Il aura étonné, inquiété, ébloui et sensibilisé des millions de personnes alors que le Québec vivait un confinement nouveau. Le rorqual à bosse femelle juvénile (âgé de 2 à 4 ans) qui a séjourné de Québec à Montréal entre le 24 mai et le 9 juin 2020 a créé beaucoup d’émoi. La présence de cette baleine hors de son habitat naturel a généré beaucoup d’intérêt auprès de la population, a soulevé de colossaux enjeux de conservation et a suscité de nombreuses questions dans la communauté scientifique. Un an après le premier signalement de ce voyage inhabituel, que retenir?

Rappel des évènements

Le 24 mai, un rorqual à bosse nageait très près de la côte à Saint-Irénée, dans Charlevoix. Il est peu fréquent d’un voir un rorqual à bosse dans ce secteur, mais cela arrive occasionnellement, notamment lors de la fraie du capelan. Les photos sont envoyées au Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins qui confirmera le 3 juin qu’il s’agit bel et bien de l’animal qui nage à Montréal depuis le 29 mai.

Le 26 mai, un rorqual à bosse est aperçu dans le secteur des ponts, au large de la ville de Québec. Il a été d’abord repéré et filmé par un pêcheur dans l’après-midi, qui a rapidement signalé son observation à la ligne d’Urgences Mammifères Marins au 1 877 722-5346. Il est observé cette journée-là jusqu’à 20h30.

Le 27 mai, en fin de journée, un rorqual à bosse — probablement le même — est filmé en train d’effectuer des sauts devant le quai de Portneuf.

Le 28 mai en matinée, un signalement a ensuite été reçu pour une baleine au large de Deschaillons-sur-Saint-Laurent et Saint-Pierre-les-Becquets. Vers midi, elle se trouvait près de Bécancour. En fin de journée, elle était autour du pont Laviolette, à Trois-Rivières. Le 29 mai en matinée, elle était plutôt du côté de Sorel. En fin de journée, elle se trouvait au large de Lanoraie.

Le 30 mai, elle entrait dans le secteur de Montréal. Elle a passé une bonne partie de la journée au large du quai du Vieux-Port. L’équipe d’intervention du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins (RQUMM) a passé la journée sur l’eau pour documenter la situation.

Le 31 mai en matinée, le rorqual à bosse se trouvait toujours dans le secteur du pont Jacques-Cartier à Montréal. L’équipe d’intervention du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins a passé la journée auprès de la baleine. L’escouade nautique de la SPVM et les agents des pêches de Pêches et Océans Canada ont également continué la prévention sur l’eau. Nous remercions les citoyens et citoyennes pour leur collaboration à garder leurs distances avec la baleine. Nous remercions également les pilotes du Saint-Laurent pour leur excellente collaboration.

Mise à jour du 31 mai à 17h30 : Le rorqual à bosse nage toujours dans le secteur aval du pont Jacques-Cartier, à Montréal. Son comportement reste normal. L’équipe d’intervention du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins a passé la journée aux côtés de l’animal pour documenter la situation, avec l’appui de l’escouade nautique de la SPVM et des agents des pêches de Pêches et Océans Canada. Les quelques plaisanciers présents ont respecté les distances règlementaires. Le suivi de l’animal se poursuit.

Depuis le 1er juin, le rorqual à bosse nage principalement dans le secteur du pont Jacques-Cartier. Des observateurs terrestres font le suivi comportemental de l’animal aujourd’hui pour le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins (RQUMM). Des agents des pêches de Pêches et Océans Canada patrouillent dans le secteur pour documenter la situation et s’assurer du respect de la distance de 100 mètres entre les navires et la baleine.

Le 3 juin, le rorqual à bosse nage toujours dans le même secteur avoisinant le pont Jacques-Cartier. Il a été plus tranquille cette journée, effectuant ce qu’on appelle du billotage, c’est-à-dire un repos en surface, relativement immobile. Après un réveil en sursaut lorsqu’il a frôlé le quai de l’horloge vers 15h30, l’animal s’est réactivé. En soirée, il a effectué de nombreux sauts, puis a semblé s’éloigner vers l’est.

Le 4 juin, les observateurs ne trouvaient pas l’animal. Finalement, il a été repéré peu avant 9h, du côté sud de l’ile Sainte-Hélène, dans le chenal Le Moyne. Il est encore dans ce secteur le 5 juin en matinée.

