancée ne permettra pas d’effectuer de nécropsie. Avec cette découverte, le compte est maintenant de huit carcasses de baleines noires.

Carte des mortalités de baleines noires en date du 19 juillet 2019. © Pêches et Océans Canada

Les baleines noires de l’Atlantique Nord forment une population en voie de disparition. La perte de plus de 1% de la population en une seule saison inquiète les chercheurs et chercheuses. Le gouvernement du Canada a annoncé récemment des renforcements de ses mesures de prévention des collisions et des empêtrements. Depuis jeudi, des agents des pêches collaborent avec la garde côtière pour retirer les engins de pêche (cordages, casiers, bouées, etc.) perdus par les pêcheurs, afin d’éviter que des baleines s’y empêtrent.

Au cours des dernières semaines, trois baleines noires ont été repérées empêtrées dans du matériel de pêche. Les empêtrements peuvent causer d’importantes blessures aux baleines, nuire à leur capacité de se déplacer ou de se nourrir, les épuiser et même les noyer, si le poids des cordages est trop lourd à porter. À long terme, un empêtrement peut aussi réduire la capacité d’une baleine à se reproduire.

Pédoncule blessé de baleine noire
EG4440 a été photographiée avant la tentative de dépêtrement du 16 juillet. Le frottement du cordage au niveau de la queue a blessé l’animal. © ACCOL/New England Aquarium and Canadian Whale Institute

Le 16 juillet,  l’équipe de sauvetage des baleines de Campobello, aidée des équipes de Pêches et Océans Canada et de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), a pu reprendre ses tentatives de sauvetage de deux baleines noires empêtrées sur trois. Les deux baleines ont pu être délestées de matériel, mais seulement partiellement. Le gouvernement du Canada, en collaboration avec la National Oceanic and Atmospheric Administration, poursuit sa surveillance aérienne pour documenter la présence des baleines noires en eaux canadiennes et pour repérer les baleines empêtrées dans le but de leur venir en aide.

Les baleines EG4423 et EG4440 nagent désormais allégées d’une partie du poids du cordage enroulé autour de leur corps. Le 16 juillet, l’équipe de sauvetage des baleines de Campobello, aidée des équipes de Pêches et Océans Canada et de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), a pu reprendre ses tentatives de sauvetage de deux baleines noires empêtrées sur trois. Les journées précédentes présentaient des conditions météorologiques trop dangereuses pour tenter une telle opération.

Durant les vols de surveillance aérienne, la baleine noire EG4423 a été repérée en matinée. Elle avait déjà été partiellement dépêtrée le 11 juillet dernier. Malgré les efforts du 16 juillet, il a été impossible de retirer complètement l’engin de pêche dans lequel elle s’était empêtrée, mais d’autres cordages ont pu être enlevés. Les équipes présentes auraient ainsi réduit le poids que cette baleine porterait depuis avril 2019, alors qu’elle avait été potentiellement observée aux États-Unis.

EG4440 a, quant à elle, été repérée en fin d’après-midi. Même si, elle non plus, n’a pas pu être libérée complètement de l’engin de pêche auquel elle est accrochée, la corde prise de la mâchoire à la queue a pu être coupée.

Les survols aériens continueront au cours des prochains jours pour documenter la présence et les activités des baleines noires dans le golfe du Saint-Laurent. Si EG4440 et EG 4423 les baleines empêtrées sont repérées, les équipes observeront comment l’empêtrement a évolué après les tentatives de dépêtrement. Les équipes n’ont pas revu encore la troisième baleine empêtrée.

Aucun autre cas d’empêtrement chez des baleines noires de l’Atlantique Nord n’a été observé depuis la découverte de ces trois baleines.

© Pêches et Océans Canada

Bonne nouvelle! La baleine noire EG#4423 a été partiellement dépêtrée hier. Les cordages restreignant les mouvements de sa queue ont pu être enlevés, mais les tentatives pour enlever les engins supplémentaires ont dû être arrêtés à la tombée du jour. EG#4423 est probablement empêtrée depuis avril 2019, alors qu’elle était encore en eaux étatsuniennes.

Application de limites de vitesse à une plus grande flotte, augmentation de la surveillance aérienne, agrandissement du secteur de limite de vitesse: le gouvernement du Canada annonce de nouvelles mesures de prévention des empêtrements et des collisions. Ces mesures surviennent après la découverte de six carcasses de baleines noires de l’Atlantique Nord, une espèce en voie de disparition. De plus, trois baleines noires ont été observées empêtrées dans des cordages utilisés pour la pêche au cours des dernières semaines.

