Appelée « right whale » en anglais parce qu’elle était autrefois considérée comme la « bonne/right » espèce à chasser, la baleine noire de l’Atlantique Nord (Eubalaena glacialis) voit sa population s’effondrer depuis au moins les huit dernières années. Les plus récentes estimations comptent à peine 411 individus.

Les baleines noires de l’Atlantique Nord se retrouvent dans les eaux étatsuniennes et canadiennes de l’Atlantique. Leur distribution dans l’ouest de l’Atlantique Nord s’étend du golfe du Saint-Laurent jusqu’en Floride. Leur proie principale, un minuscule zooplancton de la sous-classe des copépodes appelé Calanus finmarchicus, se retrouve maintenant en plus grande abondance dans le golfe du Saint-Laurent que dans son habitat habituel. Les baleines noires suivent donc leurs proies plus au nord, vers des eaux plus fraiches. Comme ce n’est pas une aire d’alimentation traditionnelle, il n’y avait pas de mesures de protection en place dans le golfe du Saint-Laurent avant 2017.

À la fin de 2017, on comptait 17 carcasses trouvées dans l’Atlantique Nord et sept d’entre elles ont fait l’objet de nécropsies. L’empêtrement dans l’équipement de pêche et les collisions avec les bateaux ont été les principales causes de décès trouvées.

Absence de vie nouvelle

L’année 2018 a débuté avec une autre situation alarmante : pour la première fois depuis des décennies, les équipes de recherche n’ont observé aucun nouveau baleineau pendant la saison de la reproduction, qui s’étend de décembre à marsMême après, aucun baleineau n’a été observé.

Le taux de mise bas de la baleine noire de l’Atlantique Nord est en déclin depuis les quelques dernières années. L’empêtrement et les fluctuations de la disponibilité des proies ajoutent du stress aux 71 femelles reproductrices restantes. De plus, des études récentes ont découvert que l’intervalle entre leurs mises bas est passé de 4 à 10 ans.

Des efforts sans précédent

Les chercheurs ont remué ciel et mer pour mener à bien leurs efforts collectifs de conservation de cette espèce dont presque la moitié de la population a été observée dans le golfe cette année. Pêches et Océans Canada (MPO) a imposé tout au long de l’année des fermetures de pêches temporaires et permanentes dans les régions du golfe et des Maritimes. Grâce à des projets collaboratifs du MPO, de l’Université Dalhousie, des Forces armées canadiennes, du Canadian Whale Institute, de la National Oceanic & Atmospheric Administration (NOAA), et du New England Aquarium, une surveillance aérienne, acoustique et sur l’eau a aussi été mise en place dans l’habitat essentiel des baleines et au-delà afin de documenter leur distribution changeante et d’alerter les marins advenant leur présence.

En outre, les avancées technologiques progressent dans la lutte contre les deux principaux risques pour la survie de cette espèce : l’empêtrement et les collisions avec les bateaux. Par exemple, une petite entreprise d’Halifax appelée Ashored Innovations travaille avec des pêcheurs locaux pour mettre au point de l’équipement de pêche sans cordage afin d’éliminer les lignes verticales, ce qui serait aussi bénéfique pour les autres espèces vulnérables aux empêtrements. Les planeurs Slocum du Ocean Tracking Network font la détection acoustique du mouvement des baleines noires et de leurs proies pour contribuer à des changements en matière de gestion des pêches et de circulation maritime autour de la Nouvelle-Écosse.

Le New England Aquarium travaille sur un projet visant à simuler les empêtrements de baleine noire pour mieux les comprendre et pouvoir s’attaquer au problème. Il est aussi membre du Ropeless Consortium, dont l’objectif est d’éliminer les lignes verticales de la colonne d’eau, qui représentent un piège mortel pour les baleines noires. Des essais de différentes nouvelles technologies ont déjà été lancés en Californie et au Massachusetts.

Moins d’incidents en 2018

Trois cas de mortalité ont été documentés dans les eaux étatsuniennes cette année; un phénomène qui correspond au taux de mortalité moyen des 15 à 20 dernières années. En revanche, aucune mort de baleine noire n’a été signalée dans les eaux canadiennes cette année.

Après s’être alimentées dans les eaux plus nordiques, les baleines noires migrent maintenant vers le sud en longeant le littoral atlantique jusqu’à leur aire de reproduction. Leur population continuera de diminuer à moins que de nouveaux baleineaux naissent pendant la prochaine saison de reproduction. Des équipes de recherche de différentes organisations commenceront leurs missions de surveillance pour 2018-2019 en janvier et nous continuerons de suivre la situation.