Le 5 juin, le rorqual à bosse nageait toujours dans le chenal Le Moyne. Durant l’après-midi, il a suscité l’émoi des observateurs en donnant des coups de queue en surface, ce qu’on appelle du «lobtailing». Ce comportement peut aussi être vu chez les cachalots, les baleines noires et même certaines espèces de dauphins. Encore une fois, ce type de comportement spectaculaire est difficile à interpréter. Un peu comme avec les sauts, les coups de queue pourraient servir à la communication, à l’alimentation ou encore à démontrer de l’agressivité. Il est aussi possible que ce mouvement dynamique ait une autre fonction pour le moment inconnue des humains. Tandis que l’animal claquait de la queue, il a dérivé de plusieurs mètres. L’animal a ensuite remonté le courant et a repris sa position près de la traverse du Cosmos.

L’étendue de ses comportements nous montre encore une fois un animal actif. Une équipe d’observateurs du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins (RQUMM) poursuit le monitorage de la baleine à partir de la rive. Les experts poursuivent l’analyse des données comportementales et suit de près la situation.

Le 6 juin, le rorqual à bosse nageait toujours du côté de la passerelle Cosmos. Les experts du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins étaient sur les lieux pour évaluer l’état corporel de la baleine. L’état de la peau s’est détérioré, mais la problématique n’est que superficielle et devrait disparaitre rapidement lorsque l’animal sera en retour en eau salée.

La baleine a donné des coups de nageoires pectorales en surface, ce qu’on appelle du «flipper flapping». Des sea-doos se sont encore une fois approchés trop près de l’animal, ne respectant pas le 100 m de distance. Plaisanciers, nous avons besoin de votre collaboration pour assurer la sécurité de la baleine. Partageons le Saint-Laurent!

Le 7 juin, c’est la surprise! Le rorqual à bosse n’est plus autour de l’ile Sainte-Hélène. En fin d’avant-midi, des pêcheurs repèrent la baleine non loin de Pointe-aux-Trembles. Elle n’a pas été revue depuis.

Le 8 juin, la surveillance sur l’eau continue et la collaboration des riverains et riveraines est essentielle pour repérer l’animal. Où est passé le rorqual à bosse observé plusieurs jours à Montréal? Le mystère plane. Il est de plus en plus vraisemblable que la baleine ait repris la route vers l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent. Théoriquement, il pourrait être dans le secteur de Québec en soirée et aux alentours de Tadoussac dès demain.

L’escouade nautique du SPVM ainsi que les agents des pêches de Pêches et Océans Canada sont toujours sur l’eau et sur les rivages afin de s’assurer du respect de la distance de 100 mètres avec l’animal. Une amende allant jusqu’à 100 000$ peut être donnée aux contrevenants à la loi. Si vous voyez une embarcation, que ce soit un kayak ou un bateau à moteur, commettre une infraction, vous pouvez la signaler à S.O.S. Braconnage (1 800 463-2191). Le RQUMM n’est pas responsable de l’application de la loi.

Tôt le 9 juin au matin, un pilote maritime a filmé et signalé ce qui semble être une carcasse de baleine au niveau de Varennes, en Montérégie. Impossible pour le moment de confirmer qu’il s’agit bien du rorqual à bosse observé ces dernières semaines à Montréal, mais c’est probable que ce soit lui. Une équipe des agents des pêches est actuellement en route en direction de la dernière position connue de cette carcasse pour en savoir davantage. Le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins travaille activement à la logistique complexe de l’opération de récupération de la carcasse, afin d’effectuer une nécropsie, afin de récolter de précieuses informations sur l’animal et sa mort.

Le 10 juin, les vétérinaires procèdent à la nécropsie. Les résultats ne permettent pas de conclure à une cause précise de mortalité, mais elle est soudaine.

«Nous espérons que l’héritage de cette baleine sera positif et qu’il aura mis en lumière la délicate cohabitation entre les humains et les baleines, explique Marie-Ève Muller, porte-parole du RQUMM. On a beaucoup entendu parler ces derniers jours de trafic maritime, de risques de collision, d’environnement sous-marin bruyant, de pollution des eaux… Or, toutes ces problématiques, les baleines les vivent au quotidien dans leur habitat naturel. Ce que nous jetons dans nos égouts, l’engrais que nous mettons dans notre jardin, la consommation de produits venus par bateau : toutes ces actions ont un impact sur les baleines du Saint-Laurent, même pour les personnes vivant à Montréal. Heureusement, nous pouvons travailler à mieux cohabiter avec la faune marine.»