Ralentir, pour diminuer les risques

Le ralentissement des navires protège les baleines des collisions de deux façons : en réduisant le risque de blessures graves ou mortelles en cas de collision et en augmentant les chances qu’une baleine ait le temps de réagir pour éviter la collision. Dorénavant, les bateaux de plus de 13 mètres devront naviguer à une vitesse maximale de 10 nœuds, alors que cette mesure ne touchait que les navires de 20 mètres et plus auparavant. Le secteur de ralentissement a également été élargi.

La carte des nouvelles mesures commençant le 8 juillet 2019. © Transports Canada

Toutefois, le ralentissement des navires n’est pas sans avoir des impacts majeurs sur ceux effectuant la livraison dans des régions éloignées, comme le N/M Bella-Desgagnés qui approvisionne les communautés de la Côte-Nord inaccessibles par la terre. De plus, les embarcations touristiques aux abords de la Gaspésie, qu’ils soient des croisières internationales ou des embarcations d’observation de la faune doivent ralentir à 10 nœuds.

Cette vitesse n’est pas choisie au hasard. À plusieurs endroits dans le monde, la mesure de réduction de vitesse à 10 nœuds a permis de réduire considérablement le risque de collision et surtout les morts liées aux collisions. Cette mesure est entre autres utilisées à l’entrée du canal de Panama, une des voies maritimes les plus fréquentées au monde.

Baleines empêtrées à retrouver

Depuis le 29 juin, trois baleines noires ont été repérées en fâcheuse situation. Elles sont empêtrées dans des cordages utilisés pour la pêche. Depuis, l’équipe spécialisée en dépêtrement de baleines noires, le Campobello Whale Rescue Team, est sur le qui-vive. Mais dans l’immensité du golfe du Saint-Laurent, retrouver une baleine noire empêtrée, mais nageant librement, est extrêmement difficile. Les vols de surveillance aérienne sont passés de deux par semaine à deux par jour. Une des trois baleines a été revue le 9 juillet, mais l’heure tardive à laquelle elle a été repérée n’a pas permis de poser une balise sur le cordage à sa traine. Avec une balise, il serait possible de suivre ses déplacements et d’ainsi la retrouver et intervenir plus facilement.

Dans un message aux médias, Pêches et Océans Canada affirme être encouragé par la surveillance aérienne du 9 juillet, où un total de 90 baleines noires de l’Atlantique Nord ont été observées nageant librement dans le golfe. Ces baleines noires se trouvaient surtout dans la zone statique de fermeture de pêche, où aucun engin fixe non surveillé, c’est-à-dire où les pêcheurs laissent l’installation quelques heures à quelques jours avant de la retirer, ne peut être installé depuis la fin avril.

Mesures costaudes devant des risques économiques

Les mesures ne répondent pas seulement à des impératifs de survie d’une espèce. Elles répondent aussi à des impératifs économiques liés à l’exportation des produits de la mer vers les États-Unis, le principal marché de l’est du Canada. En 2017, ces exportations valaient 4,3 milliards de dollars. Or, les États-Unis ont adopté une loi sur la protection des mammifères marins, qui stipule que tous les pays exportant des produits de la mer chez eux doivent prouver qu’ils ont des mesures de protection des mammifères marins comparables aux leurs. D’ici la fin juillet, le Canada doit remettre un premier rapport concernant ses efforts de mitigation des impacts de ses pêches sur les mammifères marins. Le 1erjanvier 2022, la loi entrera en application et si les États-Unis considèrent que le Canada n’a pas pris de mesures considérables, le pays pourrait perdre son principal marché pour le homard et le crabe des neiges.

Les règlements encadrant actuellement les pêcheries au Canada peuvent paraitre très contraignantes pour les pêcheurs, mais elles permettent de placer le pays comme un des états avec le plus de pêches certifiées durables. Les mesures actuelles de protection des baleines noires vont en ce sens.

