Mercredi matin, alors que l’équipe du Centre d’interprétation des mammifères marins (CIMM) à Tadoussac débute sa journée de travail, le temps suspend son vol l’espace d’une demi-heure. Tous et toutes se tournent vers le large, pour observer des dos blancs envahir l’embouchure du Saguenay. Nombreux, les bélugas nagent en petites formations serrées. Le groupe passe la ligne des traversiers puis s’enfonce entre les à-pics rocheux qui bordent le fjord. Chaque été est différent et réserve ses surprises, mais certaines choses semblent immuables. Le retour des bélugas dans le fjord du Saguenay, par exemple, marque à coup sûr le début de la saison.
Où vont-ils? En direction de la baie Sainte-Marguerite, un lieu d’une grande importance sociale pour eux, qu’ils fréquentent assidûment entre fin juin et mi-septembre. Les chercheurs estiment que plus de la moitié des bélugas du Saint-Laurent, dont les deux tiers des femelles, fréquentent le Saguenay dans le courant de l’été! Pour les protéger, la baie est fermée à la navigation du 21 juin au 21 septembre
Cette semaine, les dos blancs sont donc observés partout le long du Saguenay, brisant la surface noire des eaux profondes de cette rivière glaciaire. Samedi 19 juin au matin, un riverain de l’Anse-à Pierrot s’enthousiasme : «Je vois des bélugas de chaque côté du fjord, en deux petits groupes. Il y a des blancs, et des petits!» Le lendemain, un gros troupeau est signalé près de Pointe-Noire, un site d’observation terrestre situé à Baie-Sainte-Catherine. Lundi, lors d’une sortie en kayak au niveau de l’Anse-de-Roche, un guide repère également un groupe de bélugas nageant rapidement vers l’amont.
Mystère et émerveillement
Le long de la rive sud du Saint-Laurent, l’heure n’est visiblement pas encore à la socialisation et à la reproduction pour certains bélugas, qui viennent se délecter des bancs de hareng qui s’accumulent le long des quais. Les observateurs notent la présence quotidienne de bélugas blancs, parfois accompagnés de petits gris, autour des quais de Cacouna et de Rivière-du-Loup. On nous signale de nouveau la présence d’un étonnant cétacé à dents de couleur noir, sautant hors de l’eau au large de Cacouna. Néanmoins, l’espèce de ce mystérieux visiteur n’est pas encore identifiée, créant un frisson d’excitation au sein de la rédaction.
Une observatrice, en vacances sur l’île aux Lièvres, tente de photographier un gros phoque commun couché sur son rocher. Sa position en «banane» caractéristique amuse la vacancière : «Tous les soirs, à l’heure du souper, il était là, sur son rocher préféré, à faire ses exercices de yoga!» La fascination qu’exercent sur nous les mammifères marins et leurs comportements fait aussi partie de ces choses immuables, que même le temps ne semble pas user. Vendredi matin, Robert Michaud, directeur scientifique du GREMM avec un nombre certain d’heures d’observation à son actif, ne manque pas de s’enthousiasmer pour un petit rorqual: «Ça brasse aux Bergeronnes… et un petit rorqual tente de s’envoler… 23 fois! Toutes les tentatives sont infructueuses et se terminent sur le ventre avec un gros splash!»
Les fidèles au poste!
Du côté de la Gaspésie, un capitaine de croisières d’observation aux baleines l’affirme: «il n’y a pas de profil-type de saison. Ça peut changer complètement d’une année à l’autre, ce n’est jamais pareil». En ce moment, c’est l’abondance totale.
«Mardi matin, en faisant mes repérages depuis Cap-Bon-Ami, j’ai été gâté, souligne-t-il. En l’espace de 5 minutes, j’ai compté 20 souffles de rorquals à bosse, et une dizaine de rorquals communs!» Le lendemain, deux rorquals communs viraient à 50 mètres en face du quai. Dimanche, il affirme même avoir vu son premier rorqual bleu de la saison, à l’entrée de la baie de Gaspé !
Localement, les observateurs se régalent. «Hier, ça sautait partout! On a même vu un duo: un petit rorqual et un rorqual à bosse qui ont breaché en même temps!» s’étonne un capitaine. « Il y a de l’action!» confirme une riveraine de L’Anse-aux-Cousins. Dimanche, elle dénombre au moins 4 petits rorquals, 4 ou 5 rorquals à bosse et quelques communs. Mais aussi des phoques gris et communs «en masse!». Partie pour une randonnée dans le parc Forillon, elle confie: «on les entend souffler depuis le sentier pédestre. C’est toujours impressionnant d’entendre les baleines!».
Collaborateur de la station de recherche des îles Mingan (MICS), René Roy relève au large de L’Anse-au-Griffon de nombreux rorquals à bosse assez jeunes, ainsi que des paires mère-veau, mais il repère également quelques «vieilles connaissances» comme Bolt (H102), Fleuret (H009) et Irisept (H492). Certaines de ces baleines vont-elles poursuivre leur chemin et s’enfoncer dans le golfe et l’estuaire? Connue depuis 1997, Irisept est fréquemment observée dans le golfe, mais rarement dans l’estuaire, contrairement à Tic Tac Toe, par exemple. Chaque baleine semble avoir ses petites habitudes et ses lieux de prédilection.
Et puis, il y a les baleines dont le parcours étonne. Ainsi, le rorqual à bosse H944, observé l’été dernier dans le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent, et qui était encore présent dans l’estuaire le 14 décembre, alors que la plupart de ses camarades étaient partis pour le sud, a été photographié le 18 juin dans le Maine. Certains aiment la routine, d’autres moins.
Où sont les baleines cette semaine? Voilà ce que nos collaborateurs et collaboratrices ont vu!
Ces observations donnent une idée de la présence des baleines et ne représentent pas du tout la répartition réelle des baleines dans le Saint-Laurent. À utiliser pour le plaisir!
Cliquez sur les icônes de baleine ou de phoque pour découvrir l’espèce, le nombre d’individus, des informations supplémentaires ou des photos de l’observation. Pour agrandir la carte, cliquez sur l’icône du coin supérieur droit. La carte fonctionne bien sur Chrome et Firefox, mais pas aussi bien sur Safari.
Pour faire apparaitre la liste des observations, cliquez sur l’icône du coin supérieur gauche.