Avec le grand dégel, la barrière écologique des glaces est rompue. Ce parasite, présent dans les fèces de chats, circule dans la mer de Beaufort. Il représente un risque de sécurité alimentaire pour les Inuits.

Pour la première fois, des scientifiques de la Marine Mammal Unit de l’University of British Columbia (UBC) ont découvert un parasite terrestre chez les bélugas vivant dans l’ouest de l’Arctique, le Toxoplasma gondii, que l’on trouve habituellement dans les fèces de chat. Ils ont communiqué les résultats de leurs recherches lors de la rencontre annuelle 2014 de l’American Association for the Advancement of Science (AAAS).

Libre circulation

Très peu de chats vivant dans les régions arctiques, ces chercheurs attribuent la présence de ce parasite chez les bélugas à la fonte importante des glaces de ces dernières années, qu’ils qualifient de grand dégel créé par les changements climatiques. Le couvert de glace constitue une barrière naturelle qui séquestre les pathogènes des écosystèmes marins polaires. Sa disparition favorise la circulation des pathogènes entre les régions froides et plus chaudes, qui trouvent ainsi de nouveaux hôtes.

Ces chercheurs travaillent en collaboration avec les chasseurs inuits depuis quatorze ans pour collecter et analyser des échantillons de bélugas de la mer de Beaufort. Ils ont aussitôt diffusé un appel à la prudence pour sa consommation et des consignes sanitaires. Ces communautés pratiquent toujours une chasse traditionnelle de subsistance et mettent à leur menu la viande de béluga, qui peut être mangée crue ou séchée. Les Inuits sont autant préoccupés par la santé de leurs communautés que par celles des bélugas qui occupent une place importante dans leurs ressources et dans leur patrimoine culturel et spirituel. D’après les analyses, 10 % des bélugas seraient porteurs du parasite sans présenter de symptômes.

Un parasite très répandu

Le parasite peut provoquer la toxoplasmose chez les humains, une maladie qui reste le plus souvent sans symptôme et sans gravité. Des complications infectieuses plus graves peuvent toucher les personnes dont le système immunitaire est affaibli. Le parasite est également inquiétant pour les femmes enceintes qui n’ont jamais contracté la maladie: il peut causer des avortements spontanés ou des malformations. De plus, les fœtus contaminés pendant la grossesse ne développent parfois la maladie qu’à la naissance, à l’adolescence ou à l’âge adulte, ce qui peut conduire notamment à la cécité. Le risque est écarté par la cuisson des aliments, l’ébullition de l’eau contaminée par des excréments de chats et un lavage soigneux des mains susceptibles d’avoir été en contact avec le parasite. On estime que 30 % de la population humaine mondiale est porteuse de ce parasite à l’état dormant.

Les chercheurs de l’UBC avaient déjà communiqué en 2012 les résultats de leurs recherches menées pendant les années précédentes sur 5 000 carcasses de mammifères marins du Pacifique du Nord-Ouest. Diverses espèces de phoques et baleines étaient porteurs de pathogènes terrestres (microbes, virus, champignons, parasites) dont le Toxoplasma gondii. Ils estiment que 60 % des mammifères marins dans le monde sont affectés par ces pathogènes, et que les changements climatiques modifiant le milieu marin favorisent leur propagation.

Sources:

Sur le site de l’University of British Columbia (en anglais seulement):
Cat parasite found in western Arctic Beluga deemed infectious

Pour en savoir plus:

Nous avons aimé REGARDER :
Sur le site de Maxisciences Gentside (vidéo de 4 mn 33 s, en anglais sous-titré en français):
The Big Thaw. Beluga, Arctic parasites and climate change
Sur le site Guardian (en anglais seulement):
Public health warning as cat parasite spreads to Arctic beluga whales

Sur le site de Baleines en direct
Des germes pathogènes terrestres infectent les mammifères marins (archives des Actualités d’ici et d’ailleurs)
Les humains peuvent-ils transmettre des maladies aux mammifères marins? (La parole aux chercheurs)
Est-ce que les mammifères marins peuvent attraper nos maladies ? (Question du public)
Le béluga

Actualité - 13/3/2014

Christine Gilliet

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