On savait les baleines noires de l’Atlantique Nord de moins en moins nombreuses: l’espèce compte actuellement moins de 360 individus! On sait désormais qu’elles sont aussi de plus en plus petites. Les représentantes de cette espèce mesureraient en moyenne un mètre de moins qu’il y a quarante ans. Cette conclusion est issue d’une étude collaborative menée sur 129 baleines noires, incluant des données d’observations aériennes et d’autres photographies recueillies par la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), la Woods Hole Oceanographic Institution et le New England Aquarium.

Ainsi, entre 1981 et 2019, la taille moyenne de ces baleines aurait diminué en moyenne de 7%. Les résultats de cette étude sont inquiétants: certaines baleines noires âgées de 10 ans aujourd’hui font la même taille que des baleines âgées de 1 ou 2 ans dans les années 1980. Dans certains cas extrêmes, de jeunes baleines mesurent environ deux mètres de moins qu’attendu.

Les empêtrements pointés du doigt

D’après les auteurs, ce retard de croissance est attribuable aux empêtrements dans des engins de pêche, qui entrainent des dépenses énergétiques supplémentaires. Une étude sur les cicatrices présentes sur les baleines noires de l’Atlantique Nord a démontré que 86% des individus s’empêtrent au moins une fois dans leur vie.

Ces rencontres malheureuses se traduisent parfois par des décès. Mais, même dans les cas où cet incident ne les tue pas, il entraine des dépenses énergétiques supplémentaires qui nuisent à la croissance et au taux de reproduction. Cet épuisement affecterait également leur capacité à se débarrasser de leurs cordages, leurs facultés de guérison et, pour les femelles, la quantité et qualité de lait produit pour nourrir leurs petits.

D’ailleurs, les réductions de taille les plus importantes qui ont été observées lors de cette étude concernent les baleines ayant subi des empêtrements ou dont la mère était empêtrée lors de l’allaitement.

Légende: La photo ci-dessus compare les longueurs corporelles de baleines noires de l’Atlantique Nord, dont deux baleines particulièrement chétives nées en 2006 et 2011. Les lignes pointillées indiquent la longueur attendue des baleines noires au même âge si elles étaient nées en 1981, sans antécédents d’enchevêtrement, ou d’enchevêtrement de leur mère. La cicatrice d’un empêtrement est visible près de la queue de D, une baleine noire de 11 ans.

Conception de la figure par Madeline Wukusick. Les baleines ont été photographiées par avion et drone par John Durban, Holly Fearnbach, Michael Moore, Carolyn Miller, Wayne Perryman et Morgan Lynn, dans le cadre des permis de recherche NMFS #17355 et #21371.

 

«Mais les empêtrements n’expliquent cependant pas la totalité de la baisse de croissance, souligne la NOAA dans un communiqué. D’autres facteurs, tels que le bruit des navires et la diminution de la disponibilité des minuscules copépodes qui constituent leur principale proie, peuvent également contribuer à la dégradation de leur santé.» On peut même parler d’effets cumulés de ces différents facteurs. Une chose est sure: naitre et grandir dans les années 1980 était bien plus facile pour les baleines noires!

L’année dernière, une autre équipe de recherche avait déjà souligné la mauvaise condition corporelle des baleines noires de l’Atlantique Nord par rapport aux autres espèces de baleines noires. En clair, « nos » baleines noires, qui vivent le long des côtes est canadiennes et étasuniennes, possèdent un tour de taille bien inférieur à leurs cousins de l’hémisphère sud. Ces deux éléments combinés témoignent de la mauvaise santé générale de la population. De nombreuses mesures sont actuellement en place dans les eaux canadiennes pour limiter les empêtrements, mais la cohabitation entre baleines noires et industrie de la pêche reste un défi… de taille!

Actualité - 5/8/2021

Laure Marandet

Laure Marandet est rédactrice pour le GREMM depuis l'hiver 2020. Persuadée que la conservation des espèces passe par une meilleure connaissance du grand public, elle pratique avec passion la vulgarisation scientifique depuis plus de 15 ans. Ses armes: une double formation de biologiste et de journaliste, une insatiable curiosité, un amour d'enfant pour le monde animal, et la patience nécessaire pour ciseler des textes à la fois clairs et précis.

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