Article modifié le 23/09

Cette année encore,  le secteur de la baie Sainte-Marguerite est reste fermé à la navigation. Seuls les kayaks, les canots et les embarcations de pêcheurs récréatifs ont bénéficié d’une permission spéciale pour traverser la zone en longeant le rivage. Mais quelle est la raison de cette fermeture?, s’interrogent parfois les visiteurs.

Assurer un espace de tranquillité aux bélugas

Cette mesure de protection vise à diminuer les dérangements causés aux bélugas du Saint-Laurent, et plus particulièrement aux adultes accompagnés de jeunes, qui représentent plus de 90% des bélugas fréquentant ce secteur précis du fjord du Saguenay, selon les données de leur suivi effectuées par Parcs Canada.

Puisque le nombre de bateaux qui y transitent est bien moins important que dans la portion de l’estuaire du Saint-Laurent comprise dans le parc marin, le fjord du Saguenay constitue un refuge acoustique pour les bélugas. Selon une étude débutée en 2018 par l’Université du Québec en Outaouais en collaboration avec le Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM), plus de la moitié des bélugas du Saint-Laurent fréquenteraient le fjord du Saguenay. Chez les femelles, cette proportion monte à deux tiers.

Comme les bélugas chassent et s’orientent en utilisant l’écholocalisation, et que  les sons constituent un élément indispensable à leur  communication, une forte présence de bruits peut s’avérer particulièrement dommageable pour eux. D’où l’importance de protéger les refuges acoustiques qu’il leur reste et d’y surveiller les niveaux de bruits.

À cet effet, la chercheuse Valeria Vergara et son équipe se sont penchées sur les niveaux de bruit enregistrés dans la baie Sainte-Marguerite en 2017 et en 2018, soit un an avant la mise en place de cette fermeture estivale et lors de l’année de son instauration. Les résultats surprennent. En fait, les niveaux de bruits enregistrés ne présentent pas de différences significatives avant et après la mise en place de la règlementation, ce qui s’expliquerait par la topographie du site. Le Saguenay est assez étroit, et le son voyage particulièrement bien dans l’eau (cinq fois plus rapidement que dans l’air!); c’est probablement pour cette raison que les niveaux de bruit enregistrés dans la baie sont à peu près les mêmes, que les bateaux passent à l’intérieur de la baie elle-même ou en face, pense la chercheuse.

[Ajout au 23/09] Faut-il en déduire que la fermeture de la baie Sainte-Marguerite est inutile? Du côté de Parcs Canada, on estime que «seul un suivi à long terme du bruit sous-marin dans le secteur pourra éclairer de manière précise les gains que représentent cette mesure pour le paysage sonore».

L’organisme rappelle aussi que «même si la mesure est entrée en vigueur en 2018, un effort accru de patrouilles et de sensibilisation sur l’eau avait été entamé dès 2017. Le changement de comportement le plus important de la part des bateaux de plaisance dans ce secteur a été détecté entre 2016 et 2017. »

Le bruit, mais pas seulement

Le simple fait que des embarcations – aussi silencieuses soient-elles – se trouvent en présence de bélugas, constitue un dérangement important, et donc une source de stress potentielle. Ainsi, même si les chiffres sur les années 2017 et 2018 ne semblent pas significatifs, le dérangement occasionné par la simple présence d’embarcations serait éradiqué dans ce secteur, dans le cas où l’interdiction de navigation serait parfaitement respectée.

De plus, la fermeture intégrale de la baie Sainte-Marguerite à la navigation n’est pas la seule mesure en place dans le secteur pour réduire les dérangements subis par les bélugas. Il est interdit de s’arrêter dans la zone qui fait face à la baie, et fortement recommandé de naviguer à une vitesse comprise entre cinq et dix nœuds marins, de manière à réduire l’intensité du bruit produit par l’embarcation en déplacement. En effet, plus un bateau se déplace lentement, moins il est bruyant. Selon plusieurs chercheurs, dont Valeria Vergara, le respect de cette mesure permettrait de réduire considérablement le dérangement par le bruit causé aux bélugas. Son équipe et elle sont allées sur le terrain cet été pour récolter de nouvelles données acoustiques.

De moins en moins de contrevenants

La mesure d’exclusion temporaire de la baie Sainte-Marguerite semble de mieux en mieux suivie. Selon les données récoltées par des observateurs de Parcs Canada, la durée pendant laquelle des bateaux de plaisance se retrouvent dans la Baie Sainte-Marguerite a diminué d’un peu plus de la moitié depuis l’année de sa mise en place, passant de 12% à 5,8%. En 2016, au moment où les premières actions de sensibilisation ont débuté, les bateaux de plaisance étaient présents 42% du temps dans la zone fermée.

L’utilisation du corridor par les kayaks, canots et barques de pêcheurs est également de mieux en mieux respectée, ce qui contribue à réduire les rencontres fortuites avec des bélugas et, par la même occasion, les risques de dérangement. Des analyses sont en cours pour évaluer le niveau de respect des recommandations de vitesse dans le secteur qui fait face à la baie. Espérons que ces chiffres s’amélioreront encore cette année!

Les baleines en questions - 9/9/2021

Florence Amégan

Florence Amégan est répondante au centre d’appels pour Urgences mammifères marins et rédactrice pour Baleines en direct depuis l’été 2020. Diplômée au programme Sciences, lettres et arts, elle est fascinée depuis qu’elle est haute comme trois pommes par les interactions qu’ont les baleines, tant entre elles qu’avec leur milieu.

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