Blanchon (DL0169)

Béluga

ligne décoration

Adopté par Yolande Simard Perrault

  • Numéro d’identification

    DL0169

  • Sexe

    Femelle

  • Naissance

    Avant 1965

  • Connu depuis

    1977

Ses traits distinctifs

Blanchon est facilement reconnaissable avec sa profonde cicatrice irrégulière dans la crête dorsale qui descend sur les deux flancs.

Son histoire

L’équipe de Leone Pippard a photographié Blanchon pour la première fois en 1977. Déjà toute blanche à l’époque, sa naissance remonte au moins à 1965 ou même plus loin. En effet, le changement de couleur chez les bélugas, soit le passage du gris au blanc, survient entre l’âge de 12 à 16 ans.

Sa taille et ses fréquentations nous laissent croire que Blanchon est une femelle de la communauté du Saguenay. Le doute sera levé en 2001 avec les résultats de l’analyse génétique d’une biopsie, un tout petit morceau de peau prélevé sur son dos. Cette analyse révéla les secrets de sa généalogie.

Dans l’aire de répartition estivale, les femelles forment de grandes communautés dans lesquelles elles s’occupent des nouveau-nés et des jeunes. Ces communautés, en partie formées de lignées matriarcales, sont attachées à des territoires traditionnels et il y a peu d’échanges entre elles. On compte parmi ces compagnes habituelles, Slash, Élizabeth, DL0030 et DL1757.

L’histoire de Blanchon revêt une importance toute particulière. Avec Slash, morte en 2013, elles sont les deux plus vieilles femelles connues de notre album de famille. Merci au travail de notre prédécesseur et pionnière Leone Pippard. La suite de l’histoire de Blanchon nous aidera à mieux comprendre la vie sociale et reproductive des bélugas. C’est en comprenant comment vivent les bélugas que nous serons en mesure de mieux les protéger.

Observée régulièrement avec...

Historique des observations dans l’estuaire

1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020

Années pendant lesquelles l’animal n’a pas été observé Années pendant lesquelles l’animal a été observé

Dernières nouvelles

Installée sur le belvédère La Halte du Béluga du parc national du Fjord-du-Saguenay, l’assistante de recherche du GREMM patiente dans l’espoir que des bélugas viennent socialiser dans la baie Sainte-Marguerite. Les recensements effectués par Parcs Canada ont montré que les bélugas sont présents dans cette baie 66 % du temps durant l’été. Malgré les petites vagues, elle repère rapidement un groupe d’une dizaine d’individus qui s’approchent. Des adultes, des gris et des nouveau-nés nagent ensemble. Parmi eux se trouvent Néo, facilement reconnaissable par son dos crochu. Puis, quelques minutes plus tard, c’est la grande balafre de Blanchon qui apparait. Néo et Blanchon sont deux habitués du Saguenay. Toutefois, Néo est un mâle. Rendus adultes, les mâles ne passent plus leurs étés avec les femelles et les jeunes. Est-ce à cause de sa déformation que Néo se joint à Blanchon et les autres femelles ? C’est possible. Soudain, les bélugas se mettent à plonger, leurs corps n’en formant qu’un tellement ils nagent rapprocher. À quoi jouent-ils ? Ou tentent-ils de se nourrir ? Les vagues empêchent de bien voir la scène.

Cet été, Blanchon a été observée deux fois dans des groupes ayant des veaux. Blanchon est maintenant la plus vieille femelle connue de l’équipe du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM). Joue-t-elle un rôle de grand-mère auprès des veaux qui nagent près d’elle? Dans tous les cas, le 16 aout, Blanchon et ses compères nagent autour de la bouée K59, près de l’embouchure du Saguenay. Nous lançons le drone pour photographier des airs les bélugas, afin d’étudier leur corpulence. Sont-ils en santé? Les femelles sont-elles enceintes? Nous prenons aussi des photos à partir du bateau, pour tenter de reconnaitre les individus. Arriverons-nous à identifier Blanchon sur les photos prises par drone? L’analyse est en cours.

Suivre les bélugas à partir d’une tour demande d’avoir des yeux tout le tour de la tête! Nous sommes fixes, tandis qu’eux bougent. Grâce à son drone, une assistante peut suivre le mouvement d’un petit groupe, mais certains individus se faufilent au même moment hors de notre vue. C’est ce qui s’est passé alors que nous célébrions le fait d’avoir un troupeau de 30 à 50 bélugas à proximité. Parmi eux, de nombreux jeunes et des nouveau-nés. Le troupeau est séparé en petits groupes. Nous notons la présence de Yogi, de Blanchon et d’Aquabelle, trois femelles souvent observées ensemble. Dans notre hydrophone, un son s’amplifie : un cargo approche. C’est avec surprise que nous voyons finalement deux cargos arriver, un vers l’amont, l’autre vers l’aval du Saguenay. Dans les minutes qui ont suivi, les bélugas ont disparu de la baie Sainte-Marguerite. Nous n’avons pas pu photographier tous les individus avant qu’ils ne s’éloignent. En analysant les enregistrements audio, peut-être parviendrons-nous un jour à reconnaitre la voix de Blanchon?

