Deux petits rorquals sont actuellement à Montréal, près de l’ile Sainte-Hélène. Le premier individu est là depuis ce dimanche le 8 mai, et le deuxième depuis mercredi le 11 mai. Leur présence, inhabituelle pour cette espèce dans le secteur, a déclenché l’appel d’un observateur au Réseau Québécois d’Urgences pour les Mammifères Marins et l’envoi de bénévoles sur place.

L’équipe du RQUMM est sur place depuis lundi afin de surveiller et documenter la présence, le comportement et l’état de ces animaux. Les deux individus semblent être des juvéniles.

Les baleines ne sont pas en danger immédiat, mais l’environnement du port de Montréal comporte davantage de risques pour eux. Leur présence entraîne donc un plan d’intervention et de surveillance, mais pas un plan de sauvetage. La situation est constamment réévaluée selon les dernières informations.

Visitez Petit rorqual en direct pour les dernières informations disponibles.

Qu’est-ce qu’un petit rorqual?

Le petit rorqual (Balaenoptera acutorostrata) est le plus petit membre de la famille des rorquals, qui comprend aussi les plus connus rorqual à bosse (baleine à bosse) et rorqual bleu (baleine bleue).

Malgré son nom, il s’agit d’une baleine à fanons qui peut mesurer 6 à 9 mètres et peser 6 à 8 tonnes. C’est une engouffreuse qui se nourrit de crustacés planctoniques (krill), avec une préférence pour de petits poissons qui vivent en bancs (hareng, capelan, lançon).

Cette espèce ne figure pas sur la liste des espèces en péril aux États-Unis et est classée comme «préoccupation mineure» sur la liste rouge de l’UICN. La population de l’Atlantique Nord compterait près de 200 000 individus.

Pour en savoir plus sur le petit rorqual, cliquez ici.

Pourquoi sont-ils ici?

Premier volet:

On ne sait malheureusement pas ce qui a poussé cet individu en particulier à remonter le fleuve Saint-Laurent sur plusieurs centaines de kilomètres. Est-ce un problème d’orientation, une erreur de navigation, un comportement exploratoire, ou encore la présence de proies? Difficile à dire!

Si son aire d’alimentation estivale habituelle se trouve plutôt dans le golfe, l’estuaire, voire le Saguenay, ce n’est pas la première fois qu’un petit rorqual se retrouve plus en amont. Depuis 2005, on a ainsi dénombré 12 observations rapportées de petit rorqual (vivants ou échoués) en amont de la ville de Québec. En 2012, un béluga avait lui aussi remonté le Saint-Laurent jusqu’à Montréal. Puis, en 2020, un rorqual à bosse était lui aussi arrivé dans le port de Montréal.

Globalement, chaque année, des dizaines de mammifères marins sont aperçus hors de leur habitat naturel et il est n’est pas rare de retrouver des baleines dans des bras de rivière. Depuis le voyage du rorqual à bosse vers la source du Saint-Laurent, plusieurs autres cas de baleines égarées ou visitant un estuaire ont fait les manchettes partout sur la planète : un béluga s’est retrouvé à San Diego, à des milliers de kilomètres de sa maison, un petit rorqual s’est coincé dans la Tamise, en Angleterre, un rorqual commun s’est échoué dans la rivière Dee au pays de Galles, trois rorquals à bosse ont remonté une rivière en Australie, une baleine grise baptisée Wally a été observée dans la Méditerranée, etc. Parfois, le cétacé a pu retrouver le chemin de l’océan. Dans quelques cas, des techniques pour repousser les baleines ont été tentées, sans succès. La majorité des cas se sont soldés par la mort de l’animal. Qu’est-ce qui pousse les baleines dans ces explorations? La plupart du temps, les animaux en escapade sont de jeunes individus, peut-être inexpérimentés ou à la recherche d’un nouveau territoire, possiblement déjà mal en point.

Que veut dire la présence d’un deuxième petit rorqual?

Un deuxième petit rorqual a été observé dans le port de Montréal vers midi, le mercredi 11 mai. La présence d’un individu étant déjà inhabituelle, l’arrivé d’un deuxième petit rorqual soulève de nouvelles questions, mais ne change pas le plan d’intervention.

Pour l’instant, on ne sait pas s’il y a un lien entre la présence des deux individus. Il est possible que les mêmes raisons qui ont poussé le premier rorqual à se rendre à Montréal – que ce soit l’inexpérience, un comportement exploratoire, la présence de proies, ou un problème d’orientation – s’appliquent indépendamment au deuxième individu. La loi des hasards pourrait expliquer que ces deux cas exceptionnels arrivent au même moment, sans qu’il y ait vraiment une nouvelle tendance inquiétante.