Souhaitons que la mobilisation d’aujourd’hui puisse mobiliser le public pour protéger toutes les baleines du Saint-Laurent.

Pour voir tous les points d’observation de l’animal sur la carte, cliquez ici.

Questions fréquentes

C’est une question qui revient souvent, et elle est légitime. La présence du rorqual à bosse à Montréal, bien qu’inusitée, est un phénomène naturel et n’est pas le résultat de l’activité humaine. C’est entre autres pour cette raison que les experts recommandaient de laisser la nature suivre son cours, avec toutefois un coup de main important pour assurer sa sécurité pendant son séjour. En effet, Pêches et Océans Canada, en collaboration avec le SPVM, ont patrouillé sans relâche sur l’eau pendant deux semaines pour tenter de lui apporter la protection dans son aventure.

Tout au long de son périple, le rorqual à bosse avait la possibilité de repartir par lui-même vers son habitat. L’équipe du Réseau a documenté l’état corporel de l’animal et a évalué en continu sa condition. Lors des dernières observations réalisées, le rorqual à bosse semblait en forme, en bon état de chair, et montrait un répertoire de comportements normaux, voire dynamique pour son espèce (sauts, lobtailing, etc.). Il avait la capacité de se déplacer par lui-même et de retourner vers l’estuaire ou le golfe.

Les interventions auprès des mammifères marins sont complexes et pleines de défi autant pour la santé et la sécurité des animaux que pour celles des humains qui interviennent. Des questions éthiques, comme jusqu’où l’humain doit intervenir dans les phénomènes naturels, entrent en compte. Il y a aussi des questions de capacité: est-ce possible de transporter une baleine de 9,5 mètres vivante sans lui nuire davantage et sans danger pour les humains? Un plan d’intervention comporte toujours plusieurs scénarios et plusieurs phases selon les changements dans une situation. Vous pouvez être assurés que toute l’équipe a travaillé d’arrache-pied sur ce cas.

«Plusieurs exemples du passé nous ont montré que les essais pour attirer ou repousser ces animaux avec des sons n’avaient pas fonctionné et comportaient même des risques importants pour l’animal», rappelle Robert Michaud, coordonnateur du RQUMM. «Dans ces cas, les rorquals à bosse qui s’étaient aventurés dans des rivières étaient repartis par eux-mêmes après une phase exploratoire.»

Il est important de préciser que toutes les décisions ont été prises en concertation avec de nombreux experts des mammifères marins au Québec, au Canada, mais également partout dans le monde, notamment avec des équipes ayant déjà participé à des sauvetages de cétacés en difficulté et des spécialistes de l’espèce.

Pour en savoir plus, vous pouvez écouter la vidéo plus bas ou en suivant ce lien pour entendre Robert Michaud expliquer tout ce qu’implique ce genre de cas dans une période de questions-réponses.

La nécropsie se déroule en deux temps. L’analyse macroscopique permet de tirer de premières observations à l’œil nu : sexe de l’animal, marques de collisions, état de chair, alimentation récente, présence de parasites, etc. Ces résultats préliminaires pourraient être disponibles dès la journée de la nécropsie.

Les informations microscopiques, elles, concernent l’analyse des tissus, des cellules. Le traitement des échantillons prélevés peut prendre plusieurs mois, et peut-être plus longtemps que d’habitude étant donné la situation de COVID-19.

Pour lire le rapport complet de nécropsie: http://www.cwhc-rcsf.ca/reports.php#tech-reports, puis choisir «Rorqual à bosse (Megaptera novaeangliae) dans le secteur fluvial du Saint-Laurent (mai-juin 2020)»

Le RQUMM a déterminé que la meilleure chose à faire pour aider un animal à retourner dans son habitat naturel est de le laisser à lui-même. La baleine nageait librement, semblait en assez bonne condition et aurait pu à tout moment repartir vers l’aval, l’estuaire ou le golfe du Saint-Laurent, là où on trouve habituellement les rorquals à bosse. La présence de ce cétacé dans la portion fluviale du Saint-Laurent n’était pas le résultat d’une intervention humaine. Par contre, une intervention humaine aurait pu la stresser ou la désorienter davantage. Pour cette raison, le RQUMM et ses partenaires privilégient de «laisser la nature suivre son cours».

