Pour cette dernière édition des observations de la semaine de 2024, nous en profitons pour faire un retour sur les moments marquants de l’année : des rorquals bleus dans l’estuaire cet hiver, un rorqual à l’espèce inconnue, et la diversité des mammifères marins cet été! Nous répondons aussi à quelques questions fréquentes : le narval a-t-il été revu cette année et que sait-on de la situation de Tic Tac Toe?
Rorqual bleu sur la Côte-Nord en hiver
Pour des résidents et résidentes de la Côte-Nord, un souvenir mémorable de l’année remonte à l’hiver dernier. Plusieurs rorquals bleus se sont approchés des côtes pour se nourrir. En janvier, février, mars et jusqu’à début avril, des rorquals bleus ont été vus à plusieurs reprises dans l’estuaire.
À Franquelin, un passionné raconte la méthode d’alimentation particulière d’un individu : « Je voyais le krill à travers la glace et c’était tellement beau, car [la baleine] venait s’accouder à côté de la glace. Doucement, la baleine venait lever la glace pour aller chercher le krill en dessous. » Les manœuvres de ce géants des mers ont aussi impressionné une habituée : « Ce qui était encore plus fascinant, c’est qu’ils étaient presque continuellement en alimentation de surface près de la rive, offrant des scènes où l’on pouvait voir leur rostre, des nageoires pectorales et caudales durant des heures, sans trêve. »
Un peu plus à l’Est sur la côte, une riveraine mentionne la présence d’un rorqual bleu en février comme son coup de cœur de l’année : « J’en étais tellement heureuse et surprise, car je n’avais jamais eu la chance de voir ces baleines à Gallix et, de plus, bien visibles du bord du rivage! »
Un rorqual hybride?
Un grand rorqual en particulier a marqué les esprits cet été dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent. Présentant des traits de rorqual commun et de rorqual bleu, les scientifiques se questionnent encore aujourd’hui à savoir s’il s’agissait d’un rorqual hybride. Pour identifier avec certitude l’espèce, une biopsie sera sans doute nécessaire!
L’hybridation est un phénomène répandu chez les animaux. On peut penser au croisement entre les chevaux et les ânes, qui produit un mulet ou un bardot. La progéniture de ce croisement est généralement inféconde. Est-ce le cas pour les rorquals? L’existence des hybrides issus du croisement entre un rorqual commun et un rorqual bleu est connue depuis les années 1990. Une étude a démontré que ces hybrides peuvent non seulement se reproduire, mais également survivre jusqu’à l’âge adulte. Sur les huit individus étudiés dans cette recherche, sept provenaient d’un croisement avec un rorqual commun mâle et un rorqual bleu (ou hybride) femelle. Deux hypothèses ont été avancées pour expliquer cette tendance: il pourrait être physiquement difficile pour un rorqual bleu mâle de s’accoupler avec un rorqual commun femelle, ou, autre possibilité, les femelles rorqual bleu ne trouveraient pas de partenaire de leur espèce pour se reproduire.
Le narval est-il venu dans le Saint-Laurent en 2024?
Les deux derniers étés, quelques personnes disent avoir vu un animal similaire nager parmi des bélugas, mais sans photo pour confirmer sa présence hors de tout doute. La dernière observation confirmée du narval date de l’été 2022. Voici ce que le directeur scientifique du GREMM, Robert Michaud, dit sur le sujet : « L’année dernière (2023) nous avons eu une saison de terrain écourtée – météo et bris mécaniques – et nous avions mis l’absence de Nordet sur le compte de notre faible effort de recherche… Son absence ou plutôt l’absence d’observation cet été est encore étonnante, mais on ne perd toutefois pas espoir de le voir. En réalité nous avons tous TRÈS envie de le revoir. »
Pour la petite histoire, rappelons que depuis 2016 un narval s’est joint à des bélugas dans le Saint-Laurent. Seul de son espèce, il aurait fait le voyage depuis une population plus au Nord. Les narvals vivent plutôt dans les eaux du Groenland, de la Norvège, de la Russie et dans les eaux arctiques du Canada. On reconnait l’espèce à sa peau grise et mouchetée, ainsi que par sa longue dent.
