Du 15 au 19 octobre 2025 se tient à Tadoussac le 4e Congrès mondial sur les rorquals à bosse, sous le thème « Coexister avec les baleines, pour nos océans ». Sur place pour documenter les conférences et en apprendre davantage sur ces mysticètes friandes d’acrobaties, l’équipe de Baleines en direct vous rapportera chaque jour les dernières nouvelles dans cet article évolutif.

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Résumé des conférences

Comment pourrions-nous aller en mer et observer les cétacés différemment? C’est la question que se pose le directeur scientifique du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM), Robert Michaud, qui lance une discussion en ce début de congrès pour repenser la manière dont on fait les croisières aux baleines, malgré les retombées économiques et éducationnelles qu’elles peuvent procurer.

Les bélugas sont hautement protégés dans le Saint-Laurent, et notamment depuis 2017, année depuis laquelle on ne peut plus les observer en bateau. M. Michaud demande à la salle remplie de spécialistes si nous devrions traiter les rorquals à bosse, et les autres cétacés, comme les bélugas.

Il compare l’historique des bélugas dans nos eaux avec celui des rorquals à bosse. Les rorquals à bosse dans le Saint-Laurent y sont documentés depuis longtemps, Deux squelettes de cette espèce datant de l’époque de la mer de Champlain ont été retrouvés dans la région! Au XIXe et XXe, ces baleines étaient aussi visées par la chasse commerciale, principalement dans le golfe.

On ne sait pas si elles étaient encore présentes au milieu du XXe, faute de données, mais l’individu H007 (Siam), est le premier individu à avoir été observé en 1981, et reste l’un des plus fidèles, revenant quasiment chaque année! Au même moment, les excursions d’observations se développent avec la première croisière officielle en 1983. Onze compagnies sont implantées en 1988, et ce chiffre passe à 20 en 1993. Depuis 2010, le nombre d’excursions a néanmoins diminué passant de 13 000 à 5000 en 2017.

Cela fait plus de 40 ans que les excursions sont faites de la même façon, rappelle Robert Michaud, qui nous ramène au présent. Des comportements sociaux de ces animaux dont nous n’avons même pas connaissance sont peut-être affectés négativement par les bateaux, qui peuvent s’approcher jusqu’à 100 mètres dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent. Nous pouvons tous nous questionner sur comment améliorer et faire évoluer cette activité, afin que l’observation des cétacés ait un meilleur impact sur le public. Par dessus tout, il s’agit de mieux partager le Saint-Laurent, d’une manière plus respectueuse de ses premiers habitants. Pour cela, souligne M. Michaud, il nous faut « changer notre relation envers la nature ».

Charline Fisseau : L’observation des baleines comme vecteur de coexistence : enjeux socio-économiques et perspectives durables à La Réunion

Charline Fisseau, chargée de mission pour le Centre d’Étude et de Découverte des Tortues Marines (CEDTM) – situé sur la côte ouest de l’ile de la Réunion –, poursuit sur le thème des croisières aux baleines, une activité qui s’est développée récemment dans cette région. Son équipe documente les défis de cette activité touristique. Ils observent cinq espèces de cétacés différentes dans leur région, dont les rorquals à bosse qui se reproduisent entre juin et octobre. Le nombre d’individus de cette espèce a augmenté depuis 2017. Les pratiques de cette activité se sont diversifiées depuis le début des années 2000, passant de deux opérateurs en 2023 à 64 en 2024. Son équipe Quiétude du CEDTM patrouille les mers, sensibilise et améliore les connaissances des opérateurs des croisières. Selon des sondages faits auprès des opérateurs, ces derniers sont inquiets de l’augmentation du nombre de bateaux et des attentes des touristes. Ils sont aussi préoccupés par le potentiel de dérangement,  fortement sous-estimé selon eux, ainsi que le risque d’accident lors d’activités de nage avec les baleines.

Paul Camerin : Impacts des activités de tourisme baleinier sur le comportement des couples mère-baleineau de baleines à bosse de La Réunion

L’organisation non gouvernementale du GLOBICE a présenté la méthodologie de leur étude portant sur l’impact des excursions aux baleines sur la physiologie et les réactions des paires mère-veau. La zone d’étude, localisée sur la côte ouest de la Réunion, est une aire de reproduction et de mise bas pour les rorquals à bosse, ce qui en fait inévitablement un endroit important pour les veaux. Les excursions d’observation doivent donc respecter des règles strictes. Elles sont autorisées de 9h à 16h seulement, sauf pour les bateaux d’excursions sans émission de carbone qui peuvent être présents jusqu’à 18h. Les croisières sont interdites de 18h à 9h et seulement trois navires sont autorisés dans un rayon de  300 mètres de distance. Les activités de nage avec les baleines sont aussi de plus en plus populaires à cet endroit. Elles sont autorisées de 9h à 13h et sept nageurs ou nageuses maximum par bateau, incluant le moniteur.  

Les scientifiques ont déployé des drones pour obtenir des informations sur le comportement, la morphologie de la baleine ainsi que sur le contexte (présence de bateaux). Les données acoustiques furent récoltées grâce à un hydrophone SoundTrap 600STD attaché à une bouée. Le suivi focal fut quant à lui réalisé grâce à l’Application Behave App et une balise installée par succion sur la baleine permettait aux scientifiques d’obtenir des données de biologging telles que la profondeur, la température de l’eau, la vitesse de l’individu, etc. Seulement une paire a pu être observée pendant plus de 3 heures, ce qui ne permet pas de tirer de conclusions.

Lyne Morissette : Les baleines à bosse comme vecteurs d’empathie : des données probantes pour renforcer la conservation marine

Lyne Morissette souligne le rôle crucial que joue l’empathie et notre fascination pour les rorquals à bosse dans notre désir de protéger les cétacés. Dans une société où les humains sont déconnectés de la nature, les rorquals à bosse représentent un symbole d’espoir.  Cette espèce est revenue en nombre après avoir été au précipice de l’extinction.

Le paradoxe est le suivant: l’émotion et la proximité que nous ressentons face aux baleines contrastent fortement avec le fait qu’elles sont évolutionnairement très distantes de nous. Pourtant, ces animaux s’occupent de leur petit, développent des liens sur le long terme, sont en deuil et chantent…comme nous!

Moins de huit pour cent des océans sont protégés actuellement, nous rappelle Morissette. Les rorquals à bosse étant une espèce parapluie, les stratégies de conservation qui les concernent protègent leurs écosystèmes.

L’empathie n’est pas statique, elle se diffuse au travers des communautés et des continents! La science citoyenne, au travers des applications comme Happywhale ou la réalité virtuelle en sont des exemples notables. La cascade de l’empathie existe : 81% des personnes qui ont eu une expérience positive en nature démontrent un changement dans l’année qui suit.

Il faut avant tout développer des liens de confiance pour permettre une meilleure collaboration entre les acteurs et actrices du domaine de la conservation. Le changement nécessaire ne dépend pas seulement de données et de lois, mais de notre empathie. Lyne Morissette appelle à la reconnexion à travers nos émotions et nos sens : « Il faut retourner le cœur humain à la nature ».

Manon Riou : Coexister avec les géants : comment la crise des baleines franches a ouvert la voie à la recherche sur les baleines à bosse

Étudiante à la maîtrise à l’ISMER-UQAR, Manon Riou met en lumière les relations entre les pêcheurs, pêcheuses et les baleines noires de l’Atlantique Nord en Gaspésie. La collaboration entre les scientifiques et l’industrie de la pêche peut améliorer la coexistence avec les baleines noires de l’Atlantique Nord. L’arrivée en nombre de cette espèce dans le golfe du Saint-Laurent en 2017 a mené à la mort de 12 individus, dans un environnement dangereux et non préparé à leur venue.

Manon Riou revient sur le développement de pratiques de pêches plus durables. Les pêcheurs et pêcheuses ont été en discussion avec le Ministère des Pêches et des Océans (MPO) en ce qui concerne les protocoles de fermeture des zones de pêche. Bien qu’aucun individu de cette espèce ne fut observé de 2019 à 2024 dans la zone d’étude, l’équipe a enregistré 51 observations de rorquals à bosse, démontrant que c’est un endroit important comme arrêt migratoire et zone d’alimentation.

Alexandra Mayette : Une approche quantitative pour évaluer les risques liés à l’activité humaine et mieux éclairer les stratégies de coexistence avec les baleines

Alexandra Mayette de la Fédération Canadienne de la Faune poursuit sur le thème de la conservation en s’appuyant sur le cas des baleines noires de l’Atlantique Nord. Cette présentation souligne le besoin de créer un environnement qui soutient l’industrie des pêches tout en protégeant les espèces sauvages. Tout simplement, un environnement avec une forte présence de baleines noires de l’Atlantique Nord et une grande concentration d’engins de pêche présente un haut risque pour ces cétacés. On estime que la fermeture des pêcheries de crabe de neige lorsque des baleines noires sont détectées aurait mené à une diminution de 62% des risques d’empêtrements… un gain considérable pour la protection de cette espèce en voie de disparition! Outre les baleines noires de l’Atlantique Nord, la fermeture des pêches a aussi un impact positif sur les autres espèces, comme les rorquals à bosse, aussi à risque des empêtrements.

