Comment retrouver son chemin?

Grâce aux astres ? En se fiant aux courants dominants? En percevant les variations dans le champ magnétique terrestre? Possible. Les grands rorquals utiliseraient des sons de très basses fréquences pour percevoir, tel un sonar, les reliefs sous-marins, et pourraient garder en mémoire des cartes acoustiques. Les baleines à fanons auraient également la faculté de « gouter » les différences de composition des masses d’eau, et ainsi retracer l’embouchure d’un fleuve ou la limite d’une banquise. Mais même si de nombreuses découvertes ont été faites, aucune théorie à l’heure actuelle n’est capable d’expliquer cette étonnante précision qu’ont les baleines pour se diriger dans les océans.

Où vont les géants du Saint-Laurent?

Tout dépend de l’espèce. Les rorquals à bosse de l’Atlantique Nord-Ouest se rassemblent dans les Caraïbes pendant l’hiver, puis se répartissent l’été venu dans différentes aires d’alimentation, comme le golfe du Maine, les côtes de Terre-Neuve ou le Saint-Laurent. Une étude états-unienne basée sur la détection des sons produits par les rorquals communs a montré qu’il y a des rorquals communs partout dans l’Atlantique Nord, et ce, pendant toute l’année. On a aussi décelé un mouvement progressif des animaux vers le nord au printemps et vers le sud à l’automne, mais pas de grands rassemblements. Quant aux rorquals bleus, « l’espionnage acoustique » a dévoilé leur présence depuis les Grands Bancs de Terre-Neuve jusqu’aux Bermudes. Certains individus ont également été vus dans le Saint-Laurent en plein hiver, s’alimentant parmi les glaces, au péril de leur vie.

Des chercheurs ont observé que les rorquals bleus du Pacifique retournent chaque année aux mêmes endroits en des dates similaires. Curieusement, leurs zones d’alimentation ne sont pas celles qui sont les plus productives. Ce sont plutôt celles qui sont les plus prédictibles. En favorisant la stabilité plutôt que la quantité, les baleines bleues éviteraient ainsi les mauvaises surprises, dans un écosystème hautement variable. Si les baleines bleues peuvent profiter de cette stratégie, c’est notamment parce qu’elles ont une espérance de vie de 80 ans, ce qui permet un apprentissage sur le long terme.

Comment suivre les baleines dans leurs migrations ?

La télémétrie satellite permet d’étudier les déplacements et l’activité des baleines sur une grande distance et pendant de longues périodes, divulguant ainsi plusieurs aspects du périple: routes empruntées, pauses nourricières, vitesse de déplacement, etc. Par exemple, selon de récentes recherches, les Açores seraient une véritable « oasis » printanière pour les rorquals communs et les rorquals bleus en route vers le Groenland; et la vitesse de croisière de ces grands cétacés varierait pendant les 24 heures d’une journée et selon les régions géographiques qu’ils traversent. Ces variations seraient dues au cycle jour-nuit, qui influence la profondeur à laquelle leurs proies se regroupent, influencées par la lumière.

L’analyse des fanons prélevés sur des carcasses de baleines permet aussi d’en apprendre davantage sur les déplacements d’un individu pendant ses dernières années de vie. À la fin des années 1980, les scientifiques ont découvert que certains évènements de la vie d’une baleine laissent des traces biochimiques dans ses fanons. Plus on s’éloigne de la gencive, plus on remonte dans le temps. En comparant les proportions de certaines molécules, les isotopes stables, dans les fanons et dans les océans, on peut établir les mouvements de l’individu en retournant jusqu’à 25 ans en arrière pour les baleines noires et boréales et jusqu’à 5 ans en arrière pour les rorquals bleus et communs.