Qu’est-il advenu de Tic Tac Toe?
Le rorqual à bosse Tic Tac Toe a été observé dans le parc marin fin mai 2024. Des images transmises au Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins (RQUMM) montraient un animal sévèrement amaigri. La dernière observation confirmée date du 5 juin. Tic Tac Toe est un individu cher au cœur de plusieurs observateurs et observatrices. Depuis sa première apparition dans le parc marin en 1999, elle est demeurée une habituée du secteur et est revenue à plusieurs reprises avec des veaux. Aramis, l’une de ses descendantes, a aussi eu un veau en 2020.
À leur retour sur les aires d’alimentation au printemps, les grands rorquals sont souvent amaigris. La condition de Tic Tac Toe est toutefois hors du commun. Les consultations auprès des scientifiques qui travaillent avec des grandes populations de rorquals à bosse confirment que la situation de Tic Tac Toe est extrême. Des nouvelles de l’individu, qui n’a pas été revu depuis le 5 juin 2024, sont partagées sur la page Tic Tac Toe – En direct.
La diversité
La pluralité des espèces nageant dans l’estuaire du Saint-Laurent était prépondérante dans les retours des observateurs et observatrices! Depuis la rive, il était possible de voir de tout : « Mon observation marquante de la saison, c’est définitivement le grand chelem que j’ai eu la chance de voir depuis le quai des pilotes aux Escoumins : petit rorqual, deux rorquals à bosse, un rorqual commun et un rorqual bleu, et ce, presque simultanément! » Une passionnée s’extasie quant à elle du coucher de soleil qu’elle a pu admirer en compagnie de quatre rorquals à bosse. De quoi marquer la mémoire!
Pour une Charlevoisienne, la présence d’un « petit rorqual hyperactif qui breachait sans arrêt dans l’embouchure du Saguenay, » l’a particulièrement marquée. Même si elle n’a pas pu voir le rorqual de ses propres yeux, le partage d’une vidéo sur les réseaux sociaux lui aura permis de s’en émerveiller.
Aux premières loges à Franquelin, un passionné a pu voir un rorqual à bosse près de la rive dans une zone où l’eau est profonde. Il a vu l’individu plonger si près du rivage que sa nageoire caudale a touché les rochers! Il n’oublie pas non plus les petits rorquals nageant près du quai (de Baie-Comeau?) tout l’été. En Gaspésie, on se souvient de l’abondance des dauphins à flancs blancs, du passage d’un requin-pèlerin et des nombreux rorquals à bosse! Le passage d’une vingtaine de bélugas à Pointe-des-Monts et des successions de baleines noires de l’Atlantique Nord près de Mingan ne sont pas non plus près d’être oubliés.
On se revoit en 2025 pour d’autres belles observations!
Merci à tous les collaborateurs et collaboratrices qui ont contribués aux observations en 2025!
Merci aux observateurs et observatrices qui partagent avec nous leur amour pour les mammifères marins! Vos rencontres avec les cétacés et les pinnipèdes sont toujours un plaisir à lire et à découvrir.
Ce sont vos yeux, sur l’eau ou depuis la berge, qui permettent à cette rubrique de voir le jour.
Merci aussi aux équipes qui partagent leurs observations :
Centre d’éducation et de recherche de Sept-Îles (CERSI)
Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM)
Réseau d’observation des mammifères marins (ROMM)
Réseau québécois d’urgence pour les mammifères marins (RQUMM)
Station de recherche des Îles Mingan (MICS)
Vous souhaitez vous aussi partager vos observations?
Vous avez observé des mammifères marins dans le fleuve Saint-Laurent? Qu’il s’agisse d’un souffle au large ou de quelques phoques, écrivez-nous et envoyez-nous vos photos à [email protected]!