Les risques de collision sont aussi forts pour ces grandes baleines qui fréquentent régulièrement les milieux côtiers. Une vitesse en dessous de 10 nœuds réduit la probabilité de mortalité en cas de collision, hormis pour les grands navires, dont la vitesse ne permet pas d’empêcher le haut risque de létalité.

Alexandra Mayette conclut : « Les évaluations quantitatives constituent un outil pratique pour évaluer et suivre l’avancement des actions du plan de gestion. Elles contribuent à mieux comprendre la situation spatiale et temporelle du risque. » [traduction libre]

Maria Mason / Sheryl Kink : Coexistence plutôt que conflit : un exemple tiré de la pêche au crabe des neiges dans le golfe du Saint-Laurent qui montre comment les ONG peuvent contribuer à promouvoir la coexistence entre la pêche et les baleines.

Un chemin considérable a été fait dans le domaine des technologies pour mitiger les risques d’empêtrements chez les baleines noires depuis le début de l’évènement inhabituel de mortalité en 2017. Suivant le changement dans la répartition des baleines noires en 2017, le gouvernement canadien a mis en place des mesures de protection, qui ont tendu les relations entre l’industrie de la pêche, les organismes et le gouvernement canadien. Maria Mason du Fonds international pour la protection des animaux (IFAW) a présenté les enjeux, et avancées, autour de ces technologies et de l’industrie de la pêche. Les pêcheurs de crabe des neiges ont expérimenté de nouvelles technologies, dont les systèmes de cordage à la demande, des engins de pêche qui peuvent être remontés à la surface via un signal acoustique.

L’IFAW promouvoit aussi des échanges avec les pêcheurs et pêcheuses pour comprendre comment améliorer ces technologies et mitiger les risques. D’autres efforts comme commencer la saison de pêche plus tôt ou encore utiliser des Smart Buoys peuvent aussi être positifs. Ces bouées intelligentes permettent d’obtenir les informations et la localisation des engins de pêche en temps réel. C’est une technologie à coût réduit qui permet de mieux détecter les baleines empêtrées. Elles empêchent aussi les engins fantômes – des engins perdus – et le braconnage.

Maria Mason appuie l’importance d’écouter les pêcheurs pour trouver des solutions pour améliorer la coexistence avec ces géants des mers. Il est aussi important de soutenir les premiers adoptants de ce genre de système, qui peut intimider ou faire douter les potentiels utilisateurs et utilisatrices. Au début de la saison d’essai, seulement trois personnes étaient intéressées contre 28 à la fin de la saison!

Le premier pas vers la protection des baleines : « rencontrer des gens, identifier des objectifs communs et construire des relations ».

Liens utiles:

https://www.ifaw.org/ca-en/journal/new-initiative-protect-whales-support-fisheries-canada

Christina Perazio : Pour l’amour des baleines : un voyage de la science à l’éducation

Christina Perazio, de l’organisme Macuaticos en Colombie, a soutenu l’importance de la recherche dans l’engagement des communautés et des activités éducatives, qui peuvent mener à de réelles initiatives de conservation. Macuaticos se situe non loin d’une aire de reproduction pour les rorquals à bosse. L’organisation mène des activités pédagogiques, dont des activités de recyclage et de conservation – nettoyages des plages, diffusion de vidéos de drone partagée à la communauté – avec les enfants, pour éduquer la nouvelle génération.

L’équipe organise même des concours de dessins et d’écriture auprès des classes. Les jeunes gagnants et gagnantes peuvent venir à bord du bateau de recherche pour comprendre ce que les scientifiques font sur le terrain. Ils donnent aussi des classes d’anglais pendant lesquelles les enfants en apprennent plus sur les baleines. Christina a aussi créé un cours de psychologie à l’université de Buffalo intitulé « Whale-ology », qui permet à des étudiants de tous horizons d’en apprendre plus sur les baleines, leur donnant ainsi accès à des connaissances difficiles à obtenir dans leur contexte universitaire!

Maria-Vittoria Carminati : Perspectives génomiques pour la conservation des baleines : assemblage et annotation du génome du rorqual à bosse

Avocate reconvertie dans l’écologie et la génétique de la conservation, Maria-Vittoria Carminati s’est donné un défi colossal: trouver le génome de référence du rorqual à bosse.

L’échafaudage de génome, aussi appelé scaf- folding en anglais, est un processus long et complexe, qui permet de reconstruire un génome en entier à partir de morceaux, appelés contigs.

Un génome brouillon de rorqual à bosse, c’est un dire une ​​séquence génomique provisoire et incomplète, existait déjà. Avec des données de 2,27 Gigaoctet (Go) , il possédait de nombreux petits morceaux. À partir d’un veau décédé en 2013, le nouveau génome reconstruit par les nombreux collaborateurs de Maria-Vittoria Carminati possède des pièces jusqu’à 12 fois plus longues de génomes, donc plus précises – cela assure une meilleure continuité. Le nouveau génome de référence est de 2,49 Go. Ainsi, le nouveau génome de référence couvre pratiquement tout le génome du rorqual à bosse!

L’étude en question : Novel Megaptera novaeangliae (Humpback whale) haplotype chromosome-level reference genome

Auteur prolifique, communicateur scientifique, chercheur, conseiller en conservation, et bien plus, Erich Hoyt porte de nombreux chapeaux. Lors du congrès, il a présenté le concept des Zones importantes pour les mammifères marins (IMMA), définies comme : « des portions distinctes d’habitat, importantes pour les espèces de mammifères marins, qui ont le potentiel d’être délimitées et gérées à des fins de conservation .» [Traduction libre]

L’initiative des IMMAs remonte aux années 1990, alors que plusieurs spécialistes s’interrogeaient sur le fait que les aires marines protégées semblaient parfois répondre davantage à des intérêts politiques ou socio-économiques qu’à des critères scientifiques. Les IMMAs ont donc été conçues comme un outil de conservation rigoureux, fondé sur des données probantes et des critères de sélection définis par un réseau international d’experts et d’expertes.

Le processus de désignation d’une IMMA repose sur l’analyse scientifique, la revue par les pairs et la cartographie. Il commence par l’évaluation d’une région lors d’un atelier réunissant des spécialistes, puis se poursuit sur plusieurs mois. À ce jour, 79,2 % des eaux océaniques mondiales ont été évaluées à travers 11 ateliers régionaux, menant à la création de plus de 323 IMMA.

L’objectif des IMMA est de désigner des portions d’habitat importantes pour une ou plusieurs espèces marines et de constituer un outil pour contribuer aux politiques de gestion et de conservation, mais également à l’éducation ou à tout autre projet.

Durant sa présentation, Erich Hoyt a partagé plusieurs projets phares, des moments marquants et des exemples concrets de mise en œuvre des IMMA. Pour la suite, il souligne qu’il reste 20,8 % des océans à évaluer (principalement le Pacifique nord-est et l’Arctique), et que certaines régions déjà étudiées pourraient être réexaminées à la lumière de nouvelles données.

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Isabela Oliveira: Des baleines et des humains — Façonner une génération de scientifiques, d’observateurs et de défenseurs grâce au projet rorqual à bosse du Brésil

Isabela Oliveira a présenté l’histoire inspirante du projet Rorqual à bosse au Brésil (Projeto Baleia Jubarte), né en 1988 lors de la création du Parc national marin des Abrolhos. À cette époque, une petite population de rorquals à bosse fut découverte dans la région, marquant le point de départ d’un vaste effort de recherche et de conservation.
Les objectifs initiaux du projet étaient d’étudier et de protéger cette population de rorquals. Plus de trois décennies plus tard, ces efforts scientifiques se poursuivent, mais le projet s’est enrichi d’une dimension éducative et communautaire significative. À travers des initiatives comme le Festival des rorquals de Praia do Forte, la gestion de centres d’information, et l’accueil de stagiaires universitaires et d’élèves, le programme a contribué à former une nouvelle génération de citoyens, citoyennes et de scientifiques engagés.
Beaucoup de participants reviennent d’ailleurs au sein de l’organisation pour poursuivre leur implication, témoignant de la force du sentiment d’appartenance que le projet a su créer.