Mais il est aussi possible que les cas sont reliés. Plusieurs hypothèses viennent alors à l’esprit. La première serait un lien de parenté entre les deux animaux. Nous avons confirmé que le premier individu est un juvénile, possiblement même un veau de cet hiver. Après leur naissance en hiver, les veaux de cette espèce sont habituellement sevrés de leur mère pendant le printemps. Ils passeront de plus en plus de temps séparés, mais s’uniront encore de temps en temps avant de se dissocier complètement en été. Le deuxième individu pourrait-il être la mère du premier animal? Malheureusement, les premières observations du deuxième individu semblent indiquer qu’il serait lui aussi un juvénile, ce qui réfuterait cette hypothèse. L’équipe du RQUMM est présentement en train d’essayer de confirmer la taille et l’âge probable du deuxième individu.

Une deuxième hypothèse, plus réjouissante malgré la situation, serait que suite aux derniers étés particulièrement riches en proies pour ces baleines, il y ait eu une grosse saison de reproduction, une forme de Baby boom dans la population de petits rorquals. Ce genre de croissance dans une population entraine souvent une augmentation de comportements exploratoires chez les jeunes individus. Ainsi, ces deux petits rorquals pourraient être à la recherche de nouveaux territoires pour s’établir.

Finalement, il se pourrait que la présence et la quantité de proie aient connues une fluctuation cette année, ce qui entrainerait alors une fluctuation de la répartition de leurs prédateurs, entre autres les petits rorquals. Les petits poissons sont-ils particulièrement présents dans le fleuve actuellement, et attirent-ils les baleines?

Toutes ces explications restent des hypothèses. Le RQUMM est sur place pour documenter ces animaux en partie pour mieux comprendre la ou les cause(s) de leur présence. D’autres données seraient nécessaires pour évaluer certaines de ces hypothèses.

Pour en savoir plus : « Loin de la maison, qui sont ces baleines perdues ou exploratrices »

Sont-ils en danger en eau douce?

À court terme, non. Même si la baleine est un animal adapté à la vie dans l’eau salée, elle peut s’adapter temporairement à des changements de salinité. À moyen et long terme, ces rorquals pourraient néanmoins développer des problèmes de peau, des infections ou se déshydrater. Une infection dermatologique est d’ailleurs l’une des hypothèses pour la mort de la baleine à bosse en 2020.

Pour en savoir plus, lire «Les baleines peuvent-elles survivre dans l’eau douce ?»

Pour le moment, le plus grand risque pour ce petit rorqual est de se trouver dans un secteur hautement fréquenté par la navigation, qu’elle soit commerciale ou de plaisance. Nous remercions donc tous les usagers et usagères du Saint-Laurent de garder leurs distances (au moins 100 mètres) avec la baleine.

Pourquoi le petit rorqual sautait-il?

Dans ses aventures à Montréal, l’un des deux petits rorquals a été aperçu sautant hors de l’eau à proximité de l’ile Sainte-Hélène, le 15 mai. Ces acrobaties sont appelées breachs dans le jargon scientifique, et font partie du répertoire de comportement habituels de l’espèce. Si ce spectacle a de quoi épater la galerie, ses origines sont plus mystérieuses.

Jeu, séduction pendant la reproduction ou communication entre les individus, les hypothèses pour expliquer les breachs sont nombreuses. Il est aussi possible que les baleines adoptent ce comportement pour se débarrasser des parasites qui recouvrent leur peau ou encore pour améliorer leurs capacités de plongée.

120 ans de petits rorquals à Montréal

L’arrivée de deux petits rorquals à Montréal a surpris de nombreux observateurs. Pourtant, ce ne sont pas les premiers représentants de leur espèce à s’aventurer en dehors de leur aire de distribution normale. Depuis 2005, 12 autres petits rorquals ont été trouvé en amont de Québec. En 1901, une baleine à même fait la une des journaux à Montréal!

Voici un petit récapitulatif des aventures de petit rorqual répertoriées en amont de Québec :

1901 – La population accueille défavorablement l’arrivée d’un cétacé dans les eaux du port de Montréal. L’animal est qualifié de «monstre marin» et on ne lésine pas sur les moyens pour l’éliminer. Une véritable chasse à la baleine est organisée avec au menu des milliers de projectiles, des tireurs et même de la dynamite!

