Les chercheurs l’appellent Kleenex. Cette baleine noire connue depuis 1977 nage depuis maintenant trois ans avec un cordage enroulé autour de la tête. Le 12 avril, lorsqu’elle a été vue par une équipe du Center for Coastal Studies dans le Stellwagen Bank National Marine Sanctuary, au large du Massachusetts, États-Unis, le cordage était toujours présent et la baleine est apparue faible et amaigrie aux yeux des chercheurs. Une tentative de dépêtrement a été effectuée, et une partie du cordage a été coupée avant que la baleine ne disparaisse. Depuis, les conditions météo n’ont pas permis de retourner en mer pour voir l’état de Kleenex.

Kleenex représente le cas typique d’empêtrement que subissent près de 85% des baleines noires au moins une fois au cours de leur vie. Et tandis que la saison de la pêche au crabe des neiges et au homard est commencée depuis quelques semaines sur la côte est canadienne et états-unienne, des mesures de protection ont été mises en place dans les deux pays pour tenter de réduire les risques de décès de ces baleines en voie de disparition.

Les empêtrements chroniques nuisent à la capacité de reproduction des baleines noires de l’Atlantique Nord. La saison des naissances pour cette espèce s’est terminée avec la fin du mois de mars et toujours aucun nouveau-né n’a été observé. Cette situation est particulièrement inquiétante, puisqu’il ne reste que 450 baleines noires de l’Atlantique Nord et que 18 carcasses d’individus de cette espèce ont été retrouvées au cours des 12 derniers mois. Kleenex, elle, a été une femelle très productive. Elle serait même à la tête d’une lignée comptant près de 5 % des baleines noires de l’Atlantique Nord. Elle est donc la mère, grand-mère ou arrière-grand-mère d’une vingtaine de baleines, rendant son sauvetage d’autant plus important et symbolique.

Au Canada, le ministre des Pêches et des Océans du Canada, Dominic LeBlanc, a annoncé la levée de l’interdiction des opérations de dépêtrement. Un moratoire sur l’activité avait été annoncé en juillet dernier à la suite du décès du sauveteur Joe Howlett.

Une façon d’éviter complètement les empêtrements (et les opérations de sauvetage qui en découle) serait la mise en marché d’engin de pêche sans cordage. «Il y a deux ans, les chercheurs qui proposaient cette idée passaient pour des hurluberlus. Cette année, des prototypes sont à l’essai par certains pêcheurs. Parfois, les solutions demandent de l’audace», commente Robert Michaud, directeur scientifique du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins et coordonnateur du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins.

Actualité - 20/4/2018

Marie-Ève Muller

Marie-Ève Muller s’occupe des communications du GREMM depuis 2017 et est porte-parole du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins (RQUMM). Comme rédactrice en chef de Baleines en direct, elle dévore les recherches et s’abreuve aux récits des scientifiques, des observateurs et observatrices. Issue du milieu de la littérature et du journalisme, Marie-Ève cherche à mettre en mots et en images la fragile réalité des cétacés.

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