Isabela Oliveira termine sa présentation sur des mots percutants : « Conservation of whale is also made by people

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Serge Briez: Observations collectée par les citoyens

Serge Briez est venu présenter Les Peuples de la Mer, une association qui œuvre pour la protection de la biodiversité marine dans le Golfe du Lion, en Méditerranée. Le projet Point Zéro a mené des missions dans la région pour établir un état initial des écosystèmes avant l’installation de parcs éoliens flottants. Quatre ans du projet représentent plus de 13 797 kilomètres, 141 missions, 49 229 observations, 122 espèces et plus de 150 observateurs et observatrices volontaires!

Le projet a l’objectif de créer une communauté engagée où chacun et chacune contribue.

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Pierre Cauchy : Empreinte acoustique de la navigation dans la voie maritime du Saint-Laurent – Quantification, modélisation et solutions d’atténuation évaluées par l’observatoire MARS

L’importance du son pour les mammifères marins est bien connue, et a été relevée dans une présentation de Pierre Cauchy. Grâce à des stations d’écoute sous-marines, en collaboration avec Transports Canada et l’International Maritime Organization, une équipe a enregistré le paysage acoustique du Saint-Laurent. Les données récoltées permettent de mesurer entre autres l’empreinte acoustique des bateaux et de travailler avec les navigateurs dans l’objectif de mieux comprendre les impacts de ces sons sur la faune marine. Jusqu’à présent, il semblerait que le bruit sous-marin serait plus fort que dans les dernières décennies, pouvant avoir des impacts importants sur les espèces de mammifères marins qui communiquent avec une vaste gamme de fréquences.

Marion Poupard : Classification des unités vocales des rorquals à bosse de l’Atlantique Nord à l’aide de la surveillance acoustique passive et de l’apprentissage automatique

Les rorquals à bosse sont bien connus pour leurs vocalisations variées et leurs chants mélodieux. Une équipe de recherche dont fait partie Marion Poupard décortique les différentes parties de ces chants, dans l’objectif de construire un modèle permettant de classer les vocalisations. D’abord en collectant des données à travers l’Atlantique Nord, l’équipe utilise ensuite l’intelligence artificielle pour créer un modèle permettant de reconnaitre les types de vocalisations. Jusqu’à présent, 24 types de vocalisations ont été classifiés. À noter que les chants des rorquals à bosse évoluent et que de nouveaux émergent, démontrant bien l’apport de nouveaux individus dans les aires de reproduction!

Jérôme Couvat : utilisation d’un planeur pour étudier la présence acoustique des cétacés dans les zones reculées de la Martinique

En Martinique, 80% des données acoustiques proviennent d’un seul côté de l’ile, en raison des courants qui rendent difficile la prise de données. Une équipe dont fait partie Jérôme Couvat, responsable scientifique au Sanctuaire AGOA, a néanmoins tenté de capter des données du côté Atlantique, où l’on retrouve peu de trafic maritime. Un planeur muni d’une acousonde sous l’eau a permis de récolter 523 heures de sons! Malheureusement, des soucis avec le stockage des données ont réduit le nombre d’heures d’enregistrement, mais ont tout de même fait ressortir une donnée inattendue : les vocalisations d’une baleine à bec dont l’espèce reste pour le moment inconnue! Des sons d’autres espèces de baleines à bec, de cachalots et de dauphins ont aussi été captés.

Yann Doh : Description des phénomènes non linéaires dans les chants des rorquals à bosse et perspectives de recherche 

Est-ce que les variations dans les vocalisations des rorquals à bosse sont dues à leur anatomie ou sont-elles plutôt contrôlées par les individus eux-mêmes? C’est la question à laquelle l’équipe de Yann Doh, référent scientifique d’Abyss, a tenté de répondre. Des chants de rorquals à bosse captés en République dominicaine en 2024 ont été décortiqués et analysés par l’équipe, qui en ressort plusieurs aspects complexes, notamment au début des chants. La réponse à la question reste encore un mystère, mais leurs données donnent néanmoins la possibilité de reconnaitre acoustiquement les rorquals à bosse étudiés. Un beau complément à la photo-identification!

Lucas Bernier : Les sons de la mer des Caraïbes : documenter la migration des rorquals à bosse grâce à un programme collaboratif de surveillance à grande échelle entre les îles des Caraïbes

Dans les Caraïbes, la multitudes d’ile qu’on y retrouve collabore pour collecter des données sur la fréquentation des rorquals à bosse dans cette vaste région. Scientifiques, citoyens et citoyennes, tous et toutes y mettent du sien! Même si le taux de participation varie selon les iles, chacune fournit tout de même des données sur la dynamique temporelle des rorquals à bosse dans leur secteur. Selon la période et le lieu, les scientifiques de la Caribbean Cetacean Society dont fait partie Lucas Bernier peuvent avec ces données étudier les pics de fréquentation des rorquals à bosse à travers les Caraïbes. Jusqu’à maintenant, la science citoyenne reste la meilleure méthode de collecte! L’équipe espère une augmentation de cette participation citoyenne dans les années à venir. 

Louise Simon : Zones de reproduction à forte concentration pour les rorquals à bosse de l’Atlantique Nord : mise à jour 2025 de la baie de Samana et le banc de Navidad

À Samana Bay, en République dominicaine, une équipe de la Caribbean Cetacean Society étudie la fréquentation des rorquals à bosse. Par la photo-identification, des données GPS ainsi que des données sur les comportements des animaux, l’équipe, représentée au congrès par Louise Simon, souhaite déterminer le nombre d’individus dans les environs. L’implantation de protocoles de distance avec les baleines, entre autres, est souhaitée dans les prochaines étapes de ce projet. Dans la dernière année, 21 individus ont été identifiés à Samana Bay.

Ann Carole Vallejo : Répartition et présence des rorquals à bosse au cours de quatre étés australs, dans la mer de Ross, en Antarctique

Saviez-vous que l’océan Austral abrite près de 20% des baleines et des phoques du monde? Un programme de recherche s’est déployé en Antarctique, plus précisément dans la mer de Ross, une aire marine protégée de 2,09 millions de km2, dans l’objectif d’étudier la distribution et la fréquentation des rorquals à bosse. La variation environnementale de ce secteur – notamment le couvert de glace qui varie selon les mois – pourrait influencer la présence des rorquals à bosse, a avancé Ann Carole Vallejo, directrice exécutive et leader de recherche de R&E Ocean Community Conservation. Les relevés de leur équipe ont rapporté environ 17% de rorquals à bosse parmi toutes les espèces observées. La mer de Ross est la plus grande aire marine protégée du monde. 

Jo Marie Acebes : les rorquals à bosse dans le corridor marin de Babuyan, aux Philippines, une espèce importante mais non protégée

Dans le corridor marin de Babuyan, aux Philippines, se trouve une aire de reproduction de rorquals à bosse , dans laquelle des suivis sont effectués depuis 2000. L’équipe dont fait partie Jo Marie Acebes recense en moyenne 94 observations de rorquals à bosse par saison, pour 25 individus photo-identifiés. Plusieurs d’entre eux reviennent dans l’aire de reproduction année après année, si bien que le catalogue contient désormais 206 rorquals à bosse! Grâce à la plateforme de science citoyenne Happywhale, l’équipe a également pu découvrir que deux de leurs individus bien connus ont déjà été observés à Taiwan, de même qu’au Mexique!

Le corridor marin Babuyan n’est néanmoins pas une aire marine protégée et les baleines qui le fréquentent sont encore soumises à de nombreuses menaces, comme les collisions et les empêtrements. L’équipe de recherche souhaite donc se lancer dans un processus de création d’aire marine protégée pour préserver cette zone importante pour la population de rorquals à bosse.

Jodi Frediani: Quand les baleines viennent à notre rencontre – les rorquals à bosse soufflent des anneaux de « fumée »

Un rorqual à bosse s’approche d’un navire. Arrivé près de celui-ci, il crée des cercles de bulles parfaits qui remontent tranquillement à la surface. C’est le phénomène qu’a étudié Jodi Frediani, grâce à des séquences vidéos d’une douzaine de rencontres où les rorquals à bosse ont présenté ce comportement singulier. À chaque fois , l’animal semble s’approcher volontairement d’une embarcation ou de nageurs et relâche les cercles de bulles en leur présence. La chercheuse compare la forme aux anneaux de fumée que peuvent faire les fumeurs. 

Deux types de comportements utilisant des bulles sont déjà bien connus des scientifiques, l’alimentation par filets de bulles et les mâles en compétition. Plusieurs hypothèses ont été abordées pour tenter d’expliquer l’origine de ces comportements. Il s’agirait d’un comportement curieux, de repos et qui pourrait aider à la recherche de nourriture. L’hypothèse d’un comportement agressif a quant à elle été rejetée, car aucun des autres comportements normalement observés dans ces occasions n’était aperçu lors de la formation de filets de bulle. 

