Combien reste-t-il de baleines noires de l’Atlantique Nord, aussi appelées baleines franches? Si la réponse oscille aujourd’hui autour de 400, pour les chercheurs, la question est plutôt de savoir si la population continue son déclin ou si on peut espérer un regain. La naissance de 10 veaux cette année offre une note d’espoir.

En déclin depuis 2010

«L’histoire des baleines noires de l’Atlantique Nord se dirige vers une lente tragédie.» Charles «Stormy» Mayo, directeur du programme d’écologie de la baleine noire au Center for Coastal Studies, basé à Princeton, Massachusetts ne déborde pas d’optimisme lorsqu’on évoque cette espèce.

Si ces géantes dodues ont été mises sous les feux des projecteurs au Canada en 2017 à cause d’une soudaine et importante mortalité dans le Saint-Laurent, l’espèce est pourtant en décroissance depuis plus longtemps. «Depuis 2010, on assiste à un déclin progressif de la population, c’est un problème sur la durée. C’est simple, si on ne change rien, elles vont disparaitre», souligne Charles Mayo.

Comme il est impossible de compter un à un chaque individu d’une population, les scientifiques s’appuient sur une étude statistique menée sur les différentes données d’observation et de recensement aérien de ces dernières décennies. Dans cette étude, on remarque que, suite à la fermeture de la chasse à la baleine, la population de baleines noires de l’Atlantique Nord était en croissance jusqu’en 2010. À ce moment, on évalue que l’espèce comptait presque 500 individus. Mais depuis, c’est la chute libre.

En 2018, on pense qu’elles n’étaient plus que 411. «Entretemps, on a retrouvé un certain nombre de carcasses… et on sait que la mortalité est supérieure au nombre de carcasses retrouvées, indique le directeur du programme d’écologie de la baleine noire. C’est pourquoi aujourd’hui, je pense qu’elles sont moins de 400 dans le monde».

Les causes du déclin? «Elles ne sont pas précisément identifiées, mais elles sont probablement multifactorielles», répond le chercheur. Empêtrements dans des engins de pêche et collisions avec des navires semblent être les principales causes de mortalité, mais sont aussi probablement à l’origine d’un mauvais état corporel général qui peut affecter le taux de reproduction.

Des naissances tant attendues

Face à un taux de mortalité important – en trois ans, une trentaine de carcasses ont été retrouvées, soit 7% de la population totale ! – il est important d’avoir un taux de naissance important pour éviter un inéluctable déclin. Malheureusement, on estime que la population ne compte qu’une centaine de femelles reproductrices. Seuls trois veaux ont été comptabilisés en 2017, et aucun en 2018.

Note d’espoir en 2019, le consortium sur la baleine noire de l’Atlantique Nord (North Atlantic Right Whale Consortium [NARWC]) enregistre enfin une amélioration: sept naissances, dont un premier bébé pour l’une des jeunes femelles (#4180 de son petit nom). Cette année, le regroupement d’organismes recense dix naissances, et encore une nouvelle reproductrice (#2360, surnommée Derecha).

Coup dur, malheureusement, le premier bébé de Derecha est victime dès ses premières semaines d’une collision. Gravement blessé, le veau fait l’objet d’une intervention poussée à base d’injection d’antibiotiques pour lui venir en aide, mais le couple mère-veau n’a pas été revu depuis et les pronostics sont défavorables.

[Update 30/06/2020] Deuxième coup dur au début de l’été 2020: la première carcasse de baleine noire de l’Atlantique Nord retrouvée cette année est celle d’un veau mâle, le fils de #3560. Ses blessures indiquent une très probable collision avec un bateau. Cela fait donc au moins deux décès parmi les dix naissances de l’année.

 

Malgré ce bilan mitigé, Scott Krauss, chercheur au New England Aquarium, à Boston, souhaite rester optimiste. Dans le dernier bulletin du NARWC, il écrit : «Bien que les baleines noires de l’Atlantique Nord soient en déclin rapide, nous devons nous battre contre l’idée qu’elles vont fatalement disparaitre: dans les années 1980, on comptait moins de 300 baleines, et en 2010, près de 500. Tant que nous pourrons arrêter les tueries, elles reviendront.»

Actualité - 28/6/2020

Laure Marandet

Laure Marandet est rédactrice pour le GREMM depuis l'hiver 2020. Persuadée que la conservation des espèces passe par une meilleure connaissance du grand public, elle pratique avec passion la vulgarisation scientifique depuis plus de 15 ans. Ses armes: une double formation de biologiste et de journaliste, une insatiable curiosité, un amour d'enfant pour le monde animal, et la patience nécessaire pour ciseler des textes à la fois clairs et précis.

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