Pour en savoir plus

Le communiqué de presse annonçant les nouvelles mesures (Gouvernement du Canada, 08/07/2019)

Une conférence sur les empêtrements donnée par l’experte Amy Knowlton du New England Aquarium et par deux pêcheurs (WGBHForum, 06/08/2018)

Un lecteur nous a signalé une vidéo d’une baleine à l’allure bien étrange en France, au large de la Bretagne. Après validation auprès des experts du New England Aquarium, l’organisme qui gère le catalogue de photo-identification des baleines noires de l’Atlantique Nord, il s’agit du mâle Mogul. On l’y voit en train de s’alimenter en surface, probablement de copépodes, la proie favorite de la baleine noire de l’Atlantique Nord. Mogul en est à son deuxième voyage du côté est de l’océan.

Mogul est né en 2008 de la femelle Slalom. Il est vu chaque année par les chercheurs dans les eaux étatsuniennes et dans la baie de Fundy du côté canadien, majoritairement dans des habitats côtiers, auprès d’autres baleines noires. Mais à la fin juillet 2018, Mogul est photographié au large de l’Islande par une compagnie de croisières d’observation des baleines. Pourtant, Mogul avait été vu le 21 avril 2018 au large du Massachusetts. Il a donc complété son voyage transatlantique en moins de trois mois. En mars 2019, Mogul était de retour du côté américain de l’Atlantique. Il a donc traversé à nouveau cette année vers l’Europe à une date inconnue.

«Deux facteurs principaux influencent le comportement des baleines: la reproduction ou l’alimentation. Mogul a été filmé en train de s’alimenter ou d’essayer de le faire. Pour le peu de son corps qu’on peut voir sur la vidéo, il a l’air en bonne santé et l’observation en mars le montrait bien», explique Heather Pettis, chercheuse au New England Aquarium.

A-t-il suivi de la nourriture jusqu’en France? En a-t-il trouvé suffisamment? L’équipe du New England Aquarium n’a pas reçu d’autres observations de Mogul depuis. Le verrons-nous à nouveau en Europe au cours des prochains mois ou des prochaines années? Impossible de le prédire. Depuis 1986, de rares individus baleines noires ont été vus du côté est de l’Atlantique, tant aux Açores qu’en Norvège. «C’est vraiment rare de voir une baleine noire en Europe», confirme cette experte de l’espèce.

Si vous voyez une baleine en mer, il est important de garder ses distances. «Les photos ou vidéos que le public nous envoie sont très utiles, mais il est primordial de garder une bonne distance avec la baleine. Elles sont bien plus grandes que ce que l’on peut voir à la surface, alors pour sa sécurité, mais également pour celles des personnes en bateau, il faut garder ses distances», ajoute Heather Pettis.

Historiquement, les baleines noires étaient aussi présentes du côté européen, mais ont été chassées jusqu’à l’extinction.

Pour en savoir plus

Le périple de Mogul en Islande [en anglais] (Anderson Cabot Center for Ocean Life, 2018)

La fiche de Mogul dans le catalogue de photo-identification des baleines noires (New England Aquarium)

Les résultats préliminaires de la quatrième nécropsie d’une baleine noire de l’Atlantique Nord viennent d’être annoncés par Pêches et Océans Canada. La baleine connue sous le nom de Clipper serait morte des suites d’un trauma contondant, telle une collision avec un navire. Ce résultat fait écho à celui de deux des trois autres nécropsies.

La nécropsie a eu lieu à la halte routière de Grand-Étang, près de Cloridorme en Gaspésie, le 1er juillet. Des équipes de vétérinaires de l’Université de Montréal, de l’Atlantic Veterinary College (University of Prince Edward Island), appuyées par des experts étatsuniens et des bénévoles du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins ont travaillé de concert.

Clipper a d’abord été identifiée vivante dans le golfe du Saint-Laurent les 4, 5 et 10 juin. Puis, le 28 juin, la carcasse de Clipper a été repérée lors de survols aériens de Pêches et Océans Canada, à environ 100 km au large de la Gaspésie. Elle est la sixième carcasse à avoir été trouvée en eaux canadiennes en 2019.

Une première baleine noire empêtrée

Le 30 juin, la baleine noire #4400 a été observée empêtrée dans des engins de pêche au large de l’ile Miscou, Nouveau-Brunswick. La baleine noire juvénile née en 2014 se trouvait dans une zone fermée à la pêche depuis le 28 avril. L’équipe du Campobello Whale Rescue Team, spécialisée en dépêtrement de baleines, attend de meilleures conditions météos pour tenter une opération. Elle n’a pas été revue depuis.