Jodi Frediani conclut que ce comportement reste très peu observé.  Elle nous encourage à reconnaitre notre ignorance actuelle et à continuer d’étudier ces cétacés qui restent bien mystérieux dans certains de leurs comportements.

Liens utiles :

La journée débute par un hommage à deux figures marquantes de la recherche sur les cétacés. En plus d’une présentation de leurs contributions à la recherche scientifique, à la conservation, et à l’environnement, plusieurs personnes ont été invitées à partager des anecdotes, qui auront donné droit à des moments émouvants et touchants.

Roger Payne

Tous ceux et celles qui travaillent en conservation avec les rorquals à bosse, même s’ils et elles ne connaissent pas Roger Payne, marchent sans doute dans ses traces. À la fin des années 1960, il fut parmi les premiers à découvrir les chants de rorquals à bosse. En 1971, un LP nommé Song of the whale est publié, il détient encore aujourd’hui le record de son de nature le plus vendu à travers le monde. Celui-ci changea notre perspective sur l’océan et inspira toute une génération. L’influence de Roger Payne sur la conservation, ses multiples expéditions, ses recherches sur la communication des baleines, sa défense de l’environnement, restera marquée dans la mémoire.

Oswaldo Vasquez

Un hommage a aussi été rendu au biologiste marin Oswaldo Vasquez, qui consacra une bonne partie de sa carrière à la conservation des baleines en République dominicaine. Après des études en Union soviétique et en Ukraine, il revient s’établir dans son pays d’origine où il travaille comme professeur. En 1986, il co-fonde le premier sanctuaire mondial pour les baleines dans la région de Banco de la Plata, qui depuis s’est agrandi pour englober d’autres régions. Dans la communauté, on se souvient de lui pour son rôle comme ami et mentor, mais aussi pour sa contribution à l’étude des mammifères marins et son implication dans une variété de projets. 

Lien utile : 

Philip Clapham est un biologiste marin qui travaille pour le Programme d’évaluation et d’écologie des cétacés du National Marine Mammal Laboratory à Seattle. Il célèbre ce que l’étude scientifique des mammifères marins, débuté dans les années 1980, est devenue. À cette époque, chaque découverte était une contribution à la science. Depuis, ce domaine s’est complexifié et est devenu multidisciplinaire. Il est revenu dans sa présentation sur la chasse aux rorquals à bosse au travers des millénaires et sur les menaces, présentes et futures, auxquelles ces baleines font face.

La chasse aux baleines, opportuniste il y a déjà 7000 ans, a pris de l’ampleur aux XVIIIe et XIXe siècles. Les bateaux en bois de l’époque, plus lents, chassaient les espèces plus lentes. L’arrivée du bateau à vapeur et du harpon à tête explosive ont ouvert une toute nouvelle ère pour les baleines : la mécanisation de la chasse commerciale, qui est devenue intensive.

Les eaux de l’Antarctique étaient alors un écosystème marin très productif. Lors d’un voyage en Géorgie du Sud en 1904, l’explorateur norvégien Carl Anton Larsen dira à propos des populations de baleines de la région : « Je les vois par centaines et par milliers » [traduction libre]. Cette population fut presque entièrement décimée. On suppose qu’entre 1904 et 1914, 21 894 rorquals à bosse ont été tués. Malgré l’arrêt de la chasse aux rorquals à bosse en 1963 dans l’hémisphère sud, les soviétiques ont mené une campagne de chasse intensive et illégale de 1948 jusqu’en 1970. 2,9 millions de baleines, dont 2 millions dans l’hémisphère sud, ont été chassées. Parmi ces millions, 250,000 rorquals à bosse, soit entre 95% et 96% de tous les rorquals à bosse de l’époque, ont été tués.

Le travail de multiples scientifiques a placé le rorqual à bosse en tant qu’icône du mouvement « Save the whales ». En 1985, le moratorium sur la chasse aux baleines fut mis en place avec quelques exceptions, dont la chasse scientifique. Néanmoins, les méthodes non-létales sont devenues le standard pour étudier les baleines. Espèce résiliente, 10 des 14 populations mondiales de rorquals à bosse ont été proposées pour être retirées de la liste des espèces en danger. Aujourd’hui, 50 000 individus nageraient dans les eaux du sud de l’Australie comparé à 1000 suite à la chasse intensive.

Pourtant cette espèce fait face à de nombreuses menaces :

  • Empêtrements : cette menace varie fortement selon l’endroit. Dans le golfe du Maine, 50% des individus ont déjà été empêtrés.
  • Pollution : marées noires, floraison d’algues toxiques, contaminants
  • Pollution sonore sous-marine : En plus du fait que 96% du commerce mondial est transporté par navire, il y a un chevauchement entre la distribution des espèces de cétacés et les routes maritimes.
  • Collisions : source majeure de mortalité
  • Effets du changement climatique, dont le réchauffement des eaux, l’acidification des océans, la fonte des glaces en Arctique et le changement de distribution de leurs proies. La réduction des proies disponibles diminue le taux de reproduction et augmente la mortalité juvénile. La vague de chaleur dans le Pacifique Nord entre 2014 et 2016 aurait tué 7000 individus du fait de la baisse de productivité. La circulation méridienne de retournement de l’Atlantique est aussi en train de ralentir, et mènerait potentiellement à un petit âge glaciaire.

Depuis 200 000 ans, les rorquals à bosse sont dans l’Atlantique Nord, et depuis 900 000 ans dans l’hémisphère sud. Cette espèce se reproduit bien, a une longue espérance de vie et possède une alimentation flexible. Néanmoins, malgré sa résilience, Phil Clapham prédit de gros changements dans les populations de cette espèce d’ici les prochaines décennies, ou siècles. « On ne peut pas sauver la planète entière, mais il est plus important que jamais de continuer le travail sur une échelle locale, termine-t-il, afin que chacun d’entre nous puisse rendre son coin du monde meilleur ». [Traduction libre]

Un rorqual à bosse aurait parcouru près de 13 000 km en 2022 , passant de la Colombie jusqu’en Tanzanie. Comment le savons-nous? Grâce à la plateforme Happywhale! Le fondateur de cette plateforme, Ted Cheeseman, a commencé cette troisième journée de congrès en force, avec une présentation abordant la large distribution et les déplacements impressionnants effectués par les rorquals à bosse.

Ayant photo-identifié sa première baleine il y a une vingtaine d’années, Ted Cheeseman souhaitait partager davantage d’histoires de baleines qui voyagent et reviennent année après année dans les mêmes lieux. Happywhale, fondé en 2015, répond désormais à cette demande! Il suffit de prendre l’animal en photo, puis de soumettre une image sur la plateforme, qui nous suggère ensuite un possible match. Du Pacifique Nord en passant par l’Antarctique et l’Atlantique, Happywhale regroupe désormais des photos de cétacés de pratiquement partout à travers le monde. Non seulement des rorquals à bosse, mais aussi des épaulards, certaines espèces de dauphins, etc. Éventuellement, même des baleines grises – plus difficiles à identifier en raison de leur absence de nageoire dorsale – pourraient faire partie du jeu de données!

Ted Cheeseman reste toutefois prudent envers les modèles d’intelligence artificielle (IA) : « Soyez le pilote, et non le conducteur quand vous utilisez l’IA » [Traduction libre]. Il est important que les humains restent impliqués dans la boucle quand vient le temps de faire de la photo-identification, et qu’ils continuent d’exercer leur jugement critique, sans tenir pour acquis ce que leur présente les modèles, ajoute-t-il.

Fran, une femelle rorqual à bosse bien connue par la communauté a fait la première page d’un journal en 2022, ayant été tristement heurtée par un navire. Ted Cheeseman raconte que la communauté scientifique connaissait cet individu depuis sa naissance, ainsi que sa mère, de même que sa descendance. Le fait de connaitre les histoires des individus rattache les gens à ces animaux, et permet de conclure sur des notes positives dans le cas du baleineau orphelin de Fran, qui a été revu dans les années qui ont suivi grâce à Happywhale!

Ted Cheeseman termine sa présentation en parlant de l’importante vague de chaleur qui a déferlé en 2013 dans l’océan Pacifique, ayant causé la mort et diminué le taux de survie de plusieurs mammifères marins durant cette période. De nombreuses mères rorquals à bosse faisaient partie de ces baleines disparues, et n’ont été revues nulle part ailleurs. La plateforme Happywhale reste un outil pertinent dans des cas comme celui-ci pour mieux comprendre et suivre les déplacements des rorquals à bosse dans un contexte de changements environnementaux profonds.

