Du 6 au 17 aout, aucun grand rorqual n’a été observé dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent. Ce n’est possiblement pas une première, mais c’est peut-être l’une des plus longues périodes sans observations. De la mi-juin jusqu’à la mi-septembre de cet été, l’équipe de recherche du GREMM a recensé 6 rorquals à bosse, 13 rorquals communs et 9 rorquals bleus dans le parc marin. Alors que la saison 2025 tire à sa fin, plusieurs se questionnent sur le nombre de grandes baleines comptabilisées. Leur nombre est-il inférieur à ce qui est normalement observé dans le secteur?

Pour répondre à cette question, l’équipe de Baleines en direct est montée à bord du BpJAM et s’est entretenue par la suite avec Timothée Perrero, responsable du Projet Grands Rorquals au GREMM.

20 aout 2025 : une journée à bord du BpJAM pour recenser les grands rorquals

Ce matin, l’équipe du Projet Grands Rorquals est réunie sur le quai de la marina de Tadoussac. Nous enfilons tuques, gants et Mustangs, ces combinaisons colorées et essentielles à notre confort sur l’eau. Il est 7h30, et la température laisse déjà présager une journée fraiche au large. Nous sommes en compagnie de Laurence, capitaine du BpJAM pour la journée, Janie, attitrée à la photo-identification et Mathieu, au pilotage du drone.

Chaque semaine depuis 1985, de la mi-juin à la fin septembre, l’équipe de recherche du GREMM reprend cette routine. Aujourd’hui, nous naviguerons sur plus de 100 km, de Tadoussac aux Escoumins, pour documenter la présence – ou l’absence! – des rorquals à bosse, rorquals communs et rorquals bleus.

En suivant des trajets appelés transects, l’équipe de recherche fait des stations d’observation à différents points préétablis. À chaque station, l’équipe note les conditions météo, les embarcations nautiques et les animaux présents dans un rayon de 2000 mètres. Lorsque l’équipe aperçoit un grand rorqual, elle s’en approche tranquillement pour en prendre des images. Le même principe s’applique si l’animal est aperçu pendant un déplacement entre deux stations d’observation.

Quelques heures après le début de la sortie, nous apercevons un premier souffle. Le bateau ralentit puis s’immobilise : c’est l’heure de sortir l’appareil photo et le drone! Pendant que Laurence manœuvre le bateau pour le positionner dans un angle qui permettra la meilleure prise d’images, Janie prépare l’appareil photo et Mathieu déploie les bras du drone et ses petites hélices. Après quelques minutes d’attente, les images sont prises. On vient de réidentifier H859! Reconnaissable par le patron de coloration sous sa nageoire caudale, mais aussi par la forme particulière de sa nageoire dorsale, le rorqual à bosse H859 est connu par l’équipe du GREMM depuis 2018. Au cours de cette sortie, l’équipe de recherche photographiera aussi le rorqual à bosse H943, connu depuis 2019.

Ce que nous apprennent ces recensements

Toutes les images captées lors des recensements, comme celui auquel nous avons participé le 20 aout dernier, seront ajoutées dans le catalogue géré par le GREMM. Ce catalogue contient les fiches d’identité de 149 rorquals à bosse, 161 rorquals communs et 110 rorquals bleus. C’est l’ensemble de ces données qui permet aux scientifiques de reconstituer les histoires, l’évolution des marques et la condition physique de ces géants des mers.

Ces données précieuses permettent aussi de décrire les patrons de fréquentation des grands rorquals, notamment leur assiduité et la durée de leurs séjours, et d’estimer leur abondance.

Qu'en est-il de 2025?

De la mi-juin jusqu’à la mi-septembre de cet été, l’équipe de recherche du GREMM a recensé 6 rorquals à bosse, 13 rorquals communs et 9 rorquals bleus dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent. On est loin des chiffres records de 2021, dont plusieurs se souviennent comme d’une année incroyable en termes de fréquentation de grands rorquals! C’était effectivement une saison particulière, confirme Timothée Perrero. Un minimum de 76 rorquals à bosse furent observés, dont 47 étaient identifiés pour la toute première fois dans le parc marin, précise le responsable du Projet Grands Rorquals. 68 rorquals communs et 2 rorquals bleus avaient également été recensés en 2021.