2005 – Les carcasses de deux petits rorquals sont retrouvées, une à Québec et l’autre à Montréal.

Rappelons que lorsque des carcasses sont observées à la dérive ou échouées, les animaux ont logiquement dû s’aventurer vivant en amont du lieu de l’observation.

2010 – En juillet, une carcasse de petit rorqual est retrouvée à Repentigny.

2011 – Une carcasse de petit rorqual est retrouvée sur le rivage à Cap-Rouge.

2012 – Le 13 juillet, le pilote d’un navire marchand aperçoit une carcasse à la dérive vis-à-vis de Saint-Augustin-de-Desmaures. La carcasse s’échoue à Saint-Romuald, mais repart aussitôt avec la marée pour terminer sa course à l’ile d’Orléans.

2016 – Le 1er mai, un résident de Saint-Nicolas aperçoit, surpris, une carcasse échouée à quelques mètres de son chalet. Aussitôt, le RQUMM est contacté et dépêché sur le terrain. Peu de temps après, l’animal est identifié : il s’agit d’un petit rorqual mâle mesurant 4,1 mètres. Le même été, une autre carcasse est trouvé à l’ile Madame à proximité de l’ile d’Orléans.

2017 – Dans la même année, deux carcasses de petit rorqual s’échouent à proximité de Québec, l’une à Lévis et l’autre à Berthier-sur-Mer.

2018 – Le 21 juillet 2018, une carcasse à la dérive est observée face au port de Québec au milieu du chenal.

2022 – Deux petits rorquals remontent le courant du fleuve Saint-Laurent et sont observé à Montréal.

 

Ailleurs dans le monde, les petits rorquals peuvent aussi être des explorateurs ! Au printemps 2021, l’histoire d’un jeune rorqual a fait couler beaucoup d’encre lorsqu’il s’est échoué sur les rives de la Tamise, en Angleterre. Après avoir été libéré, l’animal s’est échoué une deuxième fois. Les autorités ont finalement décidé de l’euthanasier étant donné l’état du mammifère.

Faut-il intervenir?

Tous les incidents signalés au RQUMM sont évalués avec attention pour déterminer si une intervention est possible ou même souhaitable. La décision d’intervenir repose principalement sur trois piliers : le statut de l’espèce, la responsabilité humaine, et la santé et la sécurité du public. Le bien-être de l’animal, ainsi que le coût, la logistique et les chances de succès d’une intervention, sont aussi considérés. D’autres facteurs entrent parfois en jeux dans la décision d’intervenir, comme la perception du public ou des considérations légales ou scientifiques. Bien sûr, la sécurité des intervenants doit être assurée en tout temps, suivant le principe qu’un sauveteur blessé, incommodé ou en danger de mort devient lui-même une victime.

Un niveau de priorité de premier ordre est attribué aux incidents impliquant une cause humaine directe tels que les cas de piégeage et d’empêtrement d’animaux. Si la cause d’un incident est un phénomène naturel, la décision d’intervenir dépendra alors du statut de l’animal, ainsi que de son bien-être. La priorité est accordée aux espèces inscrites sur la liste des espèces en péril tel que déterminé par la Loi sur les espèces en péril, en particulier si l’individu est important pour la survie de la population. Les chances de succès d’une intervention sont aussi évaluées comparé au dérangement et au stress que l’intervention infligera à l’animal. Enfin, il y aura toujours intervention si la sécurité du public est en jeu.

Dans le cas du petit rorqual à Montréal, il a été déterminé que la meilleure chose à faire pour aider l’animal à retourner dans son habitat naturel est de le laisser prendre la décision lui-même. La baleine nage librement, semble en assez bonne condition et pourrait à tout moment repartir vers l’aval, l’estuaire ou le golfe du Saint-Laurent, là où on trouve habituellement les petits rorquals. La présence de ce cétacé dans la portion fluviale du Saint-Laurent n’est pas le résultat d’une intervention humaine. Par contre, une intervention humaine pourrait le stresser ou le désorienter davantage. De plus, le petit rorqual est une espèce non en péril. Pour cette raison, le RQUMM et ses partenaires privilégient de «laisser la nature suivre son cours».

Dans le cas où l’animal se retrouverait dans endroit exigu, dangereux, ou entravant la navigation, différentes options pourraient être mises en place pour l’effaroucher ou tenter de l’attirer vers un secteur moins dangereux. Des méthodes d’effarouchement ou d’attraction — par exemple en utilisant des sons attirants ou effrayants — existent mais sont risquées et ont des résultats mitigés. Elles pourraient peut-être fonctionner pour des déplacements de courtes distances. Cependant, elles ne sont pas toujours efficaces et seraient peu applicables pour aider la baleine à franchir les quelques 400 km qui la séparent de son habitat naturel.

