Vers la fin avril, une riveraine trouve une carcasse très décomposée sur la plage Haldimand à Gaspé. Il ne reste que des os et des morceaux d’une peau épaisse et coriace, qui ressemble à du cuir. Plusieurs paires d’yeux scrutent les photos envoyées par la témoin avant de déterminer qu’il s’agit finalement d’une carcasse de tortue luth.
En effet, lorsque le centre d’appels du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins (RQUMM) reçoit les images, on croit avoir affaire à une carcasse de cétacé, mais l’état avancé de décomposition complique l’identification de l’espèce. Un employé du Réseau reconnait certains détails sur la carcasse qui lui font penser au dos d’une tortue luth. Cette tortue marine est la seule à avoir un dos cuirassé plutôt qu’une carapace constituée d’écailles. Le Réseau envoie alors les photos à Amphibia-Nature, un organisme partenaire du RQUMM et spécialisé dans les reptiles et amphibiens. Le vétérinaire de l’organisme confirme que la carcasse est celle d’une tortue luth, la plus grosse espèce de tortue au monde!
Que font les tortues luths dans le Saint-Laurent?
Les tortues luths qui visitent le Saint-Laurent appartiennent à la population de l’Atlantique. Au total, sept populations de tortues luths sont réparties à travers tous les océans, à l’exception de l’océan Antarctique. Comme les baleines, les tortues luths migrent deux fois par année entre une aire de reproduction et une aire d’alimentation. En fait, avec des voyages pouvant atteindre 18 000 kilomètres, la tortue luth serait la plus grande migratrice de tous les reptiles.
Le Saint-Laurent est un lieu de choix pour les tortues luths, qui y retrouvent une abondance de méduses, leur proie favorite. Une étude réalisée au large de l’ile du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, a estimé qu’une tortue luth de l’Atlantique mange en moyenne plus de 250 méduses en une seule journée. Depuis 2003, Amphibia-Nature a recensé de 200 à 300 observations de tortues luths bien documentées, avec photos et coordonnées GPS. « Elles sont bien plus fréquentes qu’on le pense, car pendant la saison des tortues luths, c’est-à-dire vers la fin de l’été et à l’automne, il y a moins de bateaux d’observations sur le fleuve et de marcheurs sur les plages », précise Martin Ouellet d’Amphibia-Nature.
Quel est le rôle du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins dans les cas de tortues luths?
Le rôle du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins est de favoriser le rétablissement des populations de mammifères marins en péril en collectant des données scientifiques sur les baleines et phoques en difficulté ou morts. Bien que la tortue luth ne soit pas un mammifère marin, le Réseau recueille les signalements, car c’est une espèce marine en voie de disparition. Les informations sont ensuite transmises à deux partenaires du Réseau qui s’intéressent aux tortues luths : le groupe de recherche Amphibia-Nature et le ministère des Pêches et des Océans Canada. Ce dernier est responsable de la conservation de cette population ajoutée à la liste des espèces en péril en 2003. Amphibia-Nature récolte des données sur la présence de tortues luths au Québec et au Labrador. Partagez avec eux vos observations et contribuez ainsi à la recherche scientifique!
Si vous observez une tortue luth blessée ou que vous trouvez une carcasse, contactez Urgences Mammifères Marins au 1 877 722-5346. L’agent.e au centre d’appels vous posera des questions sur l’emplacement et l’état de l’animal. Un bénévole du Réseau pourra ensuite se rendre sur les lieux pour mieux documenter la situation. Les données recueillies par le Réseau et ses partenaires permettent de mieux comprendre les tortues luths de l’Atlantique et les menaces qui pèsent sur elles.
Une tortue qui a plusieurs points en commun avec les baleines
Tant les baleines que les tortues marines mènent une vie mystérieuse aux yeux des humains. En effet, elles passent la majeure partie de leur temps sous l’eau et ne reviennent à la surface que pour respirer, ce qui complique grandement le travail des scientifiques qui les étudient. Dans le cas des tortues luths, seules les femelles mettent les nageoires sur terre, pour pondre leurs œufs dans l’aire de reproduction, plus au sud. C’est pourquoi toutes les observations de tortues luths sont précieuses. Si vous croisez la route d’une tortue luth, vous pouvez la signaler à Amphibia-Nature par téléphone au 1 877-UneLuth (1-877-863-5884), par courriel à [email protected] ou via un formulaire en ligne.
De plus, les tortues luths sont confrontées aux mêmes défis que plusieurs baleines. En effet, elles sont vulnérables aux empêtrements dans les engins de pêche et aux collisions avec les navires, à la pollution par le plastique ainsi qu’au dérangement par le bruit. Ainsi, tous les efforts de conservation des baleines profitent aux tortues, et vice versa!