Narval

Image Narval
  • Nom anglais espèce

    Narwal

  • Nom latin espèce

    Monodon monoceros

  • Autres noms

    Licorne des mers

  • Sous-ordre

    Baleines à dents (odontocètes)

Fiche signalétique

  • Longueur

    4,94 m à 5,40 m

  • Poids

    1 552 kg à 1 935 kg

  • Comportement social

    Très grégaire

  • Longévité

    Moins de 50 ans

  • Temps de plongée

    2 à 30 min.

  • Observations

    Un seul individu est présent dans le Saint-Laurent

  • Distribution mondiale

    Baie de Baffin, baie d'Hudson et l'est du Groenland

  • Population mondiale

    Moins de 50 000 individus

Description

  • Peau mouchetée gris

Un narval parmis les bélugas

Depuis 2016, un jeune narval mâle est observé dans l’estuaire du Saint-Laurent. Il est à plus de 1000 km au sud de son aire de répartition et il nage en compagnie de jeunes bélugas. Pour distinguer le narval des bélugas, on peut noter sa peau mouchetée et sa grande dent torsadée. Pour le reconnaitre année après année, il faut observer les agencements des taches sur son dos et son cou. Attention! Le patron de coloration des narvals évolue avec le temps, ce qui pourrait le rendre plus difficile à identifier hors de tout doute au fil des ans.

Ce qu'il faut savoir

Le narval et le béluga sont les deux seules espèces qui font partie de la famille des monodontidés, dans le sous-ordre des baleines à dents. Ces deux espèces vivent dans les régions arctiques et subarctiques et ont une distribution circumpolaire, c’est-à-dire tout autour du pôle. Cousins, les bélugas et les narvals partagent des traits caractéristiques, comme l’absence de nageoire dorsale sur le dos. Ils ont plutôt une crête dorsale qui serait peut-être une adaptation à la vie en eau froide. En effet, chez la plupart des cétacés, la nageoire dorsale, dépourvue de couche de graisse, est reconnue pour servir à évacuer la chaleur. Plus petite et plus solide, la crête dorsale des monodontidés servirait entre autres à casser la glace afin de remonter à la surface.

À l’âge adulte, un narval mesure environ la même taille que celle d’un béluga, soit de 3,95 m à 5,5 m. À cette longueur s’ajoute, chez le mâle, celle de la dent protubérante, qui peut mesurer jusqu’à 3 m!

Comme chez les bélugas, la couleur des narvals évolue avec le temps. La peau pâlit avec l’âge et les taches mouchetées sur son dos se modifient.

Les bélugas comme les narvals sont très sociables. Grégaires, on les voit plus souvent en groupe. Pour ces deux espèces, les femelles vivent la ménopause et les grands-mères auraient un rôle à jouer dans les soins aux petits et la transmission de savoirs.

Malgré leurs ressemblances et leur proximité, on ne croise habituellement pas les narvals et les bélugas ensemble. La chercheuse Marianne Marcoux, spécialiste des narvals chez Pêches et Océans Canada raconte : «J’ai déjà observé un béluga qui nageait au milieu d’un groupe de narval dans le détroit Éclipse. Les bélugas et les narvals ont déjà été observés ensemble durant leur migrationdu printemps dans le bras Navy Board, mais on croit que ces rencontres sont temporaires. Dans le nord-ouest de la baie d’Hudson, c’est un des rares endroits où la distribution des narvals et des bélugas au Canada se chevauche. Les narvals et les bélugas sont à proximité, mais ne se mélangent pas nécessairement.» Ainsi, les mélanges des deux espèces ne sont pas fréquents.

C’est fort possible que le narval parvienne à comprendre les bélugas et à se faire comprendre. La chercheuse Valeria Vergara, affiliée à l’organisme Ocean Wise et collaboratrice du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM), est spécialiste de la communication chez les bélugas. «J’ai peu de doutes que les narvals et les bélugas puissent bien communiquer entre eux. Il n’y a qu’un seul article scientifique publié sur le sujet, et il indique que les cris de contact chez les narvals sont très similaires à ceux des bélugas. J’ai pu entendre les enregistrements pris par l’auteur de l’article Ari Shapiro et j’ai vraiment reconnu les similitudes», explique-t-elle.

Les cris de contact sont un élément de communication qui servirait à identifier l’animal qui émet le son, un peu comme lorsqu’on utilise un talkie-walkie, on se nomme avant de parler.

Valeria Vergara ajoute que «les chercheurs qui travaillent dans des secteurs où les deux espèces cohabitent ont souvent de la difficulté à distinguer les deux espèces sur les enregistrements passifs, où aucune observation visuelle n’est faite. Ce n’est pas très surprenant, étant donné leur proximité taxonomique et le fait qu’ils ont évolué dans un environnement similaire.» Est-ce que les spécialistes de la communication des mammifères marins dans le Saint-Laurent comme Valeria Vergara ou Yvan Simard de Pêches et Océans Canada reconnaitront le narval dans les enregistrements faits ici? À suivre!

Les projets de photo-identification de narvals sont rares. Dans le cadre d’une étude en Arctique, les chercheuses Marianne Marcoux (Pêches et Océans Canada) et Marie Auger-Méthé (Université Dalhousie) se sont fiées aux entailles dans la crête dorsale des animaux pour les différencier. En effet, le patron de coloration évolue chez les narvals avec les années — contrairement au rorqual bleu par exemple, chez qui les mosaïques mouchetées sont permanentes. Néanmoins, les deux chercheuses n’ont pas retrouvé le narval du Saint-Laurent parmi les narvals présents dans leur catalogue.