Si la baleine s’échoue, le RQUMM et ses partenaires évaluerons les options pour la remise à l’eau, l’euthanasie ou autre.

Bien qu’il existe quelques exemples de réussite d’opérations de sauvetage pour une telle situation, ces exemples restent l’exception et non la règle. Les chances de succès d’une opération de sauvetage pour ce petit rorqual sont très minces. Lisez cet article pour comprendre pourquoi, pour aider une baleine, il faut parfois la laisser tranquille!

C'est quoi le plan?

Quel est le plan d’intervention prévu?

« La première chose que nous avons mis en place, c’est un plan de surveillance et de vigilance, détaille Robert Michaud, coordinateur du RQUMM. Nous avons immédiatement émis un avis à la navigation pour inciter les pilotes à être particulièrement vigilants à cette présence. Nous établissons aussi un plan de suivi avec l’équipe mobile du RQUMM et les bénévoles de la région de Montréal. » L’objectif est de garder un œil sur l’animal tout en limitant le dérangement, pour limiter son stress et le mettre dans les conditions optimales pour choisir de faire demi-tour.

La deuxième étape est de documenter la condition physique et de récolter des données sur cet individu. Il sera ainsi plus facile de suivre la santé de l’animal si son séjour devait se prolonger.

Après plus de 24h sans observations, quel est le plan maintenant?

Les dernières observations des petits rorquals à Montréal remontent à samedi soir, le 14 mai. Bien que le pronostic pour ces animaux ne soit pas rassurant (voir l’historique des cas de baleines en amont de Québec), le RQUMM garde les yeux et les oreilles ouvertes au cas où ils seraient repérés. Pour ce faire, des patrouilles de Pêches et Océans Canada et de bénévoles ont encore lieu dans la région. Toutes les marinas entre Québec à Montréal ont été contactées pour demander la vigilance et la prudence des plaisanciers naviguant dans le secteur. Un appel à la vigilance à l’ensemble des bénévoles du RQUMM a également été émis. Enfin, le public est invité à rester vigilant et à soumettre toutes observations de baleines en amont de Charlevoix au RQUMM le plus tôt possible, en composant le 1-877-722-5346.

Des fiches descriptives incluant les photos des deux petits rorquals ont été transmises aux marinas, à nos partenaires, et au réseau de bénévoles du RQUMM, dans l’espoir que ces individus pourront être reconnus et que l’issue de leur aventure pourra être confirmée. Le RQUMM reste prêt à aller investiguer tout signalement possible de ces individus, et à répondre à un échouement si nécessaire.

Comment pourrons-nous reconnaitre les baleines?

La méthode de référence pour suivre les mouvements d’une baleine à travers le temps et l’espace reste la photo-identification. Cette méthode, utilisée depuis près de 100 ans chez différentes espèces pour identifier les individus dans une population, est appliquée aux mammifères marins depuis les années 1970. Elle consiste à reconnaitre les individus grâce à des marques naturelles comme la pigmentation, les cicatrices, ou la forme de la nageoire dorsale.

Pour retrouver les petits rorquals de Montréal, il faudra comparer leurs photos à celles de petits rorquals rencontrés dans le Saint-Laurent. La tâche ne sera cependant pas aisée. La population de petits rorquals de l’Atlantique Nord est estimée à environ 200 000 individus, dont 4000 qui fréquenteraient la côte est canadienne. Nos collègues du Mériscope, qui étudient les petits rorquals dans le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent, ont catalogué autour de 350 individus. L’activité s’apparente donc à chercher une aiguille dans une botte de foin, mais l’expertise en photo-identification des scientifiques permettra peut-être de retrouver ces baleines. Le deuxième individu arrivé à Montréal, souffrant d’une déformation de la colonne vertébrale, sera peut-être plus facile à identifier grâce à cette particularité.

Pourquoi on ne fait pas...

Pourquoi ne pose-t-on pas un GPS sur son dos?

Il existe deux grands types de balises GPS qu’on peut poser sur le dos d’une baleine. Le premier type se fixe à l’aide d’une grosse ventouse et ne tient généralement pas plus de quelques heures. Ce marquage est donc éminemment temporaire et la balise doit être récupérée dans le fleuve une fois détachée et emportée par le courant. Cette technique, utilisée pour documenter certains comportements ponctuels sous l’eau, est peu efficace pour suivre ou repérer une baleine pendant plusieurs jours.

