Afin de souligner la Journée internationale des femmes et des filles en science, l’équipe de Baleines en direct a voulu retracer le parcours de la technicienne Marie-Hélène D’Arcy, employée par le Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM) depuis plus de 25 ans. La carrière de Marie-Hélène au sein du GREMM met en lumière le rôle primordial que jouent les techniciennes dans le domaine de la biologie marine.

« Matcheuse » de bélugas

C’est d’abord comme stagiaire que Marie-Hélène s’est jointe à l’équipe du GREMM, à l’été 1998, dans le cadre de sa technique de bioécologie. À l’époque, ses enseignants l’encourageaient à étudier les phoques, considérant que les baleines constituaient un champ de recherche trop excentrique. Toutefois, la jeune femme de 23 a insisté: sa place était auprès des baleines — certitude qui l’animait depuis l’enfance. Cette ténacité a porté fruit : elle l’a menée à photographier diverses espèces de rorquals pour identifier les individus tout l’été. Quelques mois après la fin de son stage, elle a triomphé des doutes qu’ont pu entretenir ses enseignants sur son choix en décrochant un poste permanent au GREMM. Si cette opportunité l’a prise au dépourvu, puisqu’elle l’a empêchée de poursuivre ses études aux cycles supérieurs, ses hésitations ont rapidement été balayées par la perspective de pouvoir chasser à nouveau des souffles sur le Saint-Laurent.

Rapidement, la carrière de Marie-Hélène a emprunté une trajectoire qu’elle n’avait pas envisagée au départ : la photo-identification des bélugas. Cette méthode implique de photographier, de classer, puis d’identifier les individus observés. Elle permet de suivre leurs déplacements, de déterminer leur organisation sociale, leur sexe et d’estimer le nombre d’individus dans la population. Pour une espèce en péril telle que le béluga du Saint-Laurent, la photo-identification revêt une importance capitale.

La technicienne a ainsi passé ses étés à Tadoussac, sur les bateaux de recherche, à tenter d’y capturer les petits dos blancs, puis ses hivers à Québec, où elle décelait sur ses clichés des traits distinctifs lui permettant de distinguer un individu d’un autre, tels que des marques au flanc, des cicatrices ou des encoches. Peut-être connaissez-vous Yogi, qui doit son nom à sa marque en forme d’ours? Ou bien Marjo qui possède une cicatrice à l’allure d’une paire de lunettes? C’est entre autres grâce au travail de Marie-Hélène et de son équipe de «matcheurs» et «matcheuses»!

Le terrain avant tout

En plus de 25 ans de carrière, les méthodes de travail de la technicienne ont considérablement changé, suivant la trajectoire des avancées technologiques. Rigolant, elle se rappelle l’époque où elle devait développer ses photos en chambre noire, et celle, pas si lointaine, où elle les conservait dans des albums, plutôt que sur un ordinateur. Tout récemment, elle s’enthousiasme pour la photo par drone, qui lui permet de distinguer les deux flancs d’un béluga sur une même photo, et