Jeudi 30 septembre, le Réseau québecois d’urgence pour les mammifères marins (RQUMM) reçoit un signalement pour deux baleines échouées vivantes à Listuguj, en Gaspésie. Au téléphone, les policiers indiquent l’emplacement des cétacés, dans le secteur de Restigouche. Dans un premier temps, les deux baleines ont été repoussées à l’eau par les policiers et des citoyens du secteur. Elles sont alors retournées au large et les policiers les ont rapidement perdues de vue. Fin de l’histoire ? Pas vraiment. En examinant les vidéos et les photos des policiers, les agents du RQUMM et les spécialistes consultés identifient les cétacés comme étant des baleines à bec communes, une espèce en voie de disparition.

Échouées dans une zone marécageuse

Le RQUMM décide donc d’envoyer son équipe mobile sur place pour faire de la surveillance, car les deux animaux pourraient s’échouer de nouveau. Ils avisent aussi les agents des pêches du secteur. Puis, comme Restigouche se trouve à la frontière entre le Québec et le Nouveau-Brunswick, le RQUMM informe la Marine animal response society (MARS), l’équipe d’urgences mammifères marins qui couvre le secteur des maritimes. Lors de cas d’échouage vivant, qui demandent souvent une logistique complexe, le RQUMM travaille généralement en collaboration avec Pêches et Océans Canada ainsi que des spécialistes tels que des vétérinaires du CQSAS et de la MARS.

Vers 15 h 30, alors qu’elle fait route en direction de la baie des Chaleurs, l’équipe mobile reçoit un nouvel appel des policiers de Listuguj: les baleines se sont échouées de nouveau à peu près au même endroit, à l’occasion de la marée basse. Une fois sur place, les spécialistes évaluent la situation, en s’aidant notamment d’un drone. Les baleines sont bien échouées, ce qui veut dire que leur ventre touche le sol. Néanmoins, elles se trouvent loin de la berge, dans une zone marécageuse uniquement accessible en chaloupe.

Un individu mort, l'autre en mauvaise condition

Grâce à un riverain qui connaît bien le secteur, l’équipe se rend en bateau près des animaux. Elle ne peut malheureusement que constater qu’un des animaux est déjà mort et que les signes vitaux de l’autre individu sont très faibles. La baleine qui est toujours vivante est émaciée, elle garde l’évent ouvert et produit un grincement lors des respirations.

Alors que la luminosité diminue et que le soir tombe, les équipes sur place font le point. Une baleine à bec mesure environ 6m et peut peser jusqu’à 3t. Afin de tenter une remise à l’eau de l’animal encore vivant, il faut de la machinerie et plusieurs équipes. Cette opération comporte un réel danger pour l’animal et pour les humains.  Les équipes spécialisées du RQUMM, de MARS et de Pêches et Océans Canada se donnent donc rendez-vous le lendemain matin pour tenter une remise à l’eau et effectuer une nécropsie sur la baleine morte.

Le lendemain cependant, les équipes mobilisées constatent que l’individu qui était encore en vie n’est plus sur place. Il semble s’être déplacé à l’occasion de la marée haute. Alors que des agents des pêches partent à la recherche de cet animal, les équipes du RQUMM et de MARS se préparent pour effectuer une nécropsie sur la carcasse présente. La baleine à bec est ainsi acheminée sur le lieu de nécropsie, où une courte cérémonie de la communauté Mi’gmaq de Listuguj est réalisée avant le premier coup de scalpel.

La nécropsie dure environ 5h, pendant lequel de nombreux échantillons sont prélevés. Les ossements sont ensuite récupérés par le Groupe de recherche et d’éducation pour les mammifères marins. À terme, le squelette rejoindra la collection de squelettes de baleines exposée au CIMM et participera à l’éducation et à la sensibilisation du grand public aux cétacés.

Le mystère reste entier

La nécropsie n’a dévoilé aucune information sur la santé de l’animal ; il faudra attendre les résultats des analyses plus pointues réalisées sur les échantillons récoltés pour en savoir davantage. Ces analyses auront lieu au cours de l’hiver.

En ce qui concerne l’individu qui était toujours vivant au moment de l’échouage, nous n’avons pas eu de nouveau signalement. Malgré un survol de la zone à l’aide d’un drone, la baleine n’a pas été retrouvée. Les baleines étant des mammifères, elles peuvent parfois survivre assez longtemps hors de l’eau.

Il est difficile d’identifier pourquoi ces individus sont remontés aussi haut dans la baie des Chaleurs. Plusieurs raisons peuvent amener des baleines à s’échouer vivantes : une maladie, une blessure, ou encore une erreur de navigation. Dans ce cas précis, le mystère n’a pour le moment pas été élucidé.

Que faire en cas d'échouage vivant ?

Un témoin qui trouve une baleine dans cet état peut observer l’animal à distance, mais ne doit surtout pas intervenir de lui-même. Ce sont des animaux sauvages de grande taille, dont le comportement peut être imprévisible, surtout dans une telle situation. Les manipulations augmentent le stress et diminuent les chances de survie de l’animal. La première chose à faire est donc de contacter Urgences Mammifères Marins au 1-877-722-5346. Un membre du Réseau pourra alors vous guider et mettre en œuvre les opérations nécessaires.

Urgences Mammifères Marins - 7/10/2021

Mélissa Tremblay

Mélissa Tremblay travaille au GREMM depuis 2012. Elle a commencé comme naturaliste au Centre d’interprétation des mammifères marins, et son intérêt pour la science l’a menée à devenir assistante de recherche pour le GREMM et répondante au Centre d’appels d’Urgences Mammifères Marins. Depuis mai 2018, elle est responsable du Centre d’appels.

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