Survol des principaux évènements de 2018

22 janvier Première carcasse de l’année observée alors qu’elle flottait à 80 milles marins de Virginia Beach. Elle a été identifiée comme étant une baleine noire femelle (nº3893 : 10 ans). Elle a succombé à un empêtrement chronique, et de l’équipement semblable à celui utilisé pour la pêche au crabe des neiges au Canada était attaché à elle.

12 avril : L’équipe du Center for Coastal Studies a tenté de dépêtrer Kleenex (nº1142), une baleine noire femelle adulte empêtrée depuis les trois dernières années. Elle a été aperçue dans le sud du golfe du Saint-Laurent par l’équipe de surveillance aérienne des pêches du NOAA en juin et en juillet, un cordage toujours enroulé autour de la tête. À chaque observation, son état s’est détérioré.

28 avril : Suivant plusieurs détections acoustiques de baleines noires dans le golfe du Saint-Laurent, Transport Canada a imposé des limites de vitesse dans l’ouest du golfe. Les navires de 20 mètres ou plus ne pouvaient pas dépasser une vitesse de 10 nœuds. Les eaux entourant l’ile d’Anticosti ont aussi fait l’objet de limites de vitesse lorsque des baleines ont été observées. Le non-respect de ces limites peut entrainer des amendes allant de 6000 $ à 25 000 $.

12 mai : Une baleine noire femelle de 8 ans (nº4091) empêtrée a été signalée à l’est de Cape Cod, aux États-Unis. Elle n’a pas été aperçue depuis.

16 mai : Le MPO a aperçu une première baleine noire près des côtes du cap Breton, en Nouvelle-Écosse, lors d’un vol de surveillance aérienne.

13 juillet : Une baleine noire mâle (nº3312, née en 2003) a été trouvée empêtrée près de l’ile Miscou, au Nouveau-Brunswick, lors d’un vol de surveillance. L’individu n’a pas été observé depuis.

30 juillet : Un deuxième mâle (nº3843 : 10 ans) s’est empêtré et a été signalé à 22 milles marins à l’est de Grand Manan, tirant une bouée orangée derrière lui. Il avait l’air émacié.

6 aout : Le spécimen nº3843 a été dégagé avec succès grâce aux efforts communs du MPO, du Campobello Whale Rescue Team, du Centre de recherche sur la vie marine de Grand Manan et du Marine Animal Response Society.

20 aout : Une autre baleine noire empêtrée a été signalée à l’est de l’ile Miscou, au Nouveau-Brunswick. Le MPO a suivi l’individu et l’a observé alors qu’il remontait à la surface libre d’équipement. L’individu a réussi à se libérer par lui-même.

25 aout : Une deuxième carcasse a été trouvée. C’était celle d’une jeune baleine non identifiée (environ 1 an et demi) trouvée morte au sud de Martha’s Vineyard, près de Nantucket, au Massachusetts. Cause probable de la mort : empêtrement et noyade. Cet individu est probablement un des cinq baleineaux nés au cours de la saison de reproduction 2016-2017.

14 octobre :Une troisième carcasse a été trouvée flottante dans les eaux des É.-U. C’était celle d’une autre jeune baleine noire non identifiée retrouvée morte à environ 100 milles marins à l’est de Nantucket, au Massachusetts, par un navire du NOAA, le Henry B. Bigelow. Cause probable de la mort : empêtrement aigu sévère.

15 novembre :Transport Canada a levé les limites de vitesse dans l’ouest du golfe du Saint-Laurent et a donné trois contraventions relativement à ces limites. D’autres contraventions pourraient découler des 12 dossiers actuellement ouverts.

 

Merci à Amy Knowlton du New England Aquarium pour ses informations.

Actualité - 20/12/2018

Jasspreet Sahib

Après avoir passé l’été avec des baleines sur la côte ouest du Canada, Jasspreet Sahib est heureuse de se joindre à l’équipe du GREMM cet automne comme stagiaire en rédaction par l’entremise du programme du Corps de conservation canadien. Elle a fait des études en biologie marine et en journalisme à l’Université Dalhousie et adore partager sa passion pour les mammifères marins et la communication scientifique avec les lecteurs de Baleines en direct.

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