Un béluga blanc nage avec, à son flanc, un béluga à la peau foncée. Probablement une mère et son baleineau. Leurs dos en deux teintes contrastent avec le fleuve ardoisé. «En ces temps difficiles, il faut s’accrocher à la beauté», note avec justesse une observatrice de l’Anse-au-Sac, à Saint-Irénée, qui profite de la nage de ce duo. «Je ne vois pas des bélugas tous les jours, et rarement en gros groupe, mais quand je peux voir ainsi une mère et son petit sans même prendre mes jumelles, quel bonheur!»

Le bonheur d’observer les baleines soulève aussi Renaud Pintiaux, qui effectue une sortie sur l’eau le 25 octobre. Avec la marée montante, il quitte la marina de Tadoussac. Il croise au moins neuf rorquals communs, dont Bp955 «Ti-Croche» et Bp903. «Et il y avait d’autres souffles au loin», ajoute-t-il. Les rorquals communs s’alimentent non loin de la surface. Opportunistes, des oiseaux profitent des «miettes», ces poissons qui se sont échappés des bouchées des baleines.

Au large, la neige se met à virevolter. Quatre rorquals à bosse se rejoignent. «C’est une première pour moi de photographier des baleines à bosse sous la neige.» Enrobés de leur imposante couche graisseuse, les rorquals à bosse n’ont probablement pas souffert des flocons se posant sur leur dos. Mais le rafraichissement de l’air et de l’eau amènera peut-être les baleines à entreprendre leur migration avant l’apparition des glaces.

Quelques rorquals à bosse sont aussi observés du côté de Port-Cartier. Dans ce secteur nagent aussi des rorquals bleus et des rorquals communs. «Mais je vois de moins en moins de petits rorquals», constate Jacques Gélineau, collaborateur de la Station de recherche des iles Mingan. Il faut dire que les observations se compliquent aussi. La neige, le gel, les vents changeants rendent plusieurs journées trop dangereuses pour la navigation en petite embarcation, ou bouchent l’horizon pour les observations de la rive.

En Basse-Côte-Nord, un pêcheur croise deux petits rorquals, dont un nettement plus petit que l’autre. Les deux nagent de façon dynamique. «Sur mon sondeur, j’ai détecté des nuages de krill. J’ai vu beaucoup de maquereaux, et les morues que je pêchais régurgitaient de petits capelans.» Bonjour la bouffe! Les petits rorquals peuvent manger du krill ou des petits poissons. Profitaient-ils des deux en même temps? Pour le pêcheur, dans tous les cas, ce fut une bonne récolte de poissons et d’observations!

Du gros calibre aux Îles-de-la-Madeleine

Au moins une baleine noire de l’Atlantique Nord a été détectée par des bouées de Pêches et Océans Canada, le 23 octobre à la pointe ouest de l’ile d’Anticosti et le 25 au large de Percé. Ces bouées de type «Viking» sont munies d’hydrophones qui captent les cris des baleines. Les détections de baleines sont ensuite confirmées par des chercheurs de Pêches et Océans Canada. Ainsi, sans avoir à faire voler un avion ou à affréter un bateau, les baleines peuvent être repérées.

Par relevé aérien, d’autres baleines noires de l’Atlantique Nord ont été vues le 26 octobre au large des Îles-de-la-Madeleine. Ces cétacés ont-ils noté la présence de requins blancs lors de leur passage? L’équipe d’Ocearch, en tout cas, a reçu les positions des requins Breton, Jefferson, Mahone et Vimy. Ocearch installe sur des requins des balises satellites pour suivre leurs mouvements et mieux comprendre leur utilisation du territoire. Qu’est-ce qui a amené ces grands requins blancs si au nord? Il est possible que les importantes colonies de phoques ou les gros thons rouges leur aient mis l’eau à la bouche. En tout cas, au figuré, puisque les requins, tout comme les baleines, ne produisent pas de salive!

Observations de la semaine - 29/10/2020

Marie-Ève Muller

Marie-Ève Muller s’occupe des communications du GREMM depuis 2017 et est porte-parole du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins (RQUMM). Comme rédactrice en chef de Baleines en direct, elle dévore les recherches et s’abreuve aux récits des scientifiques, des observateurs et observatrices. Issue du milieu de la littérature et du journalisme, Marie-Ève cherche à mettre en mots et en images la fragile réalité des cétacés.

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