Katharine Hart : Répartition spatiale, abondance et modèles d’occurrence des rorquals à bosse sur le banc Turks, îles Turques-et-Caïques

Katharine Hart est venue tout droit des iles Turques-et-Caïques (TCI) situées dans le sud-est des Bahamas pour présenter les projets du Marine Environmental Institute of the TCI (MEITI) sur les rorquals à bosse, mené depuis 2022. Il y a de nombreux enjeux de cohabitation avec l’industrie d’observation des baleines dans la région, explique Katharine Hart. Il n’y a pas de réglementation sur l’observation pour le moment, seul un code de conduite volontaire, sans compter que les activités de nage avec les baleines sont aussi de plus en plus populaires. La conduite de recherches scientifiques est donc d’autant plus importante!

Jusqu’à tout récemment, il n’y avait pas de suivi scientifique mis en place dans cette région, seulement des données collectées sporadiquement. L’équipe de recherche a étudié les schémas de migration des baleines dans cette région, leurs comportements, leur temps de résidence, en plus de les photo-identifier.

Au cours de quatre saisons, l’équipe a observé 276 groupes de rorquals à bosse, comptabilisant 574 individus. La photo-identification des rorquals à bosse représente plusieurs défis particuliers à la région étant donné la profondeur de l’eau très faible. Les baleines plongent très rarement! Il leur a donc fallu être novateurs pour faire de la photo-identification, grâce à la photo-id sous marine par exemple. Les groupes de baleines étudiés ont été divisés selon leurs types d’interactions : mère et veau, couples d’adultes, solitaires, mère, veau et escorte (parfois les escortes sont très différentes à travers la semaine), chanteurs, groupes compétitifs. Les travaux ont aussi démontré que le temps de résidence varie entre 1 et 50 jours dans la région, les paires mères-veaux y passant le plus de temps.

Dr. Sheila D. Thornton : Évaluation de la parenté des baleines à bosse en quête de nourriture dans les eaux du Pacifique Nord-Est : une approche génomique complète

Dr. Sheila D. Thornton du MPO a partagé les résultats de son analyse de biopsies de rorquals à bosse provenant des populations d’Hawaï et du Mexique – deux aires de reproduction – et qui viennent s’alimenter en Colombie-Britannique. Son objectif est de percevoir si ces populations se mélangent génétiquement. Il serait pertinent de savoir d’où viennent les rorquals à bosse qui s’alimentent dans le Pacifique nord-ouest, car différentes populations sont sujets à différentes menaces. Les résultats pourraient alors aider à améliorer les enjeux de gestion de conservation. (Fun fact: Le génome du rorqual à bosse contient 44 chromosomes et 2,48 milliards de paires de bases!)

Les 217 échantillons, récoltés au cours de trois ans à partir d’arbalètes modifiées, ont révélées les informations suivantes :

  • En étudiant les lignées maternelles, il existerait 4 haplotypes dans ces régions du Pacifique : A- ; A+ ; E1 et F2.
  • En Amérique du Sud, on observe une absence de l’haplotype A, qui est de plus en plus présent lorsqu’on remonte au Nord. 80% des rorquals de Colombie-Britannique présentent cet haplotype.
  • Contrairement aux épaulards (transients, hauturiers, résidents du Sud et du Nord, etc.), les rorquals à bosse ne présentent pas de génomes différents selon leurs populations.
  • 6 échantillons provenaient de baleines ayant été dans les deux régions de reproduction!
  • Deux paires mère-veau d’Hawaï étaient génétiquement proches de rorquals à bosse du Mexique.
  • Du flux génétique existe : Certains individus de ces deux populations sont étroitement liés génétiquement.
    • Ce sont surtout les rorquals à bosse mâles qui voyagent entre ces deux régions de reproduction.

Grâce à l’utilisation de l’application Happywhale dans l’étude, Sheila Thornton a remarqué que :

  • 11784 rorquals à bosse fréquentaient seulement les eaux d’Hawaï, et 9831 se rendait seulement qu’au Mexique
    • 457 mâles ont été trouvés dans les deux régions
    • 6 femelles ont été vues dans les deux aires de reproductions (soient 0,02%)
  • Le rorqual Garuda, observé en 1990 au Mexique, n’a pas été revu avant 2020… à Hawaï! En 2022, l’individu fut revu en Russie avec un veau!

Finalement, Sheila Thornton nous laisse avec cette question : Sachant que les mâles chantent pendant la période de reproduction, un individu qui provient d’une certaine population réussira-t-il à se reproduire dans une autre population, qui est pour sa part exposée à une toute autre version de la chanson ?

Michaela Alksne : Un modèle intégré de distribution des espèces de rorqual à bosse dans l’écosystème actuel de Californie

Michaela Alksne du SCRIPPS Institution of Oceanography à l’Université de San Diego construit un modèle basé sur les données visuelles, l’acoustique et l’ADN environnemental. La collaboration de spécialistes multidisciplinaires est essentielle à ce travail, soutient-elle. Elle a récolté les données visuelles et acoustiques sur les mammifères marins que récolte l’organisme de recherche CalCOFI depuis 2004 jusqu’à 2025. Elle y ajoute des données d’ADN environnemental récoltées entre 2023 et 2025.

Il y a plus de détection acoustique et visuelle de cette espèce dans la région. Malgré le déclin des sardines, les anchois, l’une des proies de prédilection des rorquals à bosse, sont aussi en augmentation et cette proie est un facteur environnemental important à prendre en compte! Les densités de rorquals à bosse semblent augmenter dans le courant de Californie sur le long terme. Les résultats des données indiquent que les individus se retrouvent plus proches des côtes durant leur migration hivernale au sud, alors qu’ils sont plus au large lorsqu’ils sont en direction de leur aires d’alimentation.

Ce suivi écosystémique à long terme permet de comprendre les facteurs qui façonnent les changements et variations de cette population pour atténuer les impacts humains. Ce modèle d’envergure révèle l’utilité de l’ADN environnemental pour détecter les rorquals à bosse.

Michaela Alknse soutient que « la surveillance à long-terme des écosystèmes est importante pour comprendre les facteurs qui façonnent la biogéographie et la phénologie animales et atténuer les impacts humains ». « Les modèles de distribution des espèces sont des outils importants car ils permettent de prédire où et quand les espèces vont être présentes, » rappelle Michaela Alksne. Ces résultats sont d’autant plus pertinents pour la gestion de conservation puisqu’ils complètent les données que récolte la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) en été et en automne.

Marianne McNamara : Changements en cours et anormaux dans l’est de la baie de New York (États-Unis) : comparaison de l’augmentation spectaculaire du nombre de baleines à bosse et de leur temps de résidence en 2024 avec les quinze années précédentes, avec une mise à jour à partir de 2025

Marianne McNamara du Coastal Research & Education Society of Long Island, Inc. (CRESLI), a présenté les changements perçus dans la présence de rorquals à bosse dans la baie de New York. Son équipe a basé cette analyse à partir des données d’observations depuis 2009 des bateaux d’excursions aux baleines à partir de Montauk. Cette région, située au sud du golfe du Maine, une aire d’alimentation importante, a subi de nombreux changements en termes de fréquentation de cétacés. Les bénévoles présents sur les bateaux ont aidé à récolter des données telles que la température de surface de l’eau, les coordonnées GPS, les densités des proies et leur distribution, des données comportementales, les associations mère-veau ou encore les techniques d’alimentation effectuées par les rorquals. Additionnellement, l’équipe a fait de la photo-identification lors de chaque rencontre.

En 2024, le CRESLI a identifié 123 individus, soit 3 fois plus que d’habitude. Ces individus étaient fréquemment observés en train de s’alimenter. Marianne McNamara précise que l’équipe est sortie deux fois plus que l’année d’avant, soit 4 fois par semaines au lieu de deux. En 2023 c’était 47 rorquals à bosse qui étaient ont visité les eaux de cette région. En incluant ce biais, elle distingue tout de même une augmentation d’un tier de rorquals à bosse! Comment expliquer ce changement ?

Depuis 2017, le CRESLI remarque une augmentation du nombre de rorquals à bosse le long de l’ile de Long Island. La population de cette espèce est en augmentation à travers le monde. L’ Alose tyran – ou Menhaden de l’Atlantique – est aussi très présent depuis 2016 dans cette région. Marianne McNamara explique que les rorquals à bosse juvéniles s’en nourrissent proche des côtes, des zones inaccessibles aux adultes étant donné la faible profondeur. Ces derniers sont d’ailleurs plus individualistes. Au large, l’équipe a observé des grosses agrégations de cette espèce dans une zone de 150 kilomètres carrés, de 2 à 3 douzaines! Le lançon est aussi en grande abondance du fait d’un apport en eaux froides provenant du courant du Labrador en 2023.

Cette année, la quantité de rorquals à bosse est revenue à la normale, avec 45 individus identifiés.