Non, ce n’est pas une corne de licorne, mais bien une dent qui pousse à travers la lèvre supérieure du narval! Le nom latin du narval Monodon monoceros signifie d’ailleurs «une dent, une corne». Le narval n’a habituellement que deux dents, dont une seule qui pousse en torsade et peut mesurer jusqu’à 3 m chez le mâle adulte. Quelques rares narvals verront leurs deux dents pousser hors de la lèvre, et souvent une sera plus courte que l’autre. Cette dent caractéristique, aussi appelée défense, est trouvée chez les mâles, et à l’occasion chez les femelles. Au Centre d’interprétation des mammifères marins, on peut soulever une dent de narval de 176 cm et de 15 livres (6,8 kilos).

«Notre» narval a une dent encore relativement petite, signe qu’il n’a pas encore atteint la maturité sexuelle. Elle a tout de même grandi depuis 2016, et pousse chaque année davantage.

Les hypothèses varient et il est possible que sa fonction soit multiple. L’analyse de dents de narval a montré des millions de terminaisons nerveuses, ce qui pourrait permettre au narval de sentir la pression, la salinité et la température de l’eau ou encore de détecter des proies. Dans un milieu très noir, souvent recouvert de glace, la dent pourrait donc servir de «lampe de poche», permettant de trouver un trou dans le couvert glacé pour respirer.

À une occasion, en 2017, des chercheurs ont pu filmer des narvals en train d’assommer des proies avec leur dent. Cette technique avait déjà été rapportée par des Inuits, mais n’avait pas encore été documentée. Toutefois, on ne sait pas si cette façon de chasser est commune ou non.

La dent pourrait aussi être un attribut apprécié des femelles et favoriser la reproduction de certains mâles. Elle pourrait même percevoir des changements hormonaux chez les femelles.

Des marques et cicatrices sur les mâles montrent que la dent pourrait aussi servir à des combats. Toutefois, aucun chercheur n’a documenté de tels échanges et même les Inuits ne semblent pas avoir jamais assisté à de telles démonstrations d’agressivité. Par contre, il faut garder en tête que les observations dans l’Arctique sont compliquées par l’abondance des glaces et la noirceur une bonne partie de l’année. Les jeunes mâles sont souvent observés croisant leur dent durant la saison estivale. Une façon de pratiquer leur combattivité? De communiquer?

Il reste encore bien des mystères autour de la fameuse dent de la licorne des mers.

Une équipe de recherche danoise a pu confirmer en 2019 qu’au moins un hybride narval-béluga a bel et bien déjà vécu. Publiée dans Scientific Reports, cette étude a même pu démontrer grâce à l’analyse de l’ADN sur le crâne que l’individu mâle était né d’une femelle narval et d’un mâle béluga.

L’histoire de cette découverte commence en 1990, alors qu’un chercheur danois remarque un crâne étrange sur le toit de la maison d’un Inuit dans l’ouest du Groenland. La forme du crâne rappelle celle du béluga et du narval, mais pas la dentition. Les dents sont plus nombreuses que celles du narval et moins nombreuses que celles du béluga, elles sont aussi plus inclinées et certaines sont torsadées, comme la canine gauche du narval. L’Inuit a conservé ce crâne, mais lors de sa chasse de subsistance, il a observé deux autres individus semblables à celui à qui le crâne appartenait. Selon la description qu’il a donnée au chercheur, la baleine était grise, de taille adulte, sans nageoire dorsale, avec des pectorales similaires à celles des bélugas et une queue de la forme de celle d’un narval. Le chercheur ramène le crâne au Musée d’histoire naturelle du Danemark, à l’Université de Copenhague, où il est conservé. Puis, en 2019, les chercheurs ont enfin accès à la technologie nécessaire pour confirmer l’hypothèse d’un hybride. Ils ont aussi pu étudier à l’aide des isotopes stables la diète de l’animal, qui diverge de celles des narvals et des bélugas de sa région. Pourquoi? Possiblement à cause de son étrange dentition, il était plus apte à chercher des proies au fond de l’eau. Malgré sa différence, la baleine a pu vivre jusqu’à l’âge adulte.

Revenons au Saint-Laurent. Ici, le narval présent parmi les bélugas est un mâle, donc l’inverse du cas au Groenland. Est-ce qu’une hybridation est possible dans ce sens? Pour le moment, le narval n’a probablement pas atteint sa maturité sexuelle. Celle-ci surviendra autour de l’âge de 11 à 13 ans, quelques années après celle des narvals femelles. Est-ce qu’à ce moment-là, les femelles bélugas s’intéresseront à lui? Est-il fertile? Est-ce qu’une hybridation sera possible? À suivre!

Le narval n’est pas nécessairement en danger ici.

La situation des narval est considérée comme préoccupante pour le Comité sur les espèces en péril au Canada. L’accélération des changements climatiques perturbe leur habitat, la répartition de leurs proies, et augmente le trafic maritime dans un secteur qui en était jusqu’à très récemment exempt. Pour les 160 000 narvals estimés au Canada, la lutte contre les changements climatiques est essentielle à la qualité de leur habitat.

Par contre, même si le narval n’est pas en péril dans le Saint-Laurent, «notre» narval est actuellement observé auprès de bélugas qui, eux, forment une population en voie de disparition. Ainsi, peu importe où vous êtes dans l’estuaire, une distance minimale de 400 mètres doit être maintenue avec les bélugas, et donc avec le narval.