Carnet de terrain écrit en collaboration avec Laurence Tremblay
Une saison de terrain pleine de rebondissements se termine pour l’équipe de recherche du GREMM. Entre les mesures sanitaires venues compliquer l’organisation des travaux sur le terrain et les problèmes mécaniques de la flotte du GREMM qui se sont enchainés, nous avons malgré tout réussi à poursuivre nos programmes de recherche. Les baleines, manifestement pas au courant de toutes nos difficultés, étaient bien au rendez-vous ! Nous avons même eu une belle surprise avec la visite de Wolf, une des 356 dernières baleines noires de l’Atlantique Nord, et l’observation du narval pour une cinquième année consécutive.
Nous allons donc revenir sur deux moments forts qui ont marqué notre fin de saison.
Des bélugas parmi les grosses baleines
Par un froid matin d’octobre, le givre recouvrait le pneumatique du GREMM, le BpJAM. Nous prenons le large, direction Kilo 51, en aval de l’ile Rouge, dans l’espoir de trouver quelques bélugas et de pouvoir les identifier via la photo-identification. Après une dizaine de minutes de tours d’horizon, nous apercevons quelques dos blancs en aval de notre position, sur la falaise sud du chenal laurentien. Dans ce même secteur, nous avons rencontré Miss Frontenac quelques jours auparavant. Nous allons à leur rencontre et évaluons le troupeau à une quarantaine d’animaux, juvéniles et adultes. Nous manœuvrons pour approcher les bélugas et commençons à prendre des photos. Nous repérons rapidement un animal avec une marque originale en forme de collier que nous suivons depuis 2007 : Dl2595.
Mais alors que nous descendons le long de la falaise sud, nos bélugas se mêlent à un groupe de sept rorquals communs très actifs avançant en formation serré : parmi eux se trouve notamment Ti-Croche (Bp955), Bp959 et un animal portant une balise satellite sur la nageoire dorsale. De plus, dans la même zone, nous rencontrons un groupe deux rorquals à bosse : H918 ainsi qu’un jeune encore non identifié.
Bélugas blancs comme neige
La dernière semaine est arrivée bien vite. La météo n’est plus à notre avantage depuis quelque temps déjà : nous sortons dès que les conditions nous le permettent, c’est-à-dire de moins en moins souvent. Un matin où les prévisions annoncent un temps clément, nous nous essayons sur l’estuaire, mais vite le vent tourne et les conditions ne permettent plus d’accomplir notre travail efficacement. Nous mettons donc le cap sur le fjord du Saguenay, abrité des rafales par ses hautes falaises.
Nous rencontrons un troupeau d’une vingtaine de bélugas en aval du cap de la Boule. Vite, nous repérons un animal marqué bien connu de notre équipe : Yogi, une femelle béluga que nous suivons depuis 1986. Dans ce troupeau se tiennent beaucoup de jeunes, reconnaissables à leur coloration grise, ainsi que deux veaux, dont la pigmentation tire plutôt sur le café au lait. Toutefois, nous n’avons pu identifier les mères des veaux, étant donné que ceux-ci ne semblaient pas se tenir avec des individus en particulier.
Trois semaines plus tôt, nous avions croisé dans le même secteur une femelle nommée Céline, connue depuis 1987. À son flanc nageait un bleuvet, un béluga âgé d’environ 1 an. Est-elle maman? Il faudrait fouiller les photos de 2019 et de cette année pour s’assurer qu’on voit le veau avec elle plusieurs fois pour le confirmer.
Mais le mauvais temps finit par nous rattraper. On se serait cru aux frontières du Mordor! Nous reprenons donc le chemin du retour vers notre port d’attache sous une neige battante fouettée par la fraiche brise d’automne. Cette fois, c’est vrai. C’est la dernière sortie de notre saison de terrain 2020.