Au niveau du temps de résidence de ces individus, les rorquals à bosse qui ont visité ces eaux entre 2018 et 2023 restaient environ 16,6 jours. Ces individus ne semblaient pas se nourrir, mais plutôt se déplacer, indiquant une probable absence de proies. En 2024, ce chiffre est monté à 37,9 jours! En 2025, l’équipe a constaté le plus court temps de résidence depuis 2018 : 12,8 jours!

Le CRESLI a aussi fait de l’appariement entre leurs catalogue et celui du golfe du Maine. En 2022, ils ont eu 90,3% de matchs, et 88,1% en 2024. Ils concluent qu’ils ont donc de plus en plus de baleines, mais que ces baleines ne sont pas de nouveaux individus. Au contraire, elles sont bien connues des catalogues existants. Cette année, l’analyse n’est pas encore terminée mais l’équipe a déjà matché 80,5% des baleines observées, sachant que beaucoup de veaux ont été observés, et ne sont donc pas encore connus. Marianne McNamara conclut que la baie de New York est un lieu important d’alimentation, et que de plus en plus de rorquals à bosse viennent s’y alimenter.

Marie Lou Bontemps : Réduire les collisions entre navires et grands cétacés en Polynésie française : une approche multipartite pour la réduction des risques et la gestion à long terme

L’association Oceania, située en Polynésie française, a comme objectif « d’étudier et de protéger les cétacés au sein du sanctuaire polynésien. » Leurs projets s’orientent autour de quatre axes : l’étude scientifique, la conservation, l’éducation et la formation. Pour protéger les 24 espèces de cétacés qui fréquentent la région, un sanctuaire marin de la taille de l’Europe a été créé en 2002. Un grand trafic maritime circule dans ces eaux, particulièrement entre Tahiti et Moorea, un corridor stratégique pour les bateaux de passagers et de transports. Pour mitiger les collisions, Marie Lou Bontemps a présenté les projets OceanWatch et OceanIA. 

OceanWatch a comme objectif d’augmenter les connaissances sur les cétacés en Polynésie. Depuis huit ans, l’équipe fait le suivi de la présence de rorqual à bosse entre Tahiti et Moorea. De 2018 à 2024, des suivis automatisés grâce à l’utilisation de caméras et l’intelligence artificielle (Ocean IA) ont quant à eux permis de recenser 892 quasi-accidents. Des zones à hauts risques, où les probabilités de collisions sont plus élevées, ont pu être déterminées, tandis que l’utilisation d’Ocean IA constitue un outil intéressant pour la prise de décision autant par les capitaines sur l’eau que par les gestionnaires d’espaces naturels.

Lien utile : Projet Ocean IA

Chloe Robinson : Un système d’alerte pour les baleines : une solution en temps réel pour prévenir les collisions avec les navires

Dans les deux dernières décennies, le trafic maritime a augmenté de 300%. Qu’est-ce que cela signifie? Plus de bateaux qui transitent dans les océans et plus de chances de collisions avec les mammifères marins. Sur la côte de la Colombie-Britannique, dans le secteur de Victoria, il y a beaucoup de chevauchements entre les trajets des traversiers et les endroits fréquentés par les rorquals à bosse. Pas plus tard que le mois dernier, un individu nommé “Midnight” a été tué en raison d’une collision. 

La nuit, ou par une météo difficile, il n’est pas évident de repérer les baleines, une étape importante pour minimiser les risques. C’est là qu’intervient The whale report alert system (WRAS). Il s’agit d’une application « conçue pour protéger les baleines des collisions avec les navires et des perturbations en alertant les marins de leur présence en temps réel. Le WRAS reçoit des données en temps réel provenant d’une multitude de plateformes de détection des baleines et diffuse ces informations aux marins de plusieurs manières conviviales. » 95% des observations qu’ils reçoivent en temps réel se retrouvent sur l’application en moins de deux minutes, un délai qui permet aux navigateurs de prendre des mesures pour atténuer les incidents. 

Lien utile : Whale Report Alert System (WRAS), Ocean Wise

Zachary Hoffman: Évaluation du rôle de la profondeur de la colonne d’eau et de la taille corporelle dans le risque de collision entre les rorquals à bosse et les navires lors de leur remontée à la surface 

Les modèles de risque de collision avec des navires sont des outils utiles, mais nécessitent des paramètres difficiles à obtenir, explique Zachary Hoffman, étudiant au Thorne Lab. Souvent, les modélisateurs doivent faire des hypothèses non réalistes. Dans le cas des rorquals à bosse, les juvéniles ont une plus petite taille et donc une surface de collision réduite par rapport aux adultes. Cependant, ils remontent plus fréquemment à la surface pour respirer et sont donc plus sujets à risque de collision. À l’inverse, les grands individus ont moins souvent besoin de venir respirer à la surface, mais leur taille imposante les rend davantage sujets aux collisions. Prendre en compte les sites de fréquentation des rorquals à bosse selon la profondeur de l’eau et la taille des animaux est donc essentiel pour mieux comprendre, et anticiper, les risques de collisions auxquels ils sont exposés.

Chelsi Napoli: Modélisation des tendances spatio-temporelles de la mortalité des baleines à bosse due aux collisions avec des navires de transport de marchandises sur la côte est des États-Unis

Depuis 2016, le gouvernement des États-Unis a déclaré un événement de mortalité inhabituel des rorquals à bosse sur la côte Atlantique, du Maine jusqu’en Floride. D’après les nécropsies réalisées sur près de la moitié des carcasses, 45% des baleines seraient mortes suite à une interaction humaine, soit d’une collision avec un navire ou d’un empêtrement. Chelsi Napoli du Thorne Lab est venue présenter son projet de recherche, qui a comme objectif  d’utiliser les données recueillies en mer comme indicateurs pour évaluer les risques de collision. Le modèle intègre aussi des notions d’espace et de temps afin de déterminer des zones à haut risque de collision, en utilisant des données récoltées entre 2009 et 2024. Les résultats indiquent une augmentation dans le temps du risque de collision, qui est par ailleurs plus élevé dans les ports de New York et du New Jersey.

Marine mammal advisory group (MMAG)

Une centaine de traversées et de courses de voiliers ont lieu chaque année à travers le monde, traversant l’habitat essentiel de plusieurs espèces de mammifères marins. Le Marine mammal advisory group regroupe plusieurs organismes souhaitant collaborer pour minimiser les risques de collisions causées par la voile et la navigation de plaisance. C’est l’absence de rapports et de données concernant cet enjeu important pour la survie des mammifères marins qui a poussé ces organismes à s’allier, en 2023. Jusqu’à présent, certaines régates de voiliers ont trouvé comme solution, afin de nuire le moins possible aux baleines lors de leurs traversées des océans, de débuter et terminer les courses au large, et non près du rivage. L’achalandage de voiliers dans les zones hautement fréquentées par les baleines est donc contrôlé et dilué dans le temps!

Anastasia Kunz : Protéger les baleines bleues et le ciel bleu en Californie

Anastasia Kunz, de la California National Marine Sanctuaries Foundation, a présenter un programme basé sur le volontariat et l’impact de ces mesures sur la conservation des baleines. Les eaux de la côte ouest de cet état représentent un habitat de haute densité pour les rorquals bleus, rorquals communs et les rorquals à bosse, mais aussi une zone de fort trafic maritime. Ces deux facteurs impliquent inévitablement un haut risque de collisions.

Depuis 2007, la NOAA a demandé la mise en place de mesures de réduction de vitesse du 1er mai au 31 décembre. La fondation effectue des surveillances aériennes depuis 2016 au-dessus des voies maritimes pour compter les cétacés. On remarque alors une « très mauvaise conformité lorsqu’on demande aux navires de ralentir » [Traduction libre].

L’organisme crée un programme volontaire, « Blue whales, blue skies » (BWBS) pour encourager la réduction de vitesse. Le respect des règles est mauvais dans les premières années mais depuis 2017, on observe une augmentation de la conformité des volontaires. Comment encourager les entreprises à se conformer ? Le programme est basé sur la sensibilisation et l’encouragement plutôt que sur du pointage de doigt, explique Anastasia Kunz. La fondation vérifie le nombre de déplacements à grande vitesse des entreprises candidates au programme puis calculent la réduction des risques de collision avec les navires, des avantages en termes de bruit et d’émissions atmosphériques. Elle met en place des cérémonies de remise de prix.

