Alors que certains observateurs, yeux au large, se réjouissent du passage régulier des dos blancs des bélugas et des dorsales noires des petits rorquals, les promeneurs se régalent de la présence des chiots (le nom donné aux bébés phoques) sur le rivage. En effet, la saison des naissances bat son plein chez les phoques communs!

Les femelles de cette espèce mettent bas entre mi-mai et mi-juin le long des côtes canadiennes et étasuniennes. Dès la naissance, le chiot, qui pèse déjà une dizaine de kilos, est capable de nager aux côtés de sa mère. Celle-ci allaite son bébé pendant 4 à 6 semaines. Ce doux moment de soin maternel est saisi au vol par une photographe basée à Baie-Sainte-Catherine, le 25 mai. « Ils étaient près du quai, sur les rochers. J’ai été très chanceuse de pouvoir les voir et les photographier de loin », confie-t-elle.

D’autres observateurs s’inquiètent de retrouver de jeunes phoques seuls. Pas d’inquiétude! Pour chasser plus facilement, les femelles phoques communs préfèrent laisser temporairement leurs petits sur la berge. C’est une période fragile pour les jeunes phoques communs, et il est important de leur laisser tout l’espace nécessaire pour se reposer sans stress. Si vous pensez qu’une action est requise, appelez la ligne Urgences Mammifères Marins (1 877 722-5346) .

Petits ou grands, des phoques, il y en a partout dans le Saint-Laurent. Et ils semblent profiter du soleil de printemps. Le 26 mai, on nous en signale une vingtaine, se reposant sur les roches entre Saint-Ulric et Matane. René Roy, lui, évoque un gros phoque gris, qui semble avoir élu domicile sur les rochers en face de chez lui, à Matane. Le 25 mai, une observatrice compte une dizaine de phoques communs à Pointe-Saint-Pierre et s’amuse à regarder un phoque solitaire avachi sur sa roche, entouré de canards, dans la Baie de Gaspé.

Les bélugas sont à l'heure pour l'apéro

Depuis l’île aux Lièvres, le photographe Eric Deschamps voit régulièrement passer beaucoup de bélugas, en troupeaux de dizaines d’individus, dans un ballet de va-et-vient. Plus au sud, à l’Isle-aux-Coudres, une observatrice confirme: « C’est toujours le même patron : on les voit monter à marée montante, puis repasser en direction inverse, aussi avec la marée. Certaines journées, il y a des groupes partout, à la largeur du fleuve, sur toute la longueur de l’île. Un vrai plaisir de les observer et de les entendre ventiler ».

Située entre ces deux îles, à Saint-Irénée, une riveraine s’émerveille de ces passages réguliers. « En ce moment, ils passent toujours entre 18h et 20h, pile à l’heure de l’apéro. On dirait qu’ils viennent nous saluer ». Dimanche 23 mai, ils sont un petit groupe, moins d’une dizaine. Même chose, mardi 25 mai. « Ils montent et descendent à la surface comme de beaux ballons blancs », lance-t-elle.

Le 23 mai en soirée, au large de Cap-de-Bon-Désir, un couple observe un dos blanc qui semble bien solitaire. « Les bélugas ne sont-ils pas sociaux ? » s’interrogent-ils. En fait, même si les bélugas sont des animaux possédant une vie sociale très riche et proche de la nôtre, il n’est pas rare d’observer des individus nageant seuls. Dans la dynamique de troupeau de type « fission-fusion » qui caractérise leurs regroupements, les bélugas passent régulièrement d’un groupe à un autre et, pendant ce déplacement, ils peuvent paraître solitaires. « Il y a aussi des individus qui, pour une raison ou pour une autre, sont clairement plus souvent seuls », précise Robert Michaud, directeur scientifique du GREMM. C’est par exemple le cas de Yogi, une femelle qui se tient rarement avec d’autres femelles, même lorsqu’elle est accompagnée d’un veau. Ou encore le cas de Néo, un béluga atteint d’une lordose assez prononcée.

D’ailleurs, notre observatrice de l’Isle-aux-Coudres signale avoir vu, le 24 mai, un béluga avec une forte déformation dans la partie postérieure du dos. « Il devrait être facile à reconnaître », suggère-t-elle. Pourtant, outre Néo, on compte un certain nombre de bélugas à la silhouette difforme : Scolio, Pascolio, Dimitri, etc. Ces déformations peuvent être d’origine traumatique, dues à des carences, ou sont congénitales – c’est à dire que le béluga est né avec une colonne vertébrale mal-formée.

Quelques rares dos sombres

Les petits rorquals continuent à être bien présents, probablement grâce à l’abondance de capelan près du rivage. Jacques Gélineau nous signale «  probablement une dizaine de petits rorquals » dans le coin de Sept-îles, « mais aucune grosse baleine ». Le 23 mai, un membre de l’équipe du GREMM repère un petit rorqual près de l’Anse à la Barque. Le lendemain, c’est plus loin dans le fjord du Saguenay qu’une riveraine est surprise par un petit dos noir.

Le seul gros souffle rapporté cette semaine provient des Bergeronnes, où, le 22 mai, notre ami photographe Renaud Pintiaux a eu le plaisir de repérer un rorqual commun, nageant dans une barre de courant. Il est très loin et, malheureusement, les photographies ne permettent pas l’identification de cet individu.

L’identification d’une observation fugace est toujours un défi. Le 21 mai, un officier du traversier aperçoit une forme sombre dans l’eau de la taille d’un béluga, près du quai de Saint-Joseph-de-la-Rive. La description ne permet pas de déterminer précisément de quelle espèce il s’agit. Peut-être un petit petit rorqual ? Un globicéphale égaré ? Même si certaines hypothèses paraissent plus probables que d’autres, cette vision restera sans doute un mystère. C’est aussi pour cette part de mystère qu’on apprécie tant l’observation des baleines !

 

Observations de la semaine - 27/5/2021

Laure Marandet

Laure Marandet est rédactrice pour le GREMM depuis l'hiver 2020. Persuadée que la conservation des espèces passe par une meilleure connaissance du grand public, elle pratique avec passion la vulgarisation scientifique depuis plus de 15 ans. Ses armes: une double formation de biologiste et de journaliste, une insatiable curiosité, un amour d'enfant pour le monde animal, et la patience nécessaire pour ciseler des textes à la fois clairs et précis.

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