Le gouvernement fédéral envisage d’inscrire sur la Liste des espèces en péril plusieurs de leurs populations. Malgré le moratoire sur la pêche instauré depuis 1993 dans l’est du Canada, leurs stocks ne se rétablissent pas.

Quatre populations de morue franche du nord-ouest de l’Atlantique sont en passe d’être inscrites à la Liste des espèces en péril au Canada en vertu de la Loi sur les espèces en péril: celles du Nord laurentien, du Sud laurentien, du Sud et de Terre-Neuve-et-Labrador. Si ces populations étaient inscrites à la Liste, les pêches commerciale et récréative seraient interdites; la pêche pratiquée par les Premières Nations pourrait continuer sous certaines conditions. La mise en place d’un programme de rétablissement de ces populations et de mesures de protection de leur habitat devrait accompagner cette inscription. Avant que le gouvernement décide de l’inscrire ou non sur la Liste, il réalise actuellement des consultations en ligne pour recevoir les commentaires et suggestions du public sur l’impact de cette démarche.

Pas d’amélioration après 20 ans de moratoire

La morue est une espèce phare de la pêche commerciale pratiquée depuis cinq siècles et très prisée des consommateurs. Deux populations de plie et trois de sébaste sont susceptibles d’être également inscrites sur la Liste. Depuis une trentaine d’années, ces populations sont en très fort déclin, évalué entre 64 et 99 % selon la population. La pêche excessive est considérée comme le facteur prépondérant de l’effondrement des stocks de ces poissons de fond, auquel s’ajoutent la dégradation et la modification de leur habitat et leur mortalité naturelle.

En 1992 et 1993, le gouvernement fédéral du Canada a instauré un moratoire sur la pêche à la morue pour favoriser le renouvellement des stocks, respectivement dans la région de Terre-Neuve puis dans la majorité des eaux de l’est du Canada atlantique. Vingt ans plus tard, l’abondance des diverses populations de morue n’a pas été retrouvée. En 2010, la morue a été évaluée par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) et placée sous le statut d’espèce en voie de disparition.

Jean-Claude Brêthes, professeur en océanographie biologique à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), croit qu’on arrive à l’extinction économique de la morue. Il estime que la surpêche et le refroidissement des eaux dans les années 1990 ont généré des conditions défavorables à la reproduction de l’espèce. Il précise qu’il y a encore un stock de 35 000 tonnes de géniteurs dans le Nord laurentien et que le stock dans le nord-est de la Nouvelle-Écosse a rebondi il y a trois ans. Selon son hypothèse, son écosystème a changé et passe à un autre état d’équilibre. Il faudra deux ou trois décennies sans pêche pour retrouver des biomasses équivalentes à celles des années 1980.

Les pêcheurs ne sont pas d’accord

Pour les pêcheurs du golfe du Saint-Laurent et des côtes de l’est de l’Atlantique Nord, l’interdiction possible de la pêche de la morue, de la plie et du sébaste est appréhendée comme un désastre. Elle entraînerait de lourdes conséquences sur la pêche d’autres espèces marines, comme la crevette et le flétan, qui risquerait de prendre dans les engins de pêche les espèces dont la capture est interdite et d’être encore plus réglementée.

Par la voix de leur président Réginald Cotton, les capitaines-propriétaires de la Gaspésie remettent en question l’évaluation scientifique sur les stocks des poissons de fond du golfe du Saint-Laurent. Mettant en avant leurs observations sur le terrain, ils estiment que la morue retrouve un certain seuil d’abondance dans le golfe, et s’opposent à son inscription sur la Liste.

Et les phoques?

La mortalité naturelle de la morue augmente avec la prédation exercée par les phoques et l’accroissement de certaines populations. La réduction de cette mortalité naturelle contribuerait au rétablissement des stocks de morue. Si la solution de l’abattage de phoques est envisagée, elle suscite des controverses dans la communauté des pêcheurs et des scientifiques.

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), deux tiers des espèces de poissons étaient surexploités dans le monde en 2010.

Sources: Pêches et Océans Canada, Radio-Canada, Le Soleil

Pour en savoir plus:

Sur le site de Pêches et Océans Canada :
Morue franche – Consultations pour l’inscription en vertu de la Loi sur les espèces en péril

Qu’est-ce qui freine le rétablissement de la morue?

La morue atlantique

Prédation de la morue par le phoque

Sur le site de Radio-Canada:
La morue pourrait être classée « en péril »

Il y a 20 ans, le moratoire sur la pêche à la morue

Sur le site du Soleil: Golfe du Saint-Laurent: la morue «fraye» avec les espèces en péril

Sur le site de Baleines en direct:
Contrôle des populations

Les mammifères marins et les pêcheries sont-ils en compétition pour les ressources?

Actualité - 28/11/2013

Christine Gilliet

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