L’Arctique est en pleine transformation. La fonte de la banquise donne accès à de nouvelles routes maritimes et ouvre la porte à une augmentation des activités humaines dans la région. Comment minimiser les conséquences sur la plus grande agrégation estivale de bélugas du monde, située dans la partie ouest de la baie d’Hudson? Des chercheurs ont suivi neuf bélugas à l’aide d’émetteurs satellites, afin de visualiser comment leur habitat et les routes maritimes se chevauchent.

Selon le rapport international SWIPASnow, Water, Ice, and Permafrost in the Arctic (en français « Neige, eau, glace et pergélisol dans l’Arctique »), publié en 2017, l’océan Arctique sera en grande partie libre de glaces pendant l’été d’ici 2030, ou même plus tôt. Dans la baie d’Hudson, la période libre de glaces a augmenté d’un peu plus d’une journée par année en moyenne depuis les années 1980.

Des milliers de bélugas (environ 50 000, selon le dernier relevé datant de 2015) passent l’été dans la partie ouest de la baie d’Hudson, principalement dans les estuaires des fleuves Churchill, Nelson et Seal. Cette région a conséquemment été désignée comme une zone d’importance écologique et biologique (ZIEB). Les recensements suggèrent que la population de bélugas de l’ouest de la baie d’Hudson est actuellement stable, mais la fonte de la banquise risque d’avoir des conséquences sur cette population, en influençant la disponibilité des proies et l’intensité du trafic maritime. Des études ont démontré que les bélugas réagissent à la présence de bateaux en modifiant leur comportement, tels leur trajectoire de nage et les sons qu’ils émettent. La pollution sonore peut réduire la période et l’efficacité de l’alimentation et masquer la communication entre individus. L’exposition chronique aux sons d’origine humaine pourrait même forcer des populations de mammifères marins à abandonner des habitats.

Pour estimer et cartographier l’habitat utilisé par les bélugas dans cette région, des chercheurs du Washington State University et de Pêches et Océans Canada ont attaché des émetteurs satellites à neuf bélugas et ils ont suivi leurs déplacements entre juillet et octobre 2015. Ils ont superposé cette carte à la carte du trafic maritime durant cette même période.

L’étude démontre qu’actuellement, les bélugas de l’ouest de la baie d’Hudson sont minimalement exposés au trafic maritime, car l’intensité du trafic y est encore faible. Il se concentre principalement le long de routes spécifiques qui convergent vers les ports de Churchill et d’Arviat. Les endroits où le risque de rencontre entre bélugas et navires est le plus élevé se situent actuellement autour de ces deux ports et sur la route qui connecte ces derniers.

Avec l’augmentation prévue du trafic maritime dans la région, ces zones de cohabitation entre bateaux et bélugas pourraient bientôt devenir plus intensément naviguées. « Des mesures ciblées visant à réduire les risques de collision et de dérangement dans ces zones devraient être mises en place pour minimiser les impacts potentiels sur la population », estiment les chercheurs. Bien des mesures de protection sont possibles : réduction de la vitesse des navires, exclusion volontaire ou interdiction de la navigation dans certaines zones, déplacement des routes maritimes, etc.

Des modèles de simulation ont été développés au cours des dernières années pour tester les effets de différentes mesures de protection sur les risques de collision et de dérangement des baleines dans le Saint-Laurent. De tels modèles pourraient-ils être utilisés dans l’Arctique pour évaluer les effets des projets de développement prévus et des éventuelles mesures de protection?

Actualité - 15/7/2018

Béatrice Riché

Après plusieurs années à l’étranger, à travailler sur la conservation des ressources naturelles, les espèces en péril et les changements climatiques, Béatrice Riché est de retour sur les rives du Saint-Laurent, qu’elle arpente tous les jours. Rédactrice pour le GREMM de 2016 à 2018, elle écrit des histoires de baleines, inspirée par tout ce qui se passe ici et ailleurs.

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