Pêches et Océans Canada confirme que deux nouvelles carcasses de baleines noires de l’Atlantique Nord ont été retrouvées, l’une sur la côte d’Anticosti et l’autre à la dérive au large de la Gaspésie. Cela porte le décompte à six mortalités pour cette espèce dans le golfe du Saint-Laurent cette année. En réaction, Transports Canada met en vigueur immédiatement une limitation temporaire de vitesse de 10 nœuds visant les navires de 20 mètres ou plus circulant dans l’ouest du golfe du Saint-Laurent, dans les deux couloirs de navigation désignés au nord et au sud de l’ile d’Anticosti.

Ces précautions sont directement liées à la situation précaire de cette espèce en voie d’extinction. Michelle Sanders, directrice de la politique sur l’eau propre à Transports Canada précise que : « C’est une mesure préventive considérant que des baleines noires de l’Atlantique Nord ont été observées près des couloirs de navigation. » L’objectif est de limiter l’impact du trafic maritime sur les baleines noires.

Une femelle connue

La cinquième carcasse a été identifiée par le New England Aquarium à l’aide de leur catalogue. Cette femelle, née en 2003, était connue sous l’identifiant #3329. Les cicatrices qu’elles portent révèlent qu’elle a vécu au moins quatre empêtrements dans des engins de pêche. Elle avait été vue pour la dernière fois le 25 avril 2019 dans la baie de Cape Cod, aux États-Unis. Pêches et Océans Canada analyse présentement diverses options pour la récupération et pour la nécropsie de la sixième carcasse.

La sixième carcasse n’a toujours pas été identifiée.

Encore dans le flou

Des six carcasses de baleines noires de l’Atlantique Nord, seules deux nécropsies ont été réalisées pour le moment. D’après Matthew Hardy, directeur de la division des ressources aquatiques chez Pêches et Océans Canada : « Il est encore trop tôt pour dire ce qu’il se passe. Les carcasses retrouvées ne montrent pas de patrons de distributions ou de mortalités. Nous travaillons activement à rassembler plus de données pour mieux cerner la situation. »

Les baleines noires sont plus vulnérables aux empêtrements dans les engins de pêche et aux collisions avec les navires que les autres grandes baleines. Elles viennent dans le Saint-Laurent pour s’alimenter et passent donc beaucoup de temps en surface. Elles ont aussi le désavantage de se déplacer lentement.

D’après le rapport annuel de 2018 réalisé par le North Atlantic Right Whale Consortium, il ne reste que 411 baleines noires de l’Atlantique Nord. Sept baleineaux sont nés cet hiver, alors qu’un minimum de 17 baleineaux seraient nécessaires pour amener l’espèce à son rétablissement. Pour le moment, les mortalités dénombrées dans le golfe du Saint-Laurent en 2019 représentent un déclin de 1% de cette espèce.

Petit portrait des cinq baleines noires

1. Wolverine
Mâle de 9 ans
Résultats de la nécropsie non concluants pour identifier les causes de mortalité.

2. Punctuation
Femelle d’environ 40 ans
La nécropsie révèle un traumatisme qui correspond aux séquelles liées à une collision avec un navire.

3. Comet
Mâle de plus de 30 ans
La nécropsie sera réalisée dans les prochains jours à l’Île-du-Prince-Édouard.

4. Baleine n’apparaissant pas au catalogue (non nommée)
Femelle de 11 ans
Vu l’état de décomposition avancée, aucune nécropsie ne sera réalisée. Des échantillonnages en mer pourraient être réalisés.

5. #3329
Femelle de 16 ans
Considérant l’endroit reculé où se trouve la carcasse, Pêches et Océans Canada évalue la faisabilité d’une nécropsie sur place ou d’un déplacement de la carcasse.

6. Encore non-identifiée
Pêches et Océans Canada est actuellement en train d’évaluer  les options pour la récupération et pour la nécropsie de la carcasse.

 

Carte de la localisation des carcasses au moment de leur découverte. © Pêches et Océans Canada

La nécropsie de la baleine noire connue sous le nom de Punctuation a commencé le 25 juin en matinée.  La carcasse a été découverte le 20 juin dernier et pourrait donc être en très mauvais état. Les mauvaises conditions météo n’ont permis qu’un remorquage tardif hier. La carcasse se trouve maintenant à Petit-Étang, en Nouvelle-Écosse.