L’autre type de balise GPS comporte des dards qui s’enfoncent dans le tissu cartilagineux situé à la base de la dorsale. Les trous causés par les dards peuvent s’infecter et causer des problèmes de santé, voire la mort. Le risque est d’autant plus élevé que l’animal se trouve en eau douce (voir plus bas).

Dans les deux cas, la pose d’une balise peut être stressante pour un animal, entre autres parce qu’il faut s’en approcher beaucoup.

Pour en savoir plus: « Serait-il possible de doter plus de baleines d’émetteurs de localisation pour prévenir les collisions? »

 

Pourquoi ne pas utiliser des sons pour diriger l’animal hors du secteur de Montréal?

C’est une question qui nous est souvent posée. En effet, certaines équipes dans le monde ont déjà tenté d’utiliser des sons supposés « effrayants » ou « attirants » pour inciter des baleines à se déplacer. Ces tentatives se sont avouées efficace à quelques reprises, mais ont aussi parfois empiré la situation. Dans certains cas, les animaux ont eu des réactions négatives importantes aux sons, incluant échouage, réactions violentes, et augmentation de comportements confus. Comme tout autre plan de sauvetage, le risque pour l’animal et son entourage doit être pris en compte comparé aux chances de réussite, et il est peu probable que cette méthode fonctionne pour les petits rorquals présentement à Montréal. Il est loin d’être sûr qu’un petit rorqual réagirait à des sons de son espèce, ou à ceux de ses prédateurs

Le petit rorqual est un animal plutôt solitaire et dont le monde sonore est encore peu compris. Il ne semble toutefois pas utiliser les sons au même niveau que les animaux plus sociaux et vocaux, comme les épaulards, les bélugas, et les rorquals à bosse.

Un épaulard de Bigg a par exemple été incité à quitter la baie de Comox avec succès en 2018 grâce à des sons. Dans ce cas-ci, l’univers sonore de l’animal était très bien compris, et les intervenants ont pu lui jouer les sons de sa famille même. L’épaulard a seulement été incité à quitter la baie avec les sons, mais n’a pas été guidé à se déplacer sur plusieurs kilomètres. De plus, les interactions entre l’animal et le public devenaient dangereuses (et pour l’animal, et pour le public), justifiant une intervention.

Dans le cas des baleines à bosse Delta et Dawn qui avaient remonté la rivière Sacramento en 2007, aux États-Unis, de nombreuses tentatives de sons aussi bien attirantes que repoussantes ont été tentées, sans succès. Ce sont finalement les baleines qui ont pris la décision par elles-mêmes de repartir.

Les exemples de réussite se limitent à des revirements de bord sur de courtes distances. Elles peuvent fonctionner lorsqu’un animal doit être réorienté sur une courte distance (s’éloigner d’une zone achalandée ou sortir d’une baie par exemple), mais ce n’est pas une méthode envisageable pour réorienter un individu sur 400 km. Actuellement, il ne s’agit pas de convaincre les petits rorquals à tourner de bord, ce qu’ils pourraient faire à tout moment, mais de les inciter à repartir activement vers l’aval. Dans le cas où un animal se retrouverait dans endroit exigu, dangereux, ou entravant la navigation, la situation serait réévaluée et une intervention acoustique serait peut-être mise en place.

Pour conclure, tenter un dérangement acoustique n’est pas sans conséquence, et peut présenter un danger pour l’animal comme pour les intervenants, avec de faibles chances de réussite. Chez les grands mammifères, les déplacements forcés ou les relocalisations sont rarement efficaces, et les risques de retour rapide au même endroit sont élevés.

Leur présence a-t-elle un rapport avec la visite d’un rorqual à bosse à Montréal en 2020?

Vous vous en souvenez peut-être, il y a 2 ans, une jeune femelle rorqual à bosse était venue séjourner dans le port de Montréal. Rappel des événements ici. Les similitudes sont frappantes : il s’agissait d’un membre de la famille des rorquals, la situation avait également eu lieu au printemps (fin mai et début juin pour le rorqual à bosse en 2020) et les baleines semblent se positionner dans des zones similaires dans les eaux de Montréal. Cependant, pour le moment, rien ne semble indiquer qu’il y a un rapport entre ces deux événements.

Retrouvez les réponses aux questions fréquemment posées lors de cet incident de 2020.