Les résultats de la saison 2024 sont les suivants :

  • Réduction du risque mortel de collision avec les navires de 50,1 %
  • Avantages liés au bruit sous-marin : réduction du niveau de pression acoustique de 48% – ou 4,1 décibels – le long de la côte californienne.
  • Avantages en termes de réduction des émissions :
    • 1 405 tonnes d’oxydes d’azote (NOx)
    • 33 tonnes d’oxydes de soufre (SOx)
    • 8,4 tonnes de diesel DPM Près de 50 000 tonnes d’émissions de gaz à effet de serre

Le programme volontaire BWBS est évolutif et utilise la vérification des performances et des campagnes de reconnaissance positives pour améliorer la conservation dans les eaux marines de Californie. En 2024, 49 compagnies maritimes étaient inscrites et le programme a mené à une vitesse réduite sur plus de 425 000 milles nautiques! Sachant qu’un haut nombre de rorquals à bosse a visité le chenal de Santa Barbara en décembre 2024, ce programme donne d’excellents résultats. Un projet de loi d’État a été adopté pour étendre le BWBS à l’ensemble de l’État de Californie.

Jackie Hildering : Vous voyez un souffle ? Allez doucement ! Leçons apprises pour la sécurité des baleines et des plaisanciers.

Jackie Hildering du Marine Education and Research Society (MERS) termine cette session sur les enjeux des collisions en Colombie-Britannique. La dernière station baleinière de Colombie-Britannique a fermé ses portes en 1967, et depuis, les rorquals à bosse ont connu un retour remarquable, notamment au large du nord-est de l’île de Vancouver, où le nombre d’observations est passé de sept en 2003 à 119 en 2024. Contrairement aux épaulards, les rorquals à bosse passent plus de temps au large, se déplacent de manière imprévisible et se reposent ou se nourrissent souvent juste sous la surface, ce qui rend leur présence facilement ignorée par les humains et les rend vulnérables aux collisions.

Face à l’augmentation de l’activité des cétacés dans les eaux de Colombie-Britannique, une campagne de sensibilisation a été lancée en 2014 afin de combler les lacunes dans les connaissances des navigateurs et navigatrices, de réduire les perturbations humaines, d’encourager le signalement des incidents et d’améliorer les interventions en cas d’empêtrements. La réglementation concernant les mammifères marins a été mise à jour en 2018, passant d’une simple règle de « ne pas déranger les mammifères marins » à un règlements complexes comme des limites de distance détaillées par espèce, l’interdiction de nourrir ou de piéger les espèces, et l’obligation de signaler tout contact accidentel.

La campagne « See a Blow? Go Slow ! » favorise l’utilisation d’outils de sensibilisation comme les drapeaux d’avertissement de baleines et les zones de ralentissement. Pour évaluer l’efficacité de la campagne, près de 4 000 plaisanciers de la Colombie-Britannique ont été interrogés lors d’un sondage. La moitié des répondants ne connaissaient pas les distances d’approche appropriées. Cependant, 66 % avaient entendu parler de la campagne, 90 % la jugeaient utile, et les plaisanciers plus expérimentés, utilisant de plus petites embarcations, avaient tendance à adopter des pratiques plus sécuritaires. L’influence sociale positive encourageait également à se tenir à une plus grande distance des baleines.

Ces résultats ont été partagés avec le gouvernement et les gestionnaires des pêches afin d’éclairer les mises à jour réglementaires et d’identifier les publics prioritaires pour les futures campagnes de sensibilisation.

Retrouvez la formation de 90 minutes en ligne : Whale safe boating course

Joy Reidenberg (École de médecine Icahn du Centre d’anatomie et de morphologie fonctionnelle du Mont Sinaï, New York, États-Unis)

La Dr. Joy Reidenberg étudie l’anatomie comparée du système respiratoire des humains et des rorquals à bosse. Depuis des années, elle s’intéresse à la production et à la transmission des sons chez les rorquals à bosse. Elle se pose plusieurs questions: Comment les baleines utilisent-elles un système respiratoire semblable aux humains mais qui fonctionne sous l’eau ? On observe régulièrement les rorquals à bosse positionnant leur tête en bas lorsqu’ils produisent des sons afin d’avoir une diffusion latérale de leurs vocalises. Les sons proviennent-ils de la gorge de la baleine ou de leur région nasale ? Comment les baleines à fanons produisent-elles des sons? Pour répondre à ces questions, il faut aller à la source et faire une nécropsie! Elle utilise les outils tranchants confisqués aux baleiniers pour obtenir des spécimens. On la voit sur une vidéo documentaire, en train de découper un carcasse pour atteindre la boîte vocale de l’animal.

Dr. Joy Reidenberg travaille sur le larynx des baleines, elle mentionne à quel point il est compliqué d’entreposer sa collection à New York… elle montre une photo d’un spécimen qui mesure 3,6 mètres! De plus, le sac laryngé est un organe aussi grand chez cette espèce qu’un poumon de petit rorqual ! Les échantillons sont de qualité variable, car certains animaux ont été heurtés par un navire ou se sont échoués.

L’homologue des cordes vocales chez le rorqual est le « U-fold », un organe en U qui ressemble un peu à l’os de souhait d’un poulet, la facula. Ce pli en U est positionné à presque 90 degrés. Il n’obstrue pas le flux d’air entre le nez et les poumons, mais plutôt entre le sac laryngé et les poumons. Le sac laryngé stocke de l’air lorsque la baleine prend un inspiration. Imaginez que ce sac laryngé est une cornemuse, on le remplit d’air, et le sonneur peut faire différents sons selon comment il contrôle la sortie de l’air entreposé. C’est plus ou moins la même chose ici, sauf que la baleine n’a pas besoin de remplir à nouveau son sac laryngé avec de l’air extérieur. Au contraire, ce qui est incroyable, c’est que cet air peut-être recyclé dans les deux sens à partir des poumons!

Le pli en U est soutenu par deux cartilages aryténoïdes appariés. Les deux « bras » de cet organe entrent en contact et régulent l’espace et le flux d’air entrant et sortant du sac laryngé : les bords vibrent et produisent les sons! La surface intérieure du larynx n’est pas lisse mais présente des plis qui canalisent l’air vers un espace étroit, comme un goulot. Les tissus des parois du pharynx nasal (sac de tissus mous) peuvent également vibrer dorsalement. Ce serait pour ça que certains sons semblent provenir par l’évent des rorquals!

Yann Doh dans son article, Study of Non-Linearities in Humpback Whale Song Units, explique : « Au repos, […] le larynx est totalement scellé grâce à la fermeture […] des deux cartilages aryténoïdes symétriques qui s’appuient hermétiquement l’un contre l’autre. Les cartilages aryténoïdes peuvent être relevés dorsalement, où ils entrent en contact avec un épais coussin de tissu adipeux appelé coussin (ou coussin cricoïde), situé dans la ligne médiane sur la surface ventrale du cartilage cricoïde. La pression des aryténoïdes contre ce coussin renforce l’étanchéité. Ensuite, lorsque la baleine veut émettre une vocalisation, elle rompt l’étanchéité en ouvrant les deux cartilages et en abaissant l’aryténoïde ou en tendant le coussin à l’aide d’un muscle (musculus pulvini) qui le tire vers le crâne tout en l’aplatissant. La paire d’aryténoïdes régule l’espace qui relie la trachée au sac laryngé (situé sur la face ventrale du larynx). Les aryténoïdes écartés permettent à l’air de circuler entre les poumons et le sac laryngé et, en passant sur les cartilages aryténoïdes, font vibrer les membranes qui les recouvrent. » [Traduction libre]

En fonction de la position du pli en U et du coussin, l’air pénètre dans différentes parties du larynx, produisant des sons différents. En incluant les découvertes de Elemans et al., Dr. Joy Reidenberg suggère que cinq différentes parties de cet organe peuvent produire des sons différents – pulsés, tonaux ou bruyants – selon les parties qu’ils activent et possiblement en même temps! C’est ce qu’on appelle la diplophonie. Par exemple, les cartilages corniculés possèdent des longs lambeaux de peaux qui sembleraient pouvoir se frapper ensemble et produire des sons.

Le sac est entouré d’une grande quantité de muscles. Les sacs laryngés des mâles sont presque deux fois plus grands que ceux des femelles. De plus, ils sont entourés de plus de muscles, ce qui suggère un grand contrôle. Ce dimorphisme sexuel reflète bien l’idée que ce sont principalement les mâles qui chantent et vocalisent.

Dr. Reidenberg a observé des différences entre les espèces de cétacés à fanons. Il y a d’abord des différences dans la longueur et l’épaisseur des plis de la peau qui recouvre l’intérieur du larynx. Ensuite, les baleines franches et les baleines boréales n’ont pas beaucoup de volume dans cet organes en comparaison avec les rorquals, mais les muscles qui entourent le larynx sont très épais !

