Côte à côte, deux petits rorquals nagent devant la pointe Noire, à Baie-Sainte-Catherine. L’un d’eux est nettement plus petit que l’autre. Une paire mère-veau? C’est fort possible! Selon le chercheur Dany Zbinden, directeur du Mériscope et spécialiste des petits rorquals, «depuis les quatre dernières années, nous avons vu un nombre important de jeunes petits rorquals dans l’estuaire». C’est assez étonnant, car il était préalablement pensé que les femelles petits rorquals restaient peu de temps avec leur baleineau, soit environ 4 mois d’allaitement, et se dissociaient de leur petit dès le sevrage. Puisque les naissances ont lieu entre novembre et mars, la séparation a souvent lieu avant même l’arrivée dans l’aire d’alimentation estivale. Est-ce un changement dans la culture des petits rorquals qui fait que le petit reste plus longtemps? Un simple biais dans la façon dont nous observions cette espèce avant? Des cas isolés plutôt qu’une vraie tendance? Le suivi de la population de petits rorquals qui visitent l’estuaire nous en apprendra certainement plus sur cette espèce pourtant très présente, mais si mystérieuse.

Les petits rorquals de l’estuaire sont photo-identifiés. Les marques dans la nageoire dorsale ainsi que le chevron aident à distinguer chacune des baleines. Ainsi, le petit rorqual photographié par Renaud Pintiaux le 28 avril au large du cap de Bon-Désir, aux Bergeronnes, est identifié par Dany Zbinden comme Ba256, un petit rorqual observé aussi en septembre 2019, encore une fois aux Bergeronnes. Le 3 mai, Renaud revoit cet animal aux marques si distinctives.

Peu à peu, les mentions de petits rorquals se multiplient, de Cap-des-Rosiers en Gaspésie, à Longue-Pointe-de-Mingan, dans la baie de Sept-Îles, à Pointe-des-Monts, au large de l’ile d’Anticosti. En parallèle, celles d’une de leur proie préférée aussi: le capelan.

À plusieurs endroits sur les côtes, il a commencé à «rouler». Lorsque ce petit poisson vient pondre ses œufs à la lisière des plages, il semble rouler sur la plage. Les mâles atteignent le rivage en premier et attendent les femelles pour entamer la reproduction. Ils pressent les côtés des femelles pour en extraire les œufs. Grâce à de grands mouvements de la queue, les poissons déposent les œufs fécondés dans le sable ou le gravier. Ceux-ci sont ainsi à l’abri des mouvements des marées et de la prédation jusqu’à leur éclosion, environ une quinzaine de jours plus tard. Le phénomène est saisissant à voir, autant pour observer la multitude de poissons «rouler» dans les vagues que pour voir les gens rassemblés pour récolter le poisson à la pelle ou au seau. Le public est d’ailleurs invité à partager ses observations sur cet évènement naturel sur eCapelan, afin de mieux suivre cette espèce essentielle à la survie de nombreuses espèces.

Du côté de l’estuaire, des bélugas bien connus ont été photographiés, encore une fois par le passionné Renaud Pintiaux. Yorkie nageait près du quai de la traverse des Escoumins. Yorkie est un des plus vieux bélugas connus, lui qui serait né avant 1973. Pour vous dire, il porte le numéro DL0062, signe qu’il est le 62e à être entré dans le catalogue de photo-identification! Cette journée-là, ce mâle nage seul à moins de 100 mètres de la rive. Mais un peu plus loin, trois autres bélugas dont Cumulus vaquent à leurs occupations, et il est possible qu’ils aient pu être en communications malgré la distance. En effet, les sons émis par les bélugas peuvent voyager bien plus loin que notre voix humaine.

À Saint-Irénée, le 29 avril, une douzaine de bélugas profitent de la marée montante. Pendant une quarantaine de minutes, l’observatrice peut profiter de leur ballet.

Plus de baleines noires!

Les relevés aériens de Pêches et Océans Canada ont à nouveau repéré des baleines noires. La migration se poursuit donc. Les avions ont aussi repéré des rorquals communs dans le détroit d’Honguedo, à mi-chemin entre l’ile d’Anticosti et la péninsule gaspésienne.

Observations de la semaine - 6/5/2021

Marie-Ève Muller

Marie-Ève Muller s’occupe des communications du GREMM depuis 2017 et est porte-parole du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins (RQUMM). Comme rédactrice en chef de Baleines en direct, elle dévore les recherches et s’abreuve aux récits des scientifiques, des observateurs et observatrices. Issue du milieu de la littérature et du journalisme, Marie-Ève cherche à mettre en mots et en images la fragile réalité des cétacés.

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