Que puis-je faire pour aider?

Si vous êtes près du fleuve, nous faisons appel à votre vigilance et collaboration pour retrouver ces deux petits rorquals. Gardez les yeux sur l’eau et signalez toute observation de mammifère marin entre Montréal et Charlevoix auprès du RQUMM au 1-877-722-5346.

Si vous devez vous déplacer sur l’eau, nous vous demandons d’être alerte et prudent. Il est primordial de ne pas déranger les baleines. Pour cela, les plaisanciers doivent garder une distance minimale de 100 mètres, comme le prévoit le Règlement sur les mammifères marins de la Loi sur les pêches du Canada. Il est interdit de perturber un mammifère marin, ce qui signifie qu’un bateau ne doit pas s’approcher de l’animal ni lui barrer la route. Il est également interdit de nager, de nourrir ou d’interagir avec une baleine.

Nous encourageons les plaisanciers et kayakistes à maintenir une distance encore plus grande que le 100 mètres, au minimum 200 mètres, afin de laisser tout l’espace nécessaire à la baleine pour manœuvrer et réduire son stress.

 

Et si je ne suis pas près du fleuve?

On se réjouit de voir que vous êtes nombreux à vous préoccuper de l’avenir de ces deux jeunes petits rorquals. Si vos options pour venir en aide à ces deux baleines sont limitées, les enjeux qui les menacent concernent tous les mammifères marins du Saint-Laurent. La bonne nouvelle est que nous pouvons tous faire quelque chose pour réduire ces risques.

Il est important de réaliser que la circulation maritime n’est pas seulement un enjeu pour les baleines qui s’aventurent à Montréal. Toutes les baleines doivent partager leur environnement, depuis les ports achalandés de nos grandes villes jusqu’aux eaux isolées des pôles, avec nos embarcations. On estime que le trafic maritime augmentera de 240 à 1200% dans les prochains 30 ans; nous pouvons tous travailler à réduire notre consommation pour diminuer la demande en transport maritime.

De plus, comme le témoigne la présence de ces baleines à Montréal, toutes les eaux du Saint-Laurent sont intimement reliées. Les conséquences des activités humaines ne se limitent pas aux régions urbaines, mais influencent l’ensemble de nos écosystèmes, incluant les zones protégées comme le Parc marin du Saguenay – Saint-Laurent, le garde-manger des baleines. On vous invite à la réflexion sur comment vos activités quotidiennes affectent le milieu naturel, et quels changements vous pouvez apporter à vos habitudes pour réduire cet impact.

La visite de ces petits rorquals à Montréal pourrait quand même être une histoire heureuse si elle peut nous permettre de remettre en cause notre mode de vie et notre empreinte environnementale.

En savoir plus

Quel est le lien entre le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins, le Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins et Baleines en direct?

Le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins regroupe les organismes et institutions au Québec qui interviennent auprès des mammifères marins. Il a pour mandat d’organiser, de coordonner et de mettre en œuvre des mesures visant à réduire les mortalités accidentelles de mammifères marins, à secourir des mammifères marins en difficulté et à favoriser l’acquisition de connaissances auprès des animaux morts, échoués ou à la dérive, dans les eaux du Saint-Laurent limitrophes du Québec. Le Réseau peut compter sur l’appui de plus de 160 bénévoles. Depuis leur regroupement en 2004, les partenaires ont confié la coordination du Réseau et de son centre d’appels au Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM).

Le GREMM publie un magazine, Baleines en direct, que vous consultez présentement. Une chronique est dédiée aux cas traités par le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins.

Si vous voyez une baleine dans un secteur inhabituel ou un mammifère marin en détresse, composez sans tarder le 1 877 722-5346, le numéro d’Urgences Mammifères Marins.

Merci de noter que cette ligne sert uniquement à signaler les urgences!

Les agents doivent rester disponible pour les appels d’urgences. Nous vous remercions donc de ne pas téléphoner pour obtenir des informations sur les baleines ou pour des demandes médias.

Urgences Mammifères Marins - 9/5/2022

Laure Marandet

Laure Marandet est rédactrice pour le GREMM depuis l'hiver 2020. Persuadée que la conservation des espèces passe par une meilleure connaissance du grand public, elle pratique avec passion la vulgarisation scientifique depuis plus de 15 ans. Ses armes: une double formation de biologiste et de journaliste, une insatiable curiosité, un amour d'enfant pour le monde animal, et la patience nécessaire pour ciseler des textes à la fois clairs et précis.

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