En près de 40 ans de vie, Punctuation a donné naissance à au moins huit baleineaux. Le premier a été observé en 1986 et le dernier en 2016. La perte d’une femelle reproductrice peut nuire au rétablissement de l’espèce en voie de disparition. Punctuation avait été vue dans le secteur des iles Mingan en 2017.

Ironie du sort, la découverte de la carcasse de cette femelle est survenue la même journée que la parution d’une étude sur les causes de mortalité des baleines noires de l’Atlantique Nord. Paru dans la revue scientifique Diseases of Aquatic Organisms, l’article confirme que les empêtrements et les collisions sont les causes de mortalité les plus fréquentes pour cette espèce (88%), loin devant les causes naturelles. Les chercheurs se sont penchés sur les 70 carcasses de baleines noires découvertes entre 2003 et 2018. De ce nombre, les scientifiques ont pu confirmer les causes de décès pour 43 individus. Parmi eux, 22 sont morts des suites d’un empêtrement et 16 de collisions avec un navire. «La bonne nouvelle, c’est que les mortalités peuvent être prévenues si on met en place immédiatement des mesures de prévention précises et fortes, tant aux États-Unis qu’au Canada», affirme par voie de communiqué Dr. Sarah Sharp, vétérinaire et pathologiste pour le Fonds international pour la santé animale (IFAW).

La réduction de vitesse des embarcations, l’utilisation de corridor à fermetures dynamiques ou le détournement de routes maritimes, l’utilisation d’engins de pêche sans cordage sont toutes des pistes de protection qui peuvent être mises en place ou qui sont déjà mises en place.

En savoir plus

Sharp SM, McLellan WA, Rotstein DS, Costidis AM and others (2019) Gross and histopathologic diagnoses from North Atlantic right whale Eubalaena glacialis mortalities between 2003 and 2018. Dis Aquat Org 135:1-31.

Un survol aérien a repéré une carcasse de baleine noire de l’Atlantique Nord dérivant à plus de 25 milles marins au large des Îles-de-la-Madeleine. Une balise satellite a été posé sur la carcasse, afin de suivre la dérive pour évaluer les possibilités de la remorquer à terre pour une nécropsie complète. Plus de détails suivront.

Après une journée intense de nécropsie, le ministère des Pêches et des Océans du Canada a annoncé ne pas avoir trouvé pour le moment la cause du décès. Des analyses plus poussées permettront peut-être d’y voir plus clair. Les résultats pourraient n’être disponibles que dans plusieurs mois.

Les baleines noires de l’Atlantique Nord se décomposent très rapidement après le décès. La carcasse de la baleine noire a été trouvée dans le golfe du Saint-Laurent le 4 juin dernier, avant d’être remorquée vers le rivage de l’ile Miscou, au Nouveau-Brunswick. La nécropsie a été compliquée par l’état de la carcasse. Néanmoins, les examens ont permis d’exclure un empêtrement récent ou une collision fatale comme cause de mortalité.

Des équipes spécialisées de vétérinaires, de biologistes et de spécialistes des mammifères marins de Pêches et Océans Canada, de la Marine Animal Response Society, de l’Atlantic Veterinary College de l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard et de l’Université de Montréal ont collaboré à la nécropsie.

Une nécropsie est l’équivalent d’une autopsie chez les humains. Elle permet d’analyser en profondeur l’animal. C’est grâce aux nécropsies que les vétérinaires spécialisés ont pu conclure qu’en 2017, sur les douze baleines noires trouvées mortes, deux étaient décès étaient liés à l’empêtrement dans du matériel de pêche, quatre décès étaient liés à des collisions avec des navires et un décès restait de cause inconnue.

La baleine noire de l’Atlantique Nord identifiée comme Wolverine devrait être analysée vendredi matin, sur l’ile de Miscou, au Nouveau-Brunswick. La nécropsie nécessitera l’apport de près de vingt personnes et de machineries lourdes. Une baleine noire peut mesurer jusqu’à 17 mètres et peser jusqu’à 70 tonnes. La manipulation d’une telle carcasse n’est donc pas aisée.

La carcasse de la baleine noire a été repérée le 4 juin dernier lors d’un survol aérien effectué par la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) à environ 50 milles nautiques entre la péninsule gaspésienne et l’ile Miscou. Elle se trouvait dans une zone de pêche fermée par prévention des empêtrements depuis le 17 mai. Le 5 juin, un navire de la Garde côtière canadienne, le NGCC A. LeBlanc, a entrepris le remorquage de la carcasse vers le Nouveau-Brunswick. Après une traversée de près de 13 heures, le navire se trouve avec la baleine près de la côte en attente de la nécropsie qui devrait avoir lieu le 7 juin.

