Que se passe-t-il de l’autre côté de la ligne pendant et après le signalement d’un cas au Centre d’appels du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins (RQUMM)? En voici un aperçu à travers le suivi d’un cas.

Dimanche 7 juin 2020, 15h17 : Premier signalement

Après une matinée bien remplie occupée à sensibiliser des gens inquiets pour de jeunes phoques échoués, le téléphone sonne de nouveau.

Une citoyenne de Newport, en Gaspésie, m’informe qu’une baleine est en train de s’échouer en face de chez elle. Avant tout, je note son numéro de téléphone et son nom.

J’aurai peut-être besoin de la contacter de nouveau plus tard.

Le Centre d’appels du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins (RQUMM) traite les appels venant de part et d’autre des quelques 1000 km de fleuve compris entre Montréal et le Golfe du Saint-Laurent. Les témoins et les bénévoles font partie intégrante du RQUMM; ils sont nos yeux sur le terrain.

Première étape de la gestion d’un cas: je demande à la témoin de me décrire l’animal.

Dans ce cas-ci, il est sur le dos et flotte un peu, près du rivage. Il est mort. Selon elle, il est assez petit et tout blanc.

Serait-ce un béluga? La découverte de la carcasse d’une de ces baleines blanches est prise très au sérieux, compte tenu de la précarité de cette population en voie de disparition.

Cela dit, seules des preuves visuelles pourront nous permettre de confirmer l’espèce.

En réponse aux questions supplémentaires que je lui pose, la témoin me propose justement d’aller prendre des photos. «Comme ça, vous verrez par vous-même. D’après mon mari, c’est un jeune rorqual… C’est juste en face de chez nous, ce ne sera pas bien long!»

16 h 35 : Confirmation de l'espèce

Je reçois les photos. Notre baleine est effectivement un rorqual, et elle touche terre. Je repère rapidement la tache blanche sur la nageoire pectorale de l’animal, signe distinctif du petit rorqual.

Une fois l’espèce confirmée, nous passons à la prochaine étape de la gestion de cas: assurer la circulation de l’information entre les différents membres du RQUMM.

J’avise certains de nos partenaires qui ont mentionné être intéressés par des échantillons de peau, de gras, de muscles ou de fanons lorsque ce genre de cas survient. L’échantillonnage de carcasse est une pratique courante, car ces petits prélèvements peuvent fournir de précieuses informations pour la recherche scientifique.

Lundi 8 juin 2020, 13h12: Avis général à l'ensemble des membres partenaires du RQUMM

Ma collègue avise les treize organisations gouvernementales et à but non lucratif membre du RQUMM de ce cas. Cet avis général leur permet d’être tenus au courant des cas qui nous occupent et d’être vigilants en cas d’une anomalie, comme une augmentation du nombre de cas pour une espèce ou dans un secteur.

Mardi 9 juin 2020, 9h00: Appel du ministère de l’Environnement

Le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) nous informe qu’il a reçu une demande pour éliminer la carcasse. Il revient habituellement aux municipalités de se débarrasser des carcasses jugées nuisibles, c’est-à-dire qui posent un désagrément pour les personnes habitant à proximité. Cependant, les petits villages comme Newport disposent rarement des infrastructures nécessaires pour déplacer et enfouir efficacement des animaux de la taille d’un rorqual, aussi «petit» soit-il. Le ministère s’occupe donc généralement de déplacer et d’enfouir les carcasses dans ces cas. Ils ont commencé les démarches pour faire retirer la carcasse et veulent simplement s’assurer qu’ils n’enlèveront pas la carcasse avant qu’elle ait été échantillonnée.

12h24: Une bénévole se rendra sur le terrain pour échantillonner la carcasse

Deux chercheurs me confirment qu’ils sont intéressés par des échantillons.

Je contacte donc une bénévole bien connue par notre équipe. Elle a fait plusieurs échantillonnages dans le passé. Quand je lui dis que la carcasse est là depuis deux jours, elle y va d’un «ouf, ça va puer!» bien senti avant d’accepter avec enthousiasme d’effectuer la prise de données et d’échantillons.

Elle ajoutera également une étiquette autour de sa nageoire caudale afin qu’on puisse reconnaitre la carcasse si elle est à nouveau retrouvée dans quelques mois, voire dans quelques années, advenant le cas où la marée l’emporte avant qu’elle ne soit déplacée par le MELCC.

En plus d’être nos yeux, les bénévoles sont aussi bien souvent les bras et la voix du RQUMM sur le terrain.

Documentation du cas

La troisième étape de l’intervention, le suivi de cas, s’effectue tout au long de la gestion d’un cas. Un peu comme cet article, il résume l’ensemble des actions qui ont été posées et de toutes les communications pour ce cas. Courriels, appels, textos, conversations, interventions… toutes les interactions et toutes les actions posées en lien avec un cas doivent y être consignées afin de fournir une trace claire du cas pour consultation future.

Mercredi 10 juin 2020, 12h : Entrevue radio

Marie-Ève Muller, porte-parole du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins, donne une entrevue auprès d’une chaine de radio locale sur ce cas. Le suivi transmis par le RQUMM lui permet de donner des informations précises et justes au public.

Elle en profite également pour sensibiliser les gens à l’importance de laisser les phoques tranquilles lorsqu’ils sont sur les plages. Souvent, Marie-Ève adapte son message de sensibilisation en fonction des cas récurrents ou problématiques répertoriés par le RQUMM, comme le dérangement des phoques. Cette éducation ciblée permet d’avancer plus efficacement vers une cohabitation harmonieuse entre les mammifères marins et les humains.

Urgences Mammifères Marins - 23/6/2020

Florence Amégan

Florence Amégan est répondante au centre d’appels pour Urgences mammifères marins et rédactrice pour Baleines en direct depuis l’été 2020. Diplômée au programme Sciences, lettres et arts, elle est fascinée depuis qu’elle est haute comme trois pommes par les interactions qu’ont les baleines, tant entre elles qu’avec leur milieu.

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