Liens utiles

Pour voir un larynx de baleine en action : Sketch Fab

La Dr. Reidenberg en action avec un larynx de rorqual commun

Un schéma qui illustre le coussin cricoïde et le sac laryngé

Cetacean adaptations with Dr. Joy Reidenberg

Gen Nakamura. Dimorphisme sexuel du sac laryngé chez le petit rorqual

Joy Gaylinn Reidenberg. Understanding the intentional acoustic behavior of humpback whales: A production-based approach

Valentina Melica : Les analyses d’isotopes stables révèlent des variations individuelles et régionales dans le régime alimentaire et la niche écologique des rorquals à bosse dans les eaux du Pacifique Nord-Est

Une équipe du Marine Mammal Conservation Physiology Lab, qui travaille avec Pêches et Océans Canada, a récemment étudié le régime alimentaire des rorquals à bosse nageant dans le secteur de l’ile de Vancouver. La grande fidélité des individus à cette zone a entre autres influencé le choix du lieu d’étude. En analysant la variabilité isotopique des rorquals à bosse, c’est-à-dire la présence de différentes formes d’un même atome de carbone, d’oxygène, de soufre ou même d’azote chez les individus, l’équipe a pu déterminer les variations dans la diète selon le secteur.

Les résultats démontrent qu’effectivement, les rorquals à bosse autour de l’ile  ne consomment pas la même chose selon le secteur! De moins en moins de carbone et d’azote auraient également été décelés plus la saison d’alimentation avance, mais la raison reste pour le moment hypothétique, et pourrait être liée à une variabilité au niveau des individus. Les prochaines étapes de leur projet sont d’incorporer les proies dans les données pour mieux comprendre ce réseau alimentaire complexe, et de mieux évaluer les proportions de chacune dans la diète.

Felicia Vachon : Apprenez à connaitre vos voisins : fidélité à petite échelle des rorquals à bosse (Megaptera novaeangliae) dans leurs zones d’alimentation en Colombie-Britannique

Une équipe du MERS a présenté des résultats préliminaires concernant la fidélité alimentaire des rorquals à bosse en Colombie-Britannique, qui détient un taux de retour des rorquals à bosse très important. En compilant 70 000 observations de 3752 individus sur 40 ans, l’équipe a été en mesure d’établir huit zones principales d’alimentation. Elle a également pu souligner que la fidélité à certains sites et pour certains individus est très élevée – et ne dépend pas du sexe des animaux -, alors que d’autres lieux ne sont pas régulièrement fréquentés. Cela soulève toutefois un point : si les efforts de recherche sont moins importants dans ces zones moins fréquentées, il est possible que des individus ne soient pas pris en compte dans les données. La science citoyenne et la collaboration entre les groupes de recherche du secteur ont entre autres permis d’arriver à ces résultats préliminaires.

Timothée Perrero : Visiteurs à résidents : la tête du chenal Laurentien dans l’estuaire du Saint-Laurent (ESL) comme nouveau site d’alimentation pour les rorquals à bosse?

L’équipe du GREMM étudie depuis plus de 40 ans les grands rorquals qui fréquentent la tête du chenal Laurentien, dans le fleuve Saint-Laurent, notamment les rorquals à bosse. Grâce au bateau de recherche ou d’excursion, les grands rorquals sont photo-identifiés, par appareil photo et tout récemment par drone. Selon le responsable du Projet Grands Rorquals, Timothée Perrero, c’est après 2018 que l’équipe a commencé à voir régulièrement plus de 10 individus par saison. En 1981, seulement un individu fréquentait le secteur! Après 2021, une année de haute fréquentation, le nombre d’individus a commencé à décroitre, et à faire davantage d’aller-retours dans la zone d’alimentation au cours d’une saison. Le nombre de résidents saisonniers et de paires mère-veau a néanmoins augmenté depuis quelques années.

L’équipe du GREMM souligne en terminant qu’il est important de prendre en compte le temps que les individus passent dans un secteur avant de conclure sur l’état de la population à la tête du chenal Laurentien.

Steve Ferguson : Quantification du comportement de surface des baleines de l’Arctique et de l’Atlantique Nord à l’aide de la télémétrie par satellite

Comment étudier les baleines alors qu’elles passent la majorité de leur temps sous l’eau? Grâce à la télémétrie! Des balises ont été posées sur certains individus présents en Arctique et dans les eaux de l’Atlantique Nord par une équipe dont fait partie Steve Ferguson, de Pêches et Océans Canada. Elles ont permis d’obtenir des données sur le temps de plongée et la profondeur de cinq espèces : baleine à bec commune, cachalot, rorqual commun, épaulard et rorquals à bosse. Le rorqual à bosse serait l’espèce qui passe le plus de temps en surface, selon les résultats obtenus jusqu’à présent. L’équipe va continuer de monitorer ces espèces dans le futur pour compiler d’autres résultats permettant de mieux comprendre les comportements de plongées de ces mammifères marins.

Andrew Stevenson : Cicatrices d’accouchement chez les rorquals à bosse femelles (Megaptera novaeangliae) dans l’Atlantique Nord

Des équipes du Turk and Caicos Island Whale Projet et de Whales Bermuda étudient ensemble un phénomène bien étonnant : la présence de cicatrices chez les femelles, qui seraient liées à la naissance. Situées sur le dos des nouvelles mamans, du côté droit, ces cicatrices seraient causées par le frottement du dos de la femelle sur les récifs coralliens. Les femelles en train de mettre bas utiliseraient donc non seulement les eaux chaudes du sud pour mettre bas parce qu’elles sont sécuritaires, mais aussi parce qu’elles peuvent utiliser directement certains éléments pour mettre bas! Les cicatrices ressemblent à des cratères, mais peuvent aussi être blanches dans certains cas. Est-ce un comportement culturel uniquement présent dans l’Atlantique Nord? Difficile à dire! L’équipe est à la recherche d’autres observations de ces marques particulières pour tenter de mieux comprendre le phénomène.

Charlotte Esposito: Surveillance des rorquals à bosse dans le sanctuaire polynésien : un programme de photo-identification à long terme 

Basé dans le sanctuaire polynésien,  l’organisme Oceania procède au suivi des rorquals à bosse grâce à la photo-identification. Lors de sa présentation, Charlotte Esposito a souligné l’importance des échanges avec la communauté locale dans la conduite de ce type de recherche. La population de rorquals à bosse de Polynésie française est estimée de 1097 individus à plus de 3000 selon les études.

Les données proviennent de sources multiples et datent d’entre 2003 et 2025. Depuis 2005, c’est plus de 842 individus qui ont été identifiés. En outre, les rorquals à bosse sont présents dans 65 iles et atolls à travers les cinq archipels de ce territoire. Un de leurs objectifs serait d’élargir la zone d’étude afin de mieux représenter la population dans l’ensemble du sanctuaire polynésien.

Lien utile : 

Pour en savoir plus sur l’organisme Oceania

Tanya Lubansky: Les données issues de la photo-identification à long terme d’observations opportunistes révèlent l’évolution des préférences en matière d’habitat des baleines à bosse (Megaptera novaeangliae) dans le golfe du Maine

Tanya Lubansky était présente lors du congrès pour partager les données de Allied Whale>, le laboratoire de recherche du College of the Atlantic, qui mène depuis plusieurs décennies un programme de photo-identification des rorquals à bosse dans le golfe du Maine.

Pour réaliser la prise de données, ce laboratoire du College of the Atlantic a un partenariat avec une compagnie de croisière, qui lui permet de collecter des données précieuses malgré des ressources limitées.

Historiquement, les observations de rorquals à bosse se concentraient dans trois zones principales. Or, les relevés récents montrent que les baleines fréquentent désormais de nouveaux secteurs du golfe. Selon Tanya Lubansky, ce déplacement serait lié à la répartition changeante des proies, elle-même influencée par les conditions physiques comme la température de l’eau, plutôt qu’à une modification des préférences des animaux.

Lien utile : 

https://www.coa.edu/allied-whale/ 

Maria Isabel Gonçalves: Les conditions environnementales des zones d’alimentation influencent les fluctuations interannuelles et le succès reproductif des baleines à bosse dans une zone de reproduction au large du Brésil.

Entre juin et octobre, les rorquals à bosse fréquentent les eaux de la Serra Grande, au nord-est du Brésil. À partir de six années de données d’observation, la chercheuse Maria Isabel Gonçalves a analysé la présence et les comportements de l’espèce dans cette zone de reproduction. Au total, 649 groupes et plus de 1 520 individus ont été observés.

Les résultats montrent une variabilité annuelle : 2021 a enregistré le plus faible nombre d’individus, tandis que 2022 a vu le taux de natalité le plus élevé. En 2023, la proportion d’adultes observés a atteint un sommet. L’étude met également en évidence une corrélation entre la température de l’eau et la présence des baleines, soulignant l’importance des conditions environnementales dans la répartition de l’espèce.

Lien utile :

Exploring habitat use and movement patterns of humpback whales in a reoccupation area off Brazil : A comparison with the Abrolhos Bank

Actualité - 7/10/2025

Équipe Baleines en direct

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