Une nécropsie est l’équivalent d’une autopsie chez les humains. Elle permet d’analyser en profondeur l’animal. C’est grâce aux nécropsies que les vétérinaires spécialisés ont pu conclure qu’en 2017, sur les douze baleines noires trouvées mortes, deux étaient décès étaient liés à l’empêtrement dans du matériel de pêche, quatre décès étaient liés à des collisions avec des navires et un décès restait de cause inconnue. Pour le moment, les observations de la carcasse de Wolverine n’ont pas permis de déterminer la cause ni le moment exact du décès.

Des équipes spécialisées de vétérinaires, de biologistes et de spécialistes des mammifères marins de Pêches et Océans Canada, de la Marine Animal Response Society, de l’Atlantic Veterinary College de l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard et de l’Université de Montréal collaboreront à la nécropsie. Les résultats des analyses pourraient prendre plusieurs mois avant d’être disponibles.

 

En juin 2017, une nécropsie de baleines noires avait demandé la collaboration de plusieurs équipes et l’utilisation de machinerie lourde. Cette collaboration recommence encore cette année. © Pêches et Océans Canada

 

La baleine noire s’appelait Wolverine

L’équipe du New England Aquarium a identifié la baleine noire. Il s’agit de Wolverine, un mâle né en 2010 de la femelle 3123. Il devait son nom aux trois grandes cicatrices à la base de sa queue, héritée d’une collision avec une hélice de moteur alors qu’il avait 5 ans. Durant les cinq premières années de sa vie, Wolverine a été vu empêtré trois fois, deux empêtrements considérés comme mineurs et un modéré, selon les standards développés par le New England Aquarium. Cet individu a été vu en 2017 et en 2018 dans le golfe du Saint-Laurent.

 

La baleine noire Wolverine à la surface, ses cicatrices bien visibles.
Les cicatrices de Wolverine, liée à une collision avec une hélice de moteur © Sheila McKenney/Associated Scientists of Woods Hole/Marineland Right Whale Project

 

Un écosystème en changement

Une partie de la population des baleines noires de l’Atlantique Nord passait traditionnellement les étés dans la baie de Fundy. Depuis 2017, la baie de Fundy semble moins fréquentée et une augmentation majeure des observations de baleines noires a été notée dans le golfe du Saint-Laurent. En 2017, douze carcasses de baleines noires ont été trouvées dans le golfe. Des mesures d’atténuation des risques d’empêtrement et de collisions ont été instaurées d’urgence durant l’été. En 2018, des mesures ont aussi été appliquées. Aucune carcasse n’a alors été trouvée. Encore cette année, des zones de réduction de vitesse et de mesures d’atténuation des menaces d’empêtrements ont été mises en place.

Le 13 mai dernier, les premières baleines noires de l’Atlantique Nord de la saison ont été observées par relevés aériens dans le golfe du Saint-Laurent. Leur retour en eaux canadiennes signifiait le début de certaines mesures de protection, qui imposent des restrictions de vitesse aux embarcations de plus de 20 mètres ainsi que des fermetures de zones pour les pêcheurs. Une zone de réduction de vitesse statique, qui représente la région où 90% des baleines noires ont été observées en 2018, est d’ailleurs déjà en place depuis le 28 avril.

L’objectif de ces mesures est de diminuer les risques de collisions et d’empêtrements, des menaces importantes pour les baleines noires de l’Atlantique Nord, une espèce en voie de disparition. Ces mesures surviennent après un épisode de mortalité inhabituelle en 2017. Dix-sept carcasses de baleines noires ont été trouvées, dont douze dans les eaux canadiennes. Voici quelques nouveautés dans le dossier des baleines noires.

Nouvelles technologies pour les crabiers

Le cordage reliant les bouées aux casiers est une menace d’empêtrement pour les baleines noires. © Graphic Services, Woods Hole Oceanographic Institution

L’Association des crabiers acadiens bénéficiera d’un financement de plus de 2 millions de dollars sur trois ans pour tester de nouvelles techniques de pêche qui pourraient réduire les risques d’empêtrement des baleines noires. La pêche au crabe, une pêche dont dépendent de nombreuses communautés côtières, implique de déployer une grande quantité de cordages. Parce qu’elles passent beaucoup de temps à la surface pour s’alimenter, les baleines noires sont particulièrement à risque de se prendre dans les cordages.

