La mer autour de nous, publié en 1951, a récemment fait l’objet d’une réédition qui nous permet de redécouvrir toute sa pertinence. Grâce à ses qualités encyclopédiques, son style maitrisé et la passion contagieuse de son autrice, cet ouvrage qui mélange récit et vulgarisation scientifique est encore d’actualité aujourd’hui.

«Dire ce qu'on a toujours voulu savoir sur l'océan»

Rachel Carson a d’abord poursuivi des ambitions littéraires, avant de se diriger vers le domaine de la biologie marine. Elle a écrit plusieurs ouvrages de vulgarisation scientifique, dans lesquels ses objets d’étude deviennent les protagonistes d’histoires qui semblent plus grandes que nature, bien qu’elles s’appuient toujours sur des faits scientifiques.

Le projet qui a motivé l’écriture de La mer autour de nous en est un d’envergure: «dire tout ce qu’on a toujours voulu savoir sur l’océan». Les 14 chapitres qui le composent peuvent se lire de façon indépendante, chacun d’eux donnant à voir une nouvelle facette de la mer — une zone géographique, une découverte scientifique, une ère géologique. On devine derrière chacun de ces chapitres un processus de recherche exhaustif: Carson a consulté une multitude d’océanographes et d’experts afin d’être au fait des plus récentes découvertes scientifiques.

Raconter la mer

Puisque La mer autour de nous a été écrit en 1950, certaines des informations qui y sont relatées ont depuis été rectifiées ou bonifiées. Carson nous offre une fenêtre sur le monde de la recherche scientifique d’alors, nous permettant ainsi de constater à quel point il a évolué (et évolue toujours) à une vitesse fulgurante. Dix ans après sa publication, l’écrivaine publie déjà une version révisée de son ouvrage. En fait, malgré ses qualités encyclopédiques, la valeur de La mer autour de nous réside surtout dans sa forme, dans la capacité de son autrice à donner vie à son sujet grâce à une plume aiguisée, trace de ses premières ambitions littéraires.

Après avoir dédié presque une vie entière à son étude, Rachel Carson aime l’océan. Cet amour transparait dans son écriture et contamine celui ou celle qui la lit.

Elle n’omet d’ailleurs pas les menaces — surtout d’origine humaine — qui pèsent sur l’écosystème marin. Selon elle, l’Homme a voulu conquérir des iles sur lesquelles il n’avait jamais mis pied, ou consommer massivement des ressources limitées, modifiant ainsi trop rapidement l’équilibre précaire de la biodiversité marine. Mais Rachel Carson ne s’inquiète pas du sort de la mer. Elle en souligne plutôt le caractère immuable, qui contraste avec la fragilité de la vie qui en est provenue.

« Il est étrange de penser que la vie a surgi de la mer, et que la mer est désormais menacée par l’une des formes de cette vie. Mais la mer, même si elle est entrainée dans une évolution désastreuse, continuera à exister; la menace porte plutôt sur la vie elle-même.» (Carson, p.26)

 

Comprendre pour aimer

Cette attention aux formes de vie les plus fragiles la suivra tout au long de sa carrière. Avec son livre Printemps silencieux, qui traite des effets néfastes des pesticides sur l’environnement, elle devient l’une des pionnières du mouvement écologiste. C’est en se souciant profondément des sujets, personnes ou objets qu’elle vulgarise que Rachel Carson arrive à leur rendre justice. Ainsi, La mer autour de nous constitue non seulement un hommage à la mer, mais aussi à ceux et à celles qui tentent de mieux la comprendre, malgré l’étendue de ses mystères.

Pourquoi (re)lire cet ouvrage près de 70 ans plus tard, alors? Pour aller au-delà de la beauté de la mer et plonger dans ses secrets encore trop bien gardés.

«Finalement, l’homme a, lui aussi, retrouvé le chemin de la mer. […] Alors, ce qui ne lui arrive jamais à terre, il apprend et comprend que son monde est avant tout un monde d’eau, un globe dominé par son manteau marin, où les continents ne sont que des accidents temporaires à la surface de cette mer qui nous entoure.» (Carson, p.41)

Actualité - 9/7/2020

Gabrielle Morin

Gabrielle Morin s’est jointe à l’équipe de Baleines en direct à l’hiver 2020 en tant que stagiaire. Étudiante en littérature, elle s’implique dans le milieu littéraire de la ville de Québec et écrit à temps perdu. Son amour des baleines est né sur les berges de l’estuaire du Saint-Laurent et l’a poursuivie jusqu’à Lévis. Depuis, elle le nourrit grâce à la lecture d’ouvrages scientifiques et à des expéditions estivales. Elle croit que sa passion de la littérature et des mammifères marins naissent d’une même volonté: capturer, et surtout partager son émerveillement.

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