Le RQUMM a sensibilisé la population à la nécessité de privilégier l’observation de la rive. Si un déplacement sur l’eau ne pouvait pas être évité, alors une distance minimale de 100 mètres avec la baleine s’appliquait. Cette mesure était nécessaire pour sa sécurité, mais aussi pour la vôtre. Rappelons qu’un rorqual à bosse adulte mesure plus de 10 mètres et pèse quelques dizaines de tonnes. C’est pourquoi l’équipe du RQUMM recommande plutôt une distanciation physique de 200 mètres. Des bateaux ont été observés tentant d’approcher la baleine. L’escouade nautique de la SPVM et les agents des pêches de Pêches et Océans Canada se sont assurés la cohabitation du trafic maritime et de plaisance avec la baleine.

Scénarios considérés

Dans le cas où l’animal se serait retrouvé dans endroit exigu ou entravant la navigation, différentes options auraient été mises en place pour l’effaroucher ou tenter de l’attirer vers un secteur moins dangereux.
Par exemple, des méthodes d’effarouchement ou d’attraction — notamment en utilisant des sons attirants ou effrayants — existent et sont susceptibles de fonctionner pour des déplacements de courtes distances. Cependant, elles seraient peu applicables pour aider la baleine à franchir les quelque 400 km qui la séparent de son habitat naturel.

Si la baleine s’était échouée, le RQUMM et ses partenaires auraient évalué les options pour la remise à l’eau, l’euthanasie ou le laisser-aller. Les chances de succès de remise à l’eau avec des animaux de cette taille sont très minces.

Lisez cet article pour comprendre pourquoi, pour aider une baleine, il faut parfois la laisser tranquille!

La pose d’une balise peut être stressante pour un animal, entre autres parce qu’il faut s’en approcher beaucoup. Il y a également des risques de le blesser. Pour en savoir plus sur le suivi des baleines par balise, consultez cet article.

Le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins regroupe les organismes et institutions au Québec qui interviennent auprès des mammifères marins. Il a pour mandat d’organiser, de coordonner et de mettre en oeuvre des mesures visant à réduire les mortalités accidentelles de mammifères marins, à secourir des mammifères marins en difficulté et à favoriser l’acquisition de connaissances auprès des animaux morts, échoués ou à la dérive, dans les eaux du Saint-Laurent limitrophes du Québec. Le Réseau peut compter sur l’appui de plus de 160 bénévoles. Depuis leur regroupement en 2004, les partenaires ont confié la coordination du Réseau et de son centre d’appels au Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM).

Le GREMM publie un magazine, Baleines en direct, que vous consultez présentement. Une chronique est dédiée aux cas traités par le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins.

L’animal nageait librement et n’avait pas de blessure apparente. Son état de chair était bon, il avait donc une bonne condition corporelle. Il se déplaçait à bonne vitesse, semblait respirer normalement et avait des comportements normaux, voire dynamiques (plongée, sauts) pour un rorqual à bosse. Sa peau était cependant un peu abimée par le séjour dans l’eau douce, mais la situation n’était pas alarmante.

L’équipe d’intervention du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins (RQUMM) a passé deux jours sur l’eau auprès de la baleine pour documenter son état physique et ses comportements. Leurs informations se sont ajoutées aux éléments récoltés lors des signalements. Des observateurs postés sur les rives ont poursuivi le suivi des comportements de la baleine.

Difficile à dire! Plusieurs hypothèses peuvent expliquer la présence de la baleine dans le secteur fluvial, et il est possible que ce soit une combinaison de plusieurs facteurs. On peut penser, par exemple, que la baleine a suivi des proies. On peut aussi imaginer qu’elle est désorientée ou perdue. Étant donné son âge, des erreurs de navigation peuvent être dues à son inexpérience. Il est aussi possible qu’elle explore de nouveaux territoires potentiels d’alimentation. La population mondiale de baleines à bosse est actuellement en expansion et certains individus pourraient se mettre en quête de nouveaux territoires. Certaines personnes ont demandé si sa présence pouvait être liée à la pandémie de COVID-19. Dans le Saint-Laurent, on ne constate pas de diminution marquée du trafic maritime depuis le début des mesures. Impossible de trancher à l’heure actuelle sur la raison de sa présence si loin dans l’estuaire fluvial. Dans tous les cas, elle nage librement et peut encore faire demi-tour par elle-même.

