«Quoi? Des dauphins ici?», s’étonne une lectrice. Pour bien des gens, lorsqu’on parle de dauphin, l’image mentale qui apparait est celle de Flipper, un grand dauphin. Mais en réalité, il existe à ce jour 37 espèces recensées dans la famille des delphinidés, c’est-à-dire dans la famille des dauphins. Parmi elles, trois espèces comptent le Saint-Laurent dans leur habitat : le dauphin à flancs blancs, le dauphin à nez blanc et l’épaulard. Et cette semaine, deux d’entre elles ont été observées dans le golfe.

Des dauphins à flancs blancs époustouflent un pêcheur au large de la pointe à Thériault, Sept-Îles, le 10 septembre. Les dauphins avancent comme des torpilles, leurs nageoires dorsales tranchant les flots et arrachant des gerbes d’eau dans les airs. Quelques individus sautent un peu plus haut et dévoilent les bandes blanches, grises et jaunes des flancs caractéristiques de l’espèce. «C’était vraiment impressionnant, ils arrivaient de partout!», partage-t-il.

Le 16 septembre, les dauphins à flancs blancs nagent et sautent par centaine en Basse-Côte-Nord, au large de La Tabatière. Le plaisancier parle d’un moment magique : parmi le troupeau, des petits nagent avec leurs mères. Certains sont particulièrement dynamiques et bondissent bien haut. Qu’est-ce qui les fait sauter ainsi? Les dauphins sont reconnus pour être joueurs. Le jeu, même chez les humains, a entre autres pour fonction d’améliorer la condition physique. Bondir est peut-être alors une façon de devenir meilleur nageur, chasseur, mais aussi d’améliorer son moral!

Malgré tout le plaisir amené par la danse des dauphins à flancs blancs et la vue d’un petit rorqual quelques jours plus tôt, le plaisancier regrette une chose : il n’a pas vu l’épaulard signalé par des pêcheurs commerciaux non loin de là. L’épaulard est le plus grand représentant de la famille des dauphins. Si les populations d’épaulards sont assez bien connues du côté pacifique du Canada, celles qui sillonnent l’Atlantique Nord sont peu documentées. Les observations augmentent du côté de Terre-Neuve, mais elles sont encore peu nombreuses dans le golfe du Saint-Laurent et encore plus rares dans l’estuaire. Vous voyez un épaulard? Vite, prenez des photos et des vidéos et transmettez-les-nous!

Toujours les mêmes

Année après année, Jacques Gélineau note la présence des mêmes rorquals bleus durant le mois de septembre, au large de Port-Cartieret de Sept-Îles. «Pour moi, ils ont une bonne mémoire», commente-t-il à propos des sept baleines bleues qu’il a photographiées cette semaine. Il n’est pas le seul à avoir remarqué le phénomène. Une étude publiée l’an dernier met en lumière le fait que les rorquals bleus du Pacifique se fient à leur mémoire pour effectuer leurs mouvements migratoires, afin d’optimiser leur apport en krill. Ils favorisent ainsi les endroits où la présence de krill est la plus stable. Même si la méthodologie n’a pas encore été répétée sur les rorquals bleus de l’Atlantique Nord, il est fort possible que les résultats soient similaires si on refaisait l’étude ici. Au cours de ses dernières sorties, Jacques note aussi la présence de rorquals communs, de petits rorquals. Les marsouins communs, eux, sont de moins en moins nombreux, ils sont probablement en train de commencer lentement mais surement la migration.

Un rorqual commun bien connu entre dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent,le 12 septembre. Le mâle Orion fait ainsi un quinzième séjour annuel consécutif dans l’estuaire! Il rejoint une dizaine de rorquals communs, dont trois veaux. Renaud Pintiaux en observe un régulièrement près de Bp955, dit «Ti-Croche». Ti-Croche serait-elle une femelle et même une mère? Peut-être qu’une biopsie nous le confirmera un jour.

Cette même journée, Renaud observe aussi cinq rorquals à bosse en groupes. La plupart des individus sont là depuis plusieurs mois pour s’alimenter. Au fil de l’été, les baleines engraissent pour tenir tout l’hiver! Le photographe profite aussi des petits rorquals et des oiseaux, «présents à la folie».

Pas de distanciation entre les bélugas!

Le 11 septembre, Laure Marandet distribue la publication Portrait de baleines aux capitaines et naturalistes qui œuvrent dans le parc marin. Elle profite de son passage aux Escoumins pour jeter un œil au large. Un troupeau de bélugas évolue. «Ils devaient être une centaine», se réjouit-elle, «et il y avait beaucoup d’actions. On voyait des gerbes d’eau, des queues, de grands mouvements». Les bélugas, l’automne, se regroupent temporairement en troupeau pouvant compter des centaines d’individus de tous les âges. La fonction de ces grands rassemblements où les bélugas semblent être presque les uns par-dessus les autres n’est pas bien comprise. Toutefois, c’est un spectacle exceptionnel!

Le 16 septembre, un groupe de kayakiste croise un troupeau d’une cinquantaine de bélugas non loin de L’Anse-de-Roche. Les kayakistes se trouvent bien petits dans leurs embarcations devant la grandeur des bélugas. Un mâle adulte peut mesurer plus de 4 mètres! Et s’il décide d’interagir avec l’embarcation, un béluga pourrait mal mesurer sa force et la faire chavirer. Raison de plus de respecter le règlement et de garder 400 mètres avec eux, même si ce n’est pas toujours facile dans le Saguenay!

Une baie de Gaspé bien tranquille

Alors que 2019 avait été l’année des observations magiques dans la baie de Gaspé, les résidents des rives disent à la blague que les baleines les boudent en 2020. Si les souffles se multiplient du côté Saint-Laurent de la pointe gaspésienne, l’intérieur de la baie accueille des phoques, mais pas de baleines. Parfois, les saisons d’observations sont bien différentes d’une semaine, d’un mois ou d’une année à l’autre, et il est difficile de trouver la ou les causes de ces variations. Bien souvent, il y a une histoire de poissons derrière tout ça…

Où sont les baleines cette semaine? Voilà ce que nos collaborateurs et collaboratrices ont vu!

Ces observations donnent une idée de la présence des baleines et ne représentent pas du tout la répartition réelle des baleines dans le Saint-Laurent. À utiliser pour le plaisir!

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Observations de la semaine - 17/9/2020

Marie-Ève Muller

Marie-Ève Muller s’occupe des communications du GREMM depuis 2017 et est porte-parole du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins (RQUMM). Comme rédactrice en chef de Baleines en direct, elle dévore les recherches et s’abreuve aux récits des scientifiques, des observateurs et observatrices. Issue du milieu de la littérature et du journalisme, Marie-Ève cherche à mettre en mots et en images la fragile réalité des cétacés.

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