Depuis le début de l’année 2020, l’actualité concernant les mesures de protection spécifiques aux baleines noires de l’Atlantique Nord joue les montagnes russes, entre espoirs, réussites, déceptions et difficultés. Cette «baleine urbaine», qui migre le long des côtes étasuniennes et canadiennes, et dont il ne reste plus que 400 individus dans le monde, pose un véritable défi de conservation, en termes de cohabitation avec la pêche et la navigation. Aux États-Unis, une première carcasse de baleine noire de l’Atlantique Nord a été repérée le 25 juin et sera analysée. Que se passe-t-il avec les baleines noires? Quels bons et moins bons coups souligner?

☺ Pas de carcasse côté Canada

Dans le golfe du Saint-Laurent, de nouvelles mesures de protection dynamiques ont été mises en place début 2020. Depuis leur arrivée dans le golfe le 4 mai, les baleines noires de l’Atlantique Nord sont sous haute surveillance. Pas moins de 92 observations visuelles ont été notées. À date, cela a entrainé la fermeture totale jusqu’à la fin de la saison de 58 quadrilatères de pêche (ce qui représente autour de 13 000 km² de fonds marins). Une vingtaine de zones de pêches sont aussi sous le coup d’une fermeture partielle ou temporaire.

Pour le moment, aucune carcasse de baleine noire de l’Atlantique Nord n’a été signalée du côté canadien. Est-ce le résultat de cette nouvelle organisation?

☹ Des pêcheurs sous pression

Malheureusement, la fermeture des zones de pêche, même dynamique, crée un travail supplémentaire et engendre des couts importants pour l’industrie de la pêche. Certains organismes s’inquiètent. Sous pression, les pêcheurs pourraient être tentés de ne pas signaler la présence de baleines noires de l’Atlantique Nord dans une zone de pêche ni celle de carcasses de baleines ou d’empêtrements, même s’il s’agit d’une obligation règlementaire. Or, leur collaboration reste essentielle pour les organismes de protection des baleines.

☺ Des baleines vues de l'espace

Comment améliorer la surveillance et le suivi des baleines noires de l’Atlantique Nord? Comment comprendre leurs habitudes et connaitre leurs lieux de prédilection pour mieux les protéger ? Le défi est immense et les solutions tomberont peut-être du ciel.

Le 20 mai, l’Agence spatiale canadienne lançait un appel d’offres plutôt étonnant, à la recherche de solutions spatiales novatrices pour la surveillance et la protection de la baleine noire de l’Atlantique Nord. Baptisée BaleinIdées, cette initiative est portée par un financement de 5,4 millions de dollars et pourrait permettre de concrétiser un vieux rêve pour les scientifiques: celui de compter les baleines vues de l’espace.

☹ Des limites de vitesse volontaires peu respectées!

Outre l’empêtrement, la plus grande cause de mortalité des baleines noires de l’Atlantique Nord reste la collision avec un navire. Or, la vitesse des bateaux est un enjeu crucial, qui permet de limiter la mortalité. Pour cette raison, Transports Canada a élaboré un ensemble de mesures pour limiter la vitesse des embarcations dans le Saint-Laurent. Certaines zones sont sous le coup d’une limitation fixe, d’autres ne font l’objet d’une limitation qu’en cas de présence de l’espèce, d’autres encore sont des zones de limitation volontaires.

Dans le détroit de Cabot, principale voie d’entrée dans le golfe du Saint-Laurent pour les baleines noires, il est ainsi recommandé de limiter volontairement sa vitesse à 10 nœuds. Malheureusement, début juin, l’organisation Oceana Canada alerte sur le non-respect de cette limitation.

«[…] Entre le 19 et le 25 mai 2020, la grande majorité des navires, soit 72%, n’a pas respecté le ralentissement volontaire à 10 nœuds. […] La vitesse la plus élevée observée, soit 21,1 nœuds, était celle d’un cargo canadien», souligne le communiqué de presse. «Dans un secteur où la vitesse représente souvent un avantage concurrentiel, nous craignons qu’un ralentissement volontaire ne dissuade les exploitants de navires de respecter la limite de vitesse et ne confère un avantage injuste à ceux qui ne la respectent pas – certains d’entre eux naviguent à près du double de la vitesse recommandée», a déclaré Kim Elmslie, directrice de campagne chez Oceana Canada.

☺ Des fonds pour la recherche

Du côté des États-Unis, l’année avait bien démarré pour les baleines noires de l’Atlantique Nord (qu’on appelle aussi baleines franches de l’Atlantique Nord). Dans le cadre du Species Recovery Grant Program de l‘Administration nationale des Océans et de l’Atmosphère (NOAA), plusieurs centaines de milliers de dollars ont été consacrés cette année à aider cette espèce menacée de disparition. L’étude cherche à comprendre et à modéliser les empêtrements des baleines noires dans les engins de pêche. L’état du Maine souligne ainsi son souhait de trouver des solutions concrètes pour concilier la présence des baleines et la pêche au homard, une industrie très importante dans la région.

☹ Un couloir de migration ouvert à la pêche

Coup de théâtre, le 5 juin dernier, lors d’une rencontre avec des représentants de l’industrie de la pêche du Maine, le président des États-Unis Donald Trump proclame la réouverture de la pêche commerciale dans le Northeast Canyons and Seamounts Marine National Monument, une réserve marine couvrant presque 8000 km² dans l’océan Atlantique au large de Cape Cod. Cette annonce a provoqué un tollé parmi les organisations environnementales. Cette zone à l’écosystème particulier constitue entre autres un couloir de migration pour les baleines noires, s’inquiète ainsi le New England Aquarium.

Actualité - 25/6/2020

Laure Marandet

Laure Marandet est rédactrice pour le GREMM depuis l'hiver 2020. Persuadée que la conservation des espèces passe par une meilleure connaissance du grand public, elle pratique avec passion la vulgarisation scientifique depuis plus de 15 ans. Ses armes: une double formation de biologiste et de journaliste, une insatiable curiosité, un amour d'enfant pour le monde animal, et la patience nécessaire pour ciseler des textes à la fois clairs et précis.

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