L’animal ne faisait pas partie du catalogue des individus connus. Dans le Saint-Laurent, c’est la Station de recherche des iles Mingan qui gère le catalogue de photo-identification des rorquals à bosse, qui compte près d’un millier d’individus. Pour les rorquals à bosse, le patron de coloration de la queue et la marge dentelée de la queue permettent généralement d’identifier les baleines individuellement sur photos ou vidéos. Les jeunes rorquals, parce qu’ils ont été moins souvent observés ou parce qu’il s’agit de leur première visite dans la région, sont plus difficiles à reconnaitre. Pour le moment, le rorqual à bosse n’a pas été repéré dans le catalogue du Saint-Laurent. Nous sommes en contact avec des chercheurs d’ailleurs dans l’Atlantique pour voir s’il leur est connu.

À court terme, non. Même si la baleine est un animal adapté à la vie dans l’eau salée, elle peut s’adapter temporairement à des changements de salinité. À moyen et long terme, elle pourrait développer des problèmes de peau, des infections ou se déshydrater, mais ce n’est pas une menace immédiate. Voir notre article «Les baleines peuvent-elles survivre dans l’eau douce ?»

Ce n’est pas la première fois qu’un rorqual à bosse est observé dans une rivière. Le cas reste rare, mais des exemples ont été répertoriés en Californie, en Australie, etc. Souvent, le cétacé a pu retrouver le chemin de l’océan. En 2012, un béluga avait lui aussi remonté le Saint-Laurent jusqu’à Montréal.

Pour le moment, le plus grand risque pour la baleine à bosse présente dans l’estuaire fluvial est de se trouver dans un secteur hautement fréquenté par la navigation, qu’elle soit commerciale ou de plaisance. Nous remercions donc tous les usagers et usagères du Saint-Laurent de garder leurs distances (au moins 100 mètres) avec la baleine.

Les sauts spectaculaires hors de l’eau font partie du répertoire normal du comportement de la baleine à bosse. Si leur rôle exact reste assez mystérieux, on leur attribue plusieurs fonctions: le jeu, la séduction, la communication, mais aussi un moyen de se débarrasser des parasites de la peau ou d’améliorer leurs capacités de plongée. Voir notre article: Pourquoi sauter hors de l’eau quand on pèse plus de 30 tonnes ?

Le rorqual à bosse, de Portneuf à Montréal, semblait particulièrement dynamique, surtout en soirée. S’agit-il d’un signe de bonne santé ou une manière d’appréhender son nouvel environnement? On ne le sait pas.

Nous encourageons les gens à ne pas aller sur l’eau. S’ils y vont, il est primordial de ne pas déranger la baleine. Pour cela, les plaisanciers doivent garder une distance minimale de 100 mètres, comme le prévoit le Règlement sur les mammifères marins de la Loi sur les pêches du Canada. Il est interdit de perturber un mammifère marin, ce qui signifie qu’un bateau ne doit pas s’approcher de l’animal ni lui barrer la route. Il est également interdit de nager, de nourrir ou d’interagir avec une baleine.

Nous encourageons les plaisanciers et kayakistes à maintenir une distance encore plus grande que le 100 mètres, au minimum 200 mètres, afin de laisser tout l’espace nécessaire à la baleine pour manœuvrer et réduire son stress.

Si vous observez la baleine de la rive, nous vous invitons à respecter toutes les mesures de santé publique afin de limiter les risques de propagation de la COVID-19. Soyez prudents et prudents, et bon spectacle de la nature!

Rapport de la nécropsie

L’équipe de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal a effectué une nécropsie — une analyse de la carcasse — du rorqual à bosse vu durant plusieurs jours à Montréal le 10 juin. Le diagnostic préliminaire prononcé par le vétérinaire responsable de la nécropsie, Stéphane Lair, pointe en direction d’une collision avec un navire. Même s’il n’y a pas de blessures apparentes ayant pu causer directement la mort, des traumas concordant avec une collision, comme des hématomes et des hémorragies, ont été trouvés.

L’analyse des tissus n’a pas permis de conclure à la thèse de la collision. Malgré les analyses des croisements de données de conditions corporelles, les experts du Centre québécois sur la santé des animaux sauvages et du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins n’ont pas pu trouver la cause du décès de l’animal. La cause de la mort de cette baleine reste donc incertaine. «On peut penser que son exposition prolongée à l’eau douce a pu nuire à ses fonctions physiologiques», explique le vétérinaire qui a supervisé la nécropsie, Stéphane Lair.