Pour mieux évaluer la saison 2025, Timothée nous présente un aperçu des résultats des recensements annuels effectués entre 1995 et 2024.

Historique du nombre de grands rorquals dans le secteur du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent depuis 1995. © GREMM

Le nombre de rorquals à bosse observé cette année ressemble davantage à ceux précédant 2018. « En fait, peu d’individus étaient observés dans le secteur annuellement jusqu’en 2017 », précise Timothée Perrero. C’est 2021 qui se démarque comme une année atypique. Même si on a aussi recensé un grand nombre de rorquals à bosse aussi en 2022 et 2023, Timothée souligne que leurs séjours ont été courts. Plusieurs restaient dans le parc marin moins d’une semaine, ce qui indique plutôt un comportement exploratoire que de l’alimentation. À ce sujet, Timothée fait mention du concept de « Return upon success of foraging », qui sous-entendrait que les rorquals à bosse revus en 2022 dans le parc marin seraient revenus après y avoir trouvé leur comble de nourriture en 2021. Plusieurs des nouveaux individus observés en 2021 faisaient partie du catalogue des rorquals à bosse du Maine, dont le site d’alimentation principal ne semblait pas être le Saint-Laurent. En 2024, seulement deux individus parmi les 47 nouveaux individus de 2021 se sont aventurés dans le parc marin. Depuis ce record établi, le nombre de rorquals à bosse diminue annuellement pour revenir à des chiffres similaires aux années avant 2018.

Pour ce qui est des rorquals communs, leur patron de fréquentation semble suivre des oscillations, avec plusieurs années d’affilée de forte présence, suivies par des années de faible présence. Leur abondance en 2025, autour d’une dizaine d’individus, se rapproche davantage des chiffres observés entre 2004 et 2007, et encore entre 2014 et 2017.

9 rorquals bleus ont été identifiés jusqu’à présent par le GREMM cette saison, un chiffre qui est légèrement au-dessus de la moyenne historique. Bien que les nombres de rorquals bleus recensés dans le parc marin soient habituellement plus faibles que les nombres de rorquals communs, ils suivent également des oscillations. Timothée nous fait observer entre autres que les pics de fréquentation des rorquals bleus coïncident aux creux de fréquentation des rorquals communs.

Comment expliquer ces importantes variations interannuelles?

Les recensements effectués par le GREMM ne prennent pas en compte les petits rorquals ni d’ailleurs les phoques gris dont plusieurs observateurs ont noté la rareté cet été. Si les séries temporelles recueillies par le Projet Grands Rorquals montrent clairement des variations interannuelles importantes dans la fréquentation des différentes espèces de grands rorquals dans le parc marin, il faut se tourner sous la surface pour tenter de comprendre ce qui explique ces fluctuations, parfois spectaculaires.

Est-ce que l’abondance de nourriture dans le parc marin, ou encore le manque de nourriture ailleurs dans l’estuaire ou le golfe, pourrait être responsable de ces variations? Tout probable, soutient Samuel Turgeon, écologiste et responsable du projet du suivi des proies pélagiques et des prédateurs de Parcs Canada. Samuel se rappelle entre autres que lors des recensements de 2021, saison au cours de laquelle un nombre record de grands rorquals ont été observés dans le parc marin, son équipe avait révélé une forte abondance de bancs de poissons.

Pour en apprendre davantage, notre équipe est embarquée à bord de L’Alliance, un bateau de Parcs Canada, pour participer à l’un de ces suivis. Nous nous sommes également entretenus plus longuement avec Samuel Turgeon. Restez à l’affût… pour la seconde partie de ce dossier!

 

Actualité - 17/9/2025

Équipe Baleines en direct

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