Seulement six carcasses de bélugas ont été retrouvées en 2024. C’est le plus faible nombre recensé depuis plusieurs années. À titre de comparaison, on dénombrait 17 carcasses en 2023 et 12 en 2022. Qu’est-ce qui explique ce changement?
Une chute marquée du nombre de carcasses
Parmi les bélugas retrouvés lors de cette année inhabituelle, il n’y a aucun nouveau-né, deux femelles, trois mâles et un inconnu. Lorsqu’on mentionne « inconnu », on veut ici signifier que l’identification du sexe n’a pas pu être effectuée à cause de l’état de la carcasse. Les années précédentes, la proportion élevée de femelles dans les décomptes de carcasse était particulièrement préoccupante. Des complications lors de la mise bas, appelées dystocie, avaient été rapportées chez plusieurs femelles retrouvées mortes. Bien que les stresseurs environnementaux soient suspectés, les causes de ces complications demeurent inconnues.
Trois des six carcasses se sont échouées dans le Bas-Saint-Laurent, deux sur la Côte-Nord et une à l’ile du Prince Édouard. Impossible d’expliquer les causes de cette soudaine diminution, mais l’une des hypothèses avancées par les scientifiques est un changement dans la répartition estivale de la population. Comme ce sont les courants qui apportent les carcasses sur les rives, on les retrouve le plus souvent sur la rive sud de l’estuaire entre Trois Pistoles et Matane. Si les bélugas se déplacent un peu plus vers l’aval en été, il est possible que les courants apportent les carcasses plus vers le golfe. Cela pourrait réduire la détectabilité des carcasses, notamment celles qui dérivent au large ou s’échouent dans des zones moins fréquentées et accessibles. Pour l’instant, ce n’est qu’une hypothèse. Les scientifiques font donc preuve de prudence. La diminution du nombre de carcasses découvertes n’est pas synonyme d’une amélioration de l’état de santé de la population.
Travail scientifique et vigilance
Trois des carcasses récupérées en 2024 ont pu être envoyées pour nécropsie au Centre québécois sur la santé des animaux sauvages à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal. Ces analyses s’inscrivent dans la continuité du travail minutieux amorcé il y a plus de quarante ans, lors de la création du programme de récupération de carcasses. Les nécropsies visent à déceler infections, parasites, polluants, cancers ou traumatismes liés à l’activité humaine. Elles sont particulièrement essentielles pour évaluer les impacts des facteurs de stress comme les contaminants chimiques, qui affectent le comportement et la santé des bélugas.
L’analyse des carcasses de bélugas permet aussi de récolter des informations cruciales sur la santé individuelle et collective de cette population en voie de disparition. Retrouver des individus qui avaient été préalablement identifiés et suivis par le GREMM depuis plusieurs années est particulièrement intéressant pour en apprendre plus sur l’espèce.
Pour les carcasses qui ne peuvent pas être déplacées, des échantillons de dents, lard, muscle sont récoltés, de même que certains organes à l’occasion. Ils permettent aux équipes de recherche d’étudier, même sans la carcasse complète, les cétacés et l’évolution de leurs conditions de vie. Des échantillons sont même archivés pour de futures études! Une difficulté accrue à trouver et récolter les carcasses pourrait donc se traduire par moins de connaissances scientifiques.
La population de béluga du Saint-Laurent a été décimée par une chasse intense qui n’a pris fin qu’en 1979. Depuis, elle n’a pas montré de signe de rétablissement malgré les mesures de conservation prises en sa faveur. Elle doit au contraire faire face aux changements climatiques, aux contaminants, à la perte et à la dégradation de ses habitats, à la réduction de l’abondance de ses proies ainsi qu’au dérangement causé par l’humain.
La vigilance est donc de rigueur. Des fluctuations ponctuelles ne sauraient masquer les tendances de fond préoccupantes qui s’accumulent depuis plus de vingt ans pour cette espèce en voie de disparition.
Le programme de surveillance des mortalités de bélugas est dirigé par Pêches et Océans Canada en collaboration avec la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal et le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins.
Pour signaler un mammifère marin échoué ou à la dérive, contactez rapidement le RQUMM au 1-877-722-5346.