 

La nécropsie a aussi permis de confirmer que le rorqual à bosse observé ces derniers jours de Québec à Montréal était une femelle. Elle mesurait 10,2 mètres et pesait 17,2 tonnes.

Dans tous les cas, son équipe et lui suspectent une mort soudaine, puisque l’animal n’a pas montré de signes d’affaiblissement les jours précédant sa mort ou d’émaciation marquée. Ses activités de surface spectaculaires (sauts, claquements de queues ou de pectorales par dizaines) montraient un jeune animal en forme.

Par contre, un des éléments qui s’est dégradé au fil du séjour du rorqual à bosse est la condition de sa peau. Au moment de la nécropsie, une bonne portion de son dos était couverte de champignons (oomycètes), avec à certains endroits des lésions cutanées. Le séjour prolongé en eau douce a pu jouer sur sa santé, la peau a pu s’infecter ou encore entrainer un déséquilibre des électrolytes, causant un dysfonctionnement du système nerveux central et concourir à causer sa mort. Toutefois, les analyses n’ont pas pu confirmer ou infirmer ces hypothèses.

Qu’est-ce qui a amené cette femelle âgée de deux à quatre ans aussi loin de ses congénères dans le Saint-Laurent? Le mystère persiste. Toutefois, le rôle d’une maladie sous-jacente semble moins probable maintenant l’analyse complétée. La possibilité que l’animal soit arrivé en suivant des proies et qu’il n’ait pas su comment repartir dû à son manque d’expérience est possible. L’hypothèse d’un comportement exploratoire comme on en voit chez des individus juvéniles de plusieurs espèces de mammifères est celle qui est privilégiée par les experts. L’augmentation de la population de rorqual à bosse a aussi pu concourir à augmenter la compétition dans les aires d’alimentation et amener le rorqual à bosse à explorer de nouveaux territoires.

«Avec les observations faites sur le terrain et celles post mortem, il semble plus probable que sa présence dans le fleuve n’était pas associée à une maladie.On peut penser que nous avions affaire à un comportement exploratoire d’un jeune animal», explique Stéphane Lair en point de presse.

L’état de putréfaction avancée de la carcasse n’a pas permis de bien analyser les organes. Une carcasse de baleine, à cause de l’importante couche graisseuse, se décompose rapidement.

Pas de poisson en vue

L’estomac a pu être observé, et il état vide, ce qui indique que l’animal ne s’est pas alimenté au cours des deux derniers jours. Toutefois, le cycle de digestion du rorqual à bosse étant rapide, on ne peut pas conclure que l’animal n’a pas pu s’alimenter au cours de la dernière semaine. Cette question avait été posée fréquemment et intriguait aussi les scientifiques : est-ce que le rorqual à bosse pouvait s’alimenter des poissons présents autour de lui ? La réponse restera inconnue.

L’équipe de sept personnes a commencé le travail à 6 heures du matin et a terminé peu avant 13 heures. La Sureté du Québec a assuré qu’un périmètre de sécurité soit respecté autour des travailleurs. Les personnes curieuses ont pu venir observer le travail en respectant des distances de deux mètres entre elles à tour de rôle.

Qu’est-ce qu’une nécropsie? C’est un examen physique complet de l’animal après sa mort. On y observe autant l’extérieur que l’intérieur de l’animal. Pour en savoir plus, découvrez ce long reportage sur une nécropsie de béluga du Saint-Laurent.

Important

Si vous voyez une baleine dans un secteur inhabituel, composez sans tarder le 1 877 722-5346, le numéro d’Urgences Mammifères Marins.

Merci de noter que cette ligne sert à signaler les urgences concernant des mammifères marins (baleines ou phoques). 

Les agents doivent rester disponible pour les appels d’urgences. Nous vous remercions donc de ne pas téléphoner pour obtenir des informations sur les baleines.

Urgences Mammifères Marins - 12/6/2020

Marie-Ève Muller

Marie-Ève Muller s’occupe des communications du GREMM depuis 2017 et est porte-parole du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins (RQUMM). Comme rédactrice en chef de Baleines en direct, elle dévore les recherches et s’abreuve aux récits des scientifiques, des observateurs et observatrices. Issue du milieu de la littérature et du journalisme, Marie-Ève cherche à mettre en mots et en images la fragile réalité des cétacés.

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