La méthode actuelle consiste en une bouée qui flotte à la surface, reliée par une corde aux casiers qui coulent vers le fond. Depuis l’été dernier, de nouvelles techniques de pêche sont testées par certains pêcheurs. Par exemple, des bouées sous-marines pourraient être envisagées, puisqu’elles éliminent tout cordage près de la surface. Ces bouées seraient combinées à un système acoustique qui permettrait aux pêcheurs «d’appeler» les bouées vers la surface pour récupérer les casiers.

S’adapter à la présence des baleines noires

Les baleines noires viennent maintenant en grand nombre dans le golfe du Saint-Laurent, ce qui n’était pas le cas il y a une dizaine d’années. Elles seraient à la recherche de nouvelles sources de nourriture puisque l’abondance de copépodes a diminué dans leurs aires d’alimentation traditionnelles, dans la baie de Fundy.

Des mesures de protection ont été instaurées en 2017 dans l’urgence, puis reconduites l’année suivante. En 2018, aucune carcasse de baleine noire n’a été trouvée au Canada. Est-ce la preuve de l’efficacité des restrictions imposées ? Difficile à dire. «Ce qu’on sait, c’est que ces efforts-là devront être maintenus encore pendant plusieurs années», explique Robert Michaud, en entrevue avec Radio-Canada. La longévité des baleines noires ainsi que les longs intervalles entre les naissances font que les résultats de mesures de conservations prennent du temps à se manifester.

Mesures plus adaptées à l’industrie des pêches, surveillance comparable à l’an dernier, efforts de surveillance constants: les mesures de protection des baleines noires de l’Atlantique Nord pour 2019 ont été annoncées. Le ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière, Jonathan Wilkinson, ainsi que le ministre des Transports, Marc Garneau, ont réitéré l’importance de bien protéger l’espèce emblématique en voie de disparition. Les surveillances aérienne et acoustique continueront avec la même intensité pour documenter la présence des baleines noires. Les deux ministres ont toutefois annoncé des ajustements dans les mesures par rapport à 2018 pour diminuer les impacts des mesures sur les communautés côtières.

Des fermetures de zones de pêches et des corridors de ralentissement pour les navires commerciaux sont instaurés pour protéger les baleines noires. © Gouvernement du Canada

Ralentir pour prévenir les collisions

Des zones de limite de vitesse à 10 nœuds seront encore en vigueur dès le 28 avril pour les navires commerciaux de plus de 20 mètres. Un corridor de vitesse régulière sera mis en place, et ne sera fermé qu’en cas d’observations de baleines noires, permettant entre autres aux bateaux de croisière et d’approvisionnement de rejoindre facilement les régions côtières sans nécessairement modifier leur horaire.

Toutes les mesures répondent à l’évènement de mortalité de baleines noires de 2017, où 12 carcasses avaient été trouvées en eaux canadiennes. Afin de conserver ses permis d’exportation de produits de la mer et pour respecter ses lois de protection des espèces en péril, le gouvernement du Canada a mis en place des mesures d’urgence durant la saison 2017, en a instauré de plus sévères en 2018 et les a adaptées cette année.

Depuis que les baleines noires de l’Atlantique Nord ont quitté les eaux froides du golfe du Saint-Laurent pour se rendre dans leur aire hivernale, six veaux ont été observés par la Florida Fish and Wildlife Conservation Commission. Ils ont été observés en Floride le 28 décembre 2018, les 13, 18 et 28 janvier et le 11 et 12 février 2019 et sont les premiers de la saison de mise bas, qui se déroule généralement de novembre à mars. Selon Julie Albert, coordonnatrice au Marine Resources Council, on peut espérer d’autres naissances avant la fin de la saison puisque «5 des 6 baleines repérées cette saison étaient possiblement des femelles gestantes», rapporte-t-elle au Daytona Beach News-Journal. Chez cette espèce en voie de disparition, une dénatalité est observée depuis 2010. Chaque naissance est donc un petit pas vers son éventuel rétablissement.

«5 des 6 baleines repérées cette saison étaient possiblement des femelles gestantes», rapporte Julie Albert.

