On pourrait croire que c’est parce que leurs poumons sont immenses. Mais, toutes proportions gardées, les poumons de l’être humain sont plus gros ! Chez l’humain, les poumons représentent environ 1,75 % de sa masse totale alors que chez le rorqual bleu, cette proportion tombe à 0,73 %. Curieusement, il semble que le fait d’avoir de petits poumons soit une adaptation à la plongée. En effet, la pression de l’eau, qui s’accroît en profondeur, compresse les poumons remplis d’air, ce qui cause des tensions sur les tissus des poumons et de la cage thoracique. Un mammifère marin qui minimise le volume d’air apporté en plongée minimise ces tensions. Certains mammifères marins expulsent même l’air contenu dans leurs poumons avant de plonger.

Les baleines cachent donc leurs réserves d’oxygène ailleurs que dans les poumons, c’est-à-dire dans le sang et les muscles. Comme pour nous, c’est la respiration qui permet au sang de faire le plein d’oxygène. À chaque respiration, les baleines échangent de 85 à 90 % de l’air contenu dans leurs poumons, contrairement aux mammifères terrestres qui ne renouvellent qu’environ 15 % du volume d’air des poumons. Le sang des baleines s’oxygène donc très efficacement, d’autant plus qu’il est très riche en globules rouges, les cellules qui transportent l’oxygène. Les baleines accumulent aussi l’oxygène dans leurs muscles : une molécule qui fixe l’oxygène, semblable à celle qu’on retrouve dans les globules rouges du sang, est présente en grande quantité dans leurs muscles. C’est ce qui explique que leur chair soit si foncée, presque noire dans le cas du cachalot.

Mais il ne suffit pas d’avoir de bonnes réserves d’oxygène lors de la plongée, il faut aussi savoir l’économiser. Les baleines ont plusieurs trucs. En plongée, elles ralentissent leur rythme cardiaque; leur sang n’oxygène alors que le cerveau et les organes vitaux. De plus, elles peuvent ajuster leur comportement et abaisser leur température afin d’économiser leur énergie, et donc leur oxygène. Elles peuvent aussi utiliser des mécanismes énergétiques qui ne demandent pas d’oxygène. C’est ce qu’on appelle des mécanismes anaérobie, les mêmes que nos muscles fatigués utilisent quand nos poumons et notre cœur ne fournissent plus à la tâche.

Les accidents de décompression


Les baleines ont développé certaines adaptations anatomiques, physiologiques et comportementales pour atteindre des profondeurs où la pression est très élevée. Malgré tout, les baleines peuvent, à l’instar des plongeurs ou des astronautes, souffrir de ce qu’on appelle les accidents de décompression, ou maladie des caissons.

Que sont les accidents de décompression?

La pression varie selon la profondeur de l’eau. Plus on plonge vers les profondeurs marines, plus la pression est forte.

Le poids et la pression de l’eau compressent les baleines. Si leur remontée à la surface s’effectue trop rapidement, elles risquent de subir les conséquences des accidents de décompression.

Chez les humains, les accidents de décompression sont bien connus. L´azote, un des gaz contenus dans l´air inspiré par le plongeur, se dissout dans le sang et les tissus sous forme de microbulles. Si le plongeur remonte trop rapidement, les bulles grossissent et le gaz ne peut pas être expiré par les poumons. Des lésions plus ou moins graves peuvent apparaitre, de la douleur articulaire à la paralysie et jusqu´à la mort. Les apnéistes, comme les baleines, n’inspirent pas continuellement de l’azote comme les plongeurs. Ces accidents peuvent donc survenir chez les apnéistes lors de plongées répétitives ou en profondeur extrême, mais aussi chez les baleines.

Comment les baleines font-elles pour y résister?

Leurs adaptations évolutives leur permettent de mieux résister à la pression exercée par l’eau. Elles n’ont pas de sinus faciaux, comme les humains, leur oreille moyenne est adaptée aux changements de pression et leurs poumons sont plus petits, pour éviter une compression excessive. Leur oxygène ne se situe pas uniquement dans leurs poumons, mais aussi dans leur sang et leurs muscles. Grâce à ces adaptations, les baleines ne souffrent généralement pas des accidents de décompression, sauf dans certaines situations.

Qu’est-ce qui crée ces accidents chez les baleines?

Pour avoir un accident de décompression, il faut remonter à la surface trop rapidement pour que l’azote inspiré avant la plongée ait le temps de s’adapter au changement de pression liée à la remontée. Qu’est-ce qui ferait remonter trop vite une baleine, au péril de sa vie?

Des exercices militaires, par exemple. En 2002, un échouage de baleines à bec a concordé avec un test d’utilisation de sonars à grande vitesse. Ces sonars émettent généralement des sons à fréquence moyenne (parfois basse ou haute), qui peuvent déstabiliser les baleines. Quand elles se retrouvent près de ces sonars en fonction, il arrive qu’elles nagent rapidement pour les distancer, sans nécessairement considérer les changements soudains de pression.

Les activités sismiques peuvent aussi affecter les baleines. Plus on se rapproche, plus les sons déclenchés par les séismes sont à haute fréquence. Plus on s’éloigne, plus leur fréquence baisse. Avec tous ces sons, les cétacés luttent pour communiquer, trouver leurs proies et s’orienter.

Tous ces bruits pourraient donc avoir un impact direct sur les baleines : les bulles d’azote se forment avec le stress lié à un son intense, et pourraient sursaturer les tissus et bloquer le passage de l’oxygène.

L’alimentation des baleines peut aussi les amener à remonter trop vite, comme chez les dauphins de Risso. Lorsqu’ils plongent vers les profondeurs marines pour chasser leurs calmars préférés, ils ont parfois des remontées trop rapides et répétées qui occasionnent un mal des caissons. Une étude publiée dans la revue Nature explique ce phénomène en disant que « les dauphins entreraient dans une situation caractérisée par un stress sévère, un comportement anormal de plongée, une nage vigoureuse, une ascension rapide et une lutte en profondeur et en surface ».