Vous nous avez posé la question par l’intermédiaire de notre page Facebook « Baleines en direct »: la pandémie actuelle de COVID-19, qui affecte les humains partout dans le monde, pourrait-elle toucher également les mammifères marins ?

La question est légitime. On le sait, l’agent responsable de la maladie COVID-19 est le virus SARS-CoV-2, qui appartient à la très grande famille des coronavirus. Or, certains coronavirus peuvent affecter les mammifères marins. On a par exemple pu trouver des traces de virus de cette famille chez des phoques, des bélugas et des dauphins en captivité. En juin 2010, une vingtaine de carcasses de phoques sauvages retrouvées sur les côtes californiennes ont également ététrouvées porteuses d’un coronavirus.

Mais dans aucun de ces cas, il n’a été possible de déterminer si le virus était responsable de problèmes de santé ou de décès. De plus, les coronavirus qui affectent les mammifères marins ne sont pas toujours ceux qui affectent les humains… et inversement ! Ainsi, «présentement il n’y a pas de données sur la sensibilité possible des mammifères marins au virus [responsable de la COVID-19] », souligne le Dr Stéphane Lair, professeur titulaire à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal et directeur du Centre québécois sur la santé des animaux.

Des cas isolés de contamination animale

Les seules données disponibles concernent les mammifères terrestres. Depuis le début de la pandémie, quelques rares cas d’animaux porteurs du SARS-CoV2 ont été recensés : deux chiens à Hong Kong, un chat en Belgique et plusieurs félins (tigres et lions)  du zoo du Bronx, à New York.

Une étude scientifique préliminaire réalisée en Chine a aussi montré que des chats soumis à de hautes doses de virus peuvent être infectés, ce qui n’était pas le cas d’autres espèces testées (chien, canard, poulet et cochon). Toutefois, aussi bien expérimentalement que dans les cas qui ont fait la une des journaux, les félins n’ont pas développé systématiquement des symptômes.

« Sauf exception, les animaux ne semblent pas très sensibles à l’infection, détaille le Dr Stéphane Lair. À ma connaissance, seuls les furets domestiques inoculés expérimentalement ont développé des signes cliniques. On assume que les primates sont aussi sensibles en raison de leur « proximité génétique » avec l’Homme, mais à ma connaissance, des cas chez ce groupe n’ont pas encore été rapportés. »

Les avantages de la distanciation sociale entre humains et baleines

Cependant, pour être infecté, encore faut-il être mis en contact avec le virus, qui, selon les connaissances actuelles, ne survivrait que quelques heures à quelques jours hors de son hôte. Comme le précise le Dr Stéphane Lair, « puisque la transmission nécessite une grande proximité, ça serait étonnant que les mammifères marins puissent être exposés de façon naturelle ».

En effet, jusqu’ici, les animaux porteurs du SARS-CoV-2 étaient en contact étroit avec un humain lui-même infecté par la COVID-19 (propriétaire ou soigneur). Grâce à leur milieu de vie et à la distanciation déjà imposée aux être humains fréquentant leur milieu, les mammifères marins du Saint-Laurent semblent donc assez peu sujets à une potentielle contamination, pour autant qu’elle soit possible. « Il est impossible de dire que les risques sont de zéro, mais ils sont probablement très faibles », conclut le chercheur.

La dernière incertitude concerne une éventuelle contamination d’un humain par un mammifère marin, si celui-ci était infecté par la COVID-19. Actuellement, selon les données scientifiques connues, la probabilité d’un tel évènement semble dérisoire, néanmoins, par précaution, le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins recommande plus que jamais de garder ses distances avec les mammifères marins sur les plages.

Moins de bateaux, plus de baleines ?

Les baleines ne seraient-elles donc pas affecté par la pandémie qui bouleverse le monde des humains ? Il est probable que si… mais plutôt de manière positive. En effet, le ralentissement des activités humaines et la diminution du trafic marin projeté pourraient en fait améliorer les conditions de vie des mammifères marins et leur ouvrir de nouveaux territoires. En Méditerranée, des dauphins ont été observés dans les ports de Sardaigne, et des rorquals communs aperçus au large de la ville de Marseille, tandis que du côté du Pacifique, des épaulards ont été observés près de Vancouver. Observations inusitées ou réclamation de territoire par la nature? À suivre…

Pour en savoir plus

  • (2010) Nollens, H. H., J. F. X. Wellehan, L. Archer, L. J. Lowenstine, and F. M. D. Gulland, 2010: Detection of a respiratory coronavirus from tissues archived during a pneumonia epizootic in free ranging Pacific harbor seals Phoca vitulina richardsii. Dis. Aqua
Les baleines en questions - 9/4/2020

Laure Marandet

Laure Marandet est rédactrice pour le GREMM depuis l'hiver 2020. Persuadée que la conservation des espèces passe par une meilleure connaissance du grand public, elle pratique avec passion la vulgarisation scientifique depuis plus de 15 ans. Ses armes: une double formation de biologiste et de journaliste, une insatiable curiosité, un amour d'enfant pour le monde animal, et la patience nécessaire pour ciseler des textes à la fois clairs et précis.

Articles recommandés

Que signifient les prouesses des rorquals à bosse?

Les rorquals à bosse sont particulièrement impressionnants à admirer : montrant la nageoire caudale en plongeant, sautant hors de l’eau…

|Les baleines en questions 29/2/2024

Pourquoi les rorquals à bosse interagissent parfois avec les algues?

Dans une immensité bleue et mouvante, une silhouette longue et élancée s’élève doucement à la surface de l’eau. Une traine…

|Les baleines en questions 9/1/2024

Pourquoi les rorquals à bosse nuisent-ils à la prédation des épaulards?

Un comportement rare qui reste sans explication Bertie Gregory, explorateur pour le National Geographic, a assisté récemment à un épisode…

|Les baleines en questions 7/12/2023