 

En cette journée d’automne, la visibilité est bonne et de petites vagues rident le Saguenay. Nous sommes près de l’anse Saint-Étienne, à bord du Bleuvet, le bateau de recherche du GREMM. Autour de nous se trouve un troupeau de 25 bélugas, composé d’adultes, de jeunes et d’un nouveau-né. Le troupeau se divise en trois groupes. Dans l’un d’eux, Blanchon nage en compagnie de quatre autres adultes. Dans le troupeau se trouvent aussi Dorothy, Pacalou et DL1508. Le vent se lève et souffle à une vitesse de 20 km/h. Les belles petites vagues se transforment en moutons et les bélugas se mettent à plonger plus longtemps. Le temps d’observation du troupeau est terminé.

L’été 2016, notre 32e saison en mer avec les bélugas, a encore été riche en rencontres et en surprises. Nous avons, entre autres, revu Blanchon au moins à cinq reprises. C’est une très bonne nouvelle! Blanchon est la plus vieille femelle encore vivante connue de notre album de famille! Notre équipe l’avait croisée en 2015, mais les six années d’avant, elle avait disparu du radar.

Le 19 septembre 2016, à peine 8 h du matin et nous rencontrons déjà Blanchon dans un troupeau de 40 individus à l’embouchure du Saguenay. Nous voyons autant d’adultes blancs que de jeunes gris ainsi que trois nouveau-nés. La femelle Athéna s’y trouve aussi. Les femelles âgées comme Blanchon et Athéna, qui deviennent moins fertiles avec le temps, jouent tout de même un rôle bien important dans la communauté et auprès des jeunes. Les heures passent et les bélugas poursuivent leur route dans le Saguenay. La marée montante « pousse » Blanchon et ses compagnons vers l’amont. Nageurs peu rapides, ils utilisent volontiers les courants pour se déplacer et réduire ainsi leurs dépenses énergétiques. À l’occasion, on les observe nager contre le courant, peut-être pour mieux chasser les proies qui arrivent à contre sens. Nous rejoignons la baie Sainte-Marguerite avant de conclure la journée.

Le 5 août 2016, au large de la Pointe-Noire, nous observons DL0169 parmi un troupeau d’une vingtaine d’individus. Le troupeau est composé d’adultes et de jeunes. DL0169 nage en compagnie d’Athéna, deux autres femelles de la communauté de femelles du Saguenay. Aux côtés des flancs de DL0169, on remarque la fréquente présence d’un jeune individu. Plusieurs observations seront nécessaires pour confirmer s’il s’agit de son jeune. Le troupeau est peu actif, il remonte très lentement dans le fjord du Saguenay.

Le 20 octobre 2009, notre bateau sillonne l’embouchure du Saguenay. Un groupe d’une vingtaine de bélugas est présent, dont Blanchon. À l’approche du troupeau, on constate qu’il est composé d’adultes et de jeunes, surtout des femelles nous présumons, et un jeune de l’année. La mère n’est pas connue. En fait, peu d’individus portent des marques distinctives dans ce troupeau. Un seul autre béluga est reconnu, il s’agit de DL1007, possiblement une autre femelle. On estime qu’environ 20 % des femelles adultes peuvent être identifiées.

Le parrain

Yolande Simard Perrault a adopté Blanchon (2016).

 

blanc, blanc loup-marin

Il faut que je dise pourquoi j’ai choisi de l’appeler Blanchon. Il n’avait pas de nom précis et les mots d’espèce ne font pas les bons amis. Les Russes le nomment Bélukha, ce que les Françcais ont transcrit par Béluga, bien que ce dernier mot en russe désigne l’esturgeon. Les Esquimaux, eux, possèdent le mot Killeluak qui est beau mais difficile.

Les Canadiens des rivages de ce fleuve qui furent grands chasseurs de cet animal disent marsouin, et les anglais white whale, alors qu’il s’agit en vérité d’un dauphin blanc.

Les Indiens ont répété le mot Adhothuys à Cartier pour désigner désigner les grands cadavres blancs attaqués de goélands et roulés sur les lits de galets, de glaise et de varech de l’étonnante “ysle ès Couldres”.

Et les savants se disputent avec des mots de cuisinier, parfaitement inutilisables en voyages: delphinapterus leucas !

Blanchon dit – “je suis un animal à plusieurs inconnus. ”

Pourquoi j’ai choisi un mot qu’on dit vulgaire ? parce que ces mots-là font rougir tous les autres !

À la rivière Ouelle, les jeunes marsouins sont nommés: “veau” ou bien “gris” ou bien “blafard” parce qu’ils ne sont pas encore tout à fait blancs puisqu’ils naissent gris d’octobre.

Aux Escoumins et près des grands bancs de la rivière aux Outardes et de la rivière Manicouagan, les chasseurs parlent plutôt de “bleuvet” ou de “blanchon” selon la couleur de leur âge qui tourne du gris au bleu et du bleu au blanc en trois années de pleine mer.

Parmi tous ces mots aujourd’hui abandonnés, j’ai choisi Blanchon parce que mon ami se trouvait bien près du blanc des blancs dauphin blancs.

Pierre Perrault