Petits rorquals et rorquals à bosse s’élancent dans les airs ces jours-ci, alors que d’autres congénères s’activent à la surface. Les baleines se goinfrent de petits poissons avant l’arrivée de l’hiver. Petit tour d’horizon de bons points d’observation.

Au parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, sur la rive et au large

Habillez-vous chaudement si vous voulez voir des baleines! «Je porte tous mes vêtements sur moi en ce moment, en plus de sacs chauffants dans mes bottes», témoigne le recenseur d’oiseaux Jessé Roy-Drainville le 18 novembre. Posté du haut des dunes de Tadoussac, il reluque le large entre deux passages d’oiseaux pour trouver des baleines. S’il voit des petits rorquals s’alimenter tous les jours avec vigueur à la surface, il repère de plus en plus rarement de grosses baleines. «Dimanche, par contre, j’ai vu quatre rorquals à bosse. Entre l’ile Verte et les dunes, il y avait aussi trois rorquals communs.»

Une dernière croisière aux baleines part de Tadoussac à la rencontre de ces animaux le 15 novembre. À bord, Renaud Pintiaux reconnait H918, H944et H859 et un rorqual à bosse non identifié. Il repère aussi sept rorquals communs, des bélugas et des petits rorquals.

«J’ai surtout été impressionné par les mouvées de phoques du Groeland. Dans une, il devait y avoir au moins 100 individus!» Ces visiteurs saisonniers ont un comportement unique chez les pinnipèdes: ils nagent souvent sur le dos. Cette position pourrait les aider à mieux voir ce qui passe sous eux, que ce soit une proie potentielle ou un prédateur!

 

À partir des rochers des Bergeronnes ou des Escoumins, les braves qui affrontent le froid sont récompensés par le passage de quelques petits rorquals ou bélugas ou l’apparition de tête de phoques solitaires. Le 12 novembre, aux jumelles, un observateur attrape même le saut d’un rorqual à bosse au large!

Le 15 novembre, une vacancière observe de son chalet à Essipit deux petits rorquals nager en synchronie. «Est-ce un prélude à la reproduction?» demande-t-elle. Ce serait surprenant. Dans l’estuaire du Saint-Laurent, on compte surtout des femelles, au point où 100% des biopsies prélevées sur des petits rorquals soit par le défunt groupe de recherche ORES ou par l’actuel Mériscope appartenaient à des femelles. Même les carcasses adultes retrouvées sont toutes celles de femelles. Dans ce cas, pourquoi nager exactement à la même vitesse, de la même façon? Mystère!

En Gaspésie, à partir de la rive

À Newport, une promeneuse profite de la nage tranquille d’un petit rorqual pendant près d’une heure le 11 novembre. Était-il à la recherche de proies dans son secteur? En tout cas, son comportement tranche avec celui de ses congénères du côté de Cap-des-Rosiers. «Il y a une dizaine de petits rorquals en ce moment à environ deux milles nautiques du bord. Non, je rectifie, il y en a au moins vingt! Ils fusent de partout avec des marsouins communs!», raconte une observatrice.

«D’habitude, je fais moitié randonnée, moitié observation, mais aujourd’hui, mon chien n’a pas marché beaucoup tellement il y avait d’observations à faire!», s’exclame une randonneuse au Cap Bon-Ami, dans le parc national Forillon. Le 11 novembre, aux jumelles, elle alterne entre la nage rapide des petits rorquals près de la rive et les plongées impressionnantes des rorquals à bosse plus au large. Des claquements sonores l’interpellent: cinq ou six phoques gris grognent et frappent leurs pattes à la surface. Des marsouins communs apparaissent un peu plus loin. Quatre espèces en même temps! Hélas, le parc ferme sa barrière, la randonneuse doit rentrer. Elle jette un dernier œil au large avant de partir: un petit rorqual saute dans les airs. «Quel cadeau de fin de saison!»

Le 15 novembre, devant Gros-Morne, une automobiliste s’immobilise au bord de la route. «J’ai vu un rorqual à bosse surgir la bouche grande ouverte! Comme dans la vidéo des kayakistes que vous avez publiée la semaine dernière. Derrière moi, un véhicule de la ville s’est arrêté. J’ai pensé qu’il allait me dire que je n’avais pas le droit de me stationner là, mais non, il voulait  la regarder manger aussi!»

Les rorquals à bosse ont développé toutes sortes de stratégies pour s’alimenter. Selon les endroits sur la planète, certaines populations et parfois même certains individus utiliseront des techniques particulières. Par exemple, dans le Pacifique Nord, des chercheurs ont documenté des rorquals à bosse se tenant immobiles à la surface et trainant leurs larges pectorales vers leur bouche, poussant les poissons dedans. D’autres combinent la technique du filet de bulles — créer des bulles en une spirale pour obliger les poissons à se rapprocher les uns des autres — avec des mouvements de nageoires pour obliger les poissons à rentrer dans leur bouche.

À Petit-Cap, petits rorquals et rorquals à bosse se côtoient aussi le 15 novembre. Encore une fois, les baleines frôlent presque les galets du rivage. «Elles étaient dans si peu d’eau que les rorquals à bosse ne montraient pas la queue en plongeant», constate une observatrice. Est-ce que ces baleines utilisent la faible profondeur pour se créer des bouchées très généreuses? C’est possible. Pour les baleines, se nourrir demande énormément d’énergie. Il faut donc que la bouchée vaille la dépense énergétique de la chasse!

À Sept-Îles, bien au large

À partir de la rive, entre Port-Cartier et Sept-Îles, on peut parfois apercevoir une tête de phoque, un bref passage de petit rorqual. Mais si on prend le large le 13 novembre, comme l’a fait le collaborateur de la Station de recherche des iles Mingan Jacques Gélineau, on peut aussi croiser la route d’un rorqual bleu, de deux rorquals communs, d’un rorqual à bosse et de quelques furtifs petits rorquals et marsouins communs. «Il y a beaucoup moins d’animaux que le mois dernier, et c’est normal. Ils doivent bien avoir commencé leur migration pour la plupart. Et les retardataires mangent encore.»

Observations de la semaine - 19/11/2020

Marie-Ève Muller

Marie-Ève Muller s’occupe des communications du GREMM depuis 2017 et est porte-parole du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins (RQUMM). Comme rédactrice en chef de Baleines en direct, elle dévore les recherches et s’abreuve aux récits des scientifiques, des observateurs et observatrices. Issue du milieu de la littérature et du journalisme, Marie-Ève cherche à mettre en mots et en images la fragile réalité des cétacés.

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