Les scientifiques s’inquiètent: non seulement les gouvernements fédéral et provincial tardent à mettre en œuvre une stratégie de rétablissement pour le béluga du Saint-Laurent, mais plusieurs projets de développement portuaires, prévus dans le cadre du programme d’infrastructures annoncé par le gouvernement fédéral et la Stratégie maritime québécoise, risquent d’augmenter le trafic maritime dans l’habitat critique de cette espèce en péril. Pour communiquer aux premiers ministres l’urgence d’agir pour protéger cette espèce, le Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM) a décidé de leur confier, à chacun, un béluga en adoption.

Delphi et Leucas, c’est ainsi que les scientifiques ont décidé de nommer les bélugas qu’ils ont confiés aux premiers ministres Justin Trudeau et Philippe Couillard, s’inspirant du nom scientifique du béluga: Delphinapterus leucas. Delphi est une femelle et devrait donner naissance à son premier veau bientôt. Leucas est un mâle et consacre son temps à consolider son réseau social. Ils ont tous deux moins de 20 ans et, si nous partageons bien le Saint-Laurent avec eux, ils pourraient vivre jusqu’en 2080! Leur santé et leur survie dépendront de nos choix d’aujourd’hui.

La population des bélugas du Saint-Laurent est en déclin et, depuis 2010, nous observons une augmentation sans précédent de la mortalité chez les femelles gestantes et les nouveau-nés. Selon les scientifiques qui étudient les bélugas depuis une trentaine d’années, à court terme nos efforts devraient être dirigés vers l’élimination des agents de stress d’origine anthropique comme les perturbations dans les zones sensibles. L’augmentation du bruit dans les habitats fréquentés par les femelles accompagnées de leurs jeunes est susceptible de nuire au rétablissement de la population et pourrait en accélérer le déclin.

Bien que les gouvernements fédéral et provincial se soient engagés à protéger l’habitat essentiel du béluga et à créer des zones de protection marine et des aires marines protégées, les solutions concrètes tardent à venir et les projets de développement portuaire à Cacouna et dans le Saguenay avancent rapidement et risquent d’aller à l’encontre de ces objectifs de conservation.

« Il serait malheureux encore une fois d’opposer les bélugas au développement économique. Il serait surtout périlleux de le faire à la pièce, projet par projet. Comme le développement économique, la protection des bélugas a besoin d’une stratégie. Sinon, comme il arrive souvent, nos stratégies de développement économique gagneront de vitesse nos stratégies de rétablissement des espèces en péril » écrit Robert Michaud, directeur scientifique du GREMM, dans sa lettre ouverte adressée aux premiers ministres.

Selon Robert Michaud, la création d’un réseau de refuges acoustiques, dans les limites de l’actuel parc marin Saguenay—Saint-Laurent et en périphérie pourrait protéger efficacement les bélugas. Il demande aux deux gouvernements, comme ils l’ont fait pour la création du parc marin Saguenay—Saint-Laurent, de travailler ensemble et rapidement à la création de ces refuges acoustiques dont Delphi, Leucas et leurs familles ont urgemment besoin.

Lire la lettre envoyée aux premiers ministres, et publiée dans Le Devoir (28 juillet 2016)


Pour en savoir plus:

Sur le site Adoptez un béluga:

Delphi — Confiée à l’honorable Philippe Couillard, Premier Ministre du Québec

Leucas — Confié au très honorable Justin Trudeau, Premier Ministre du Canada

Sur Baleines en direct:

Nouveaux investissements dans le Saint-Laurent: une opportunité de concilier conservation et développement

Dans les médias:

Zone industrialo-portuaire à Cacouna: Greenpeace s’explique mal la décision de Québec (La Presse Canadienne, 10/07/2016)

Cacouna: à quoi on joue, là? (Le Soleil, 05/07/2016)

Protection du béluga: une autre querelle fédérale-provinciale en vue? (La Presse, 28/06/2016)

Québec veut développer le port de Cacouna (Le Devoir, 22/06/2016)

Québec veut développer l’activité portuaire de Saguenay (Le Devoir, 06/06/2016
)

Rouler sur l’eau (Québec Science, Août-septembre 2016)

Actualité - 28/7/2016

Béatrice Riché

Après plusieurs années à l’étranger, à travailler sur la conservation des ressources naturelles, les espèces en péril et les changements climatiques, Béatrice Riché est de retour sur les rives du Saint-Laurent, qu’elle arpente tous les jours. Rédactrice pour le GREMM de 2016 à 2018, elle écrit des histoires de baleines, inspirée par tout ce qui se passe ici et ailleurs.

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