La mère allaitera son veau pour un minimum de 6 mois, ce qui augmentera considérablement ses dépenses énergétiques. © Florida Fish and Wildlife Conservation Commission, taken under NOAA permit 20556-01

Des naissances en contexte de dénatalité

La population mondiale de baleines noires de l’Atlantique Nord est estimée à 411 individus. De ce nombre, environ 75 seraient des femelles en âge de se reproduire. Pourtant, en 2018, aucun baleineau n’a été observé et seulement 5 l’ont été en 2017. Le nombre de baleineaux observé chaque année est donc très différent de ce qui serait normalement attendu. Le taux de natalité a diminué de 40% entre 2010 et 2016. De plus, l’intervalle moyen entre chaque naissance pour une femelle donnée est passé de 4 à 10 ans. À titre de comparaison, cet intervalle est de 3 ans chez sa cousine du Sud, la baleine noire australe. La diminution du nombre de grossesses menées à terme et l’augmentation du nombre de décès de nouveau-nés non documentés sont des raisons qui pourraient expliquer ces intervalles inhabituels.

La grossesse et l’allaitement sont des processus très couteux en énergie pour les femelles qui doivent avoir accès à suffisamment de nourriture pour maintenir leur poids. Les copépodes, nourriture préférée des baleines noires, se font de plus en plus rares dans les aires estivales traditionnelles, entre la Nouvelle-Angleterre et la Nouvelle-Écosse. Cela expliquerait pourquoi un nombre grandissant de baleines noires est observé dans le golfe du Saint-Laurent, où ces petits crustacés sont présents. Une migration plus longue occasionne une plus grande dépense énergétique pour les femelles, ce qui peut nuire à la reproduction. Si la femelle réussit à mettre au monde un baleineau malgré tout, il n’est pas assuré qu’elle sera assez en forme pour produire suffisamment de lait pour le nourrir. En effet, des études sur la baleine noire australe ont montré que le volume corporel des femelles qui allaitent diminue de 25% en seulement 3 mois.

Dans les dernières décennies, les périodes de natalité particulièrement faibles sont associées à l’observation d’un plus grand nombre de blessures et d’une santé générale diminuée. Cela suggère que la dénatalité peut être liée aux empêtrements fréquents des baleines noires de l’Atlantique Nord dans les engins de pêche. Cette espèce est particulièrement atteinte par les collisions et les empêtrements parce qu’elle se déplace lentement et en surface. Le stress causé par ces évènements pourrait nuire à la reproduction ou à la capacité des baleines de mettre à terme leur grossesse. Heureusement, ces périodes sont généralement suivies d’une remontée du taux de naissance, lorsque les conditions de santé sont de nouveau propices.

En outre, la faible diversité génétique des baleines noires pourrait nuire à leur capacité de reproduction. En effet, les petites populations sont particulièrement à risques de reproduction entre individus trop apparentés génétiquement. Ces individus peuvent être non compatibles génétiquement et produire des fœtus non viables.

La mise en place de mesures de protection de la baleine noire en 2018 par Pêches et Océans Canada et Transports Canada semble avoir été efficace. Les autorités ont recensé 3 empêtrements et aucun décès en eaux canadiennes lors de la dernière année, une nette diminution par rapport aux 18 décès et 5 empêtrements documentés en 2017.

Il faudra attendre quelques années pour savoir si la diminution de mortalité et d’évènements stressants permettra une remontée de la natalité. En attendant, on peut espérer que ces trois naissances soient le commencement d’une série de bonnes nouvelles pour l’espèce.

Sources

(2010) Browning, C., R. M. Rolland and S. D. Kraus. Estimated calf and perinatal mortality in western North Atlantic right whales (Eubalaena glacialis). (États-Unis). Marine Mammal Science 26(3): 648-662.

(2018) Christiansen, F., F. Vivier, C. Charlton, R. Ward, A. Amerson, S. Burnell and L. Bejder. Maternal body size and condition determine calf growth rates in southern right whales. (Australie). Marine Ecology Progress Series 592: 267–281.

(2018) Right Whale News 26(3): 1-21.

Grands dossiers - 3/7/2019

Marie-Ève Muller

Marie-Ève Muller s’occupe des communications du GREMM depuis 2017 et est porte-parole du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins (RQUMM). Comme rédactrice en chef de Baleines en direct, elle dévore les recherches et s’abreuve aux récits des scientifiques, des observateurs et observatrices. Issue du milieu de la littérature et du journalisme, Marie-Ève cherche à mettre en mots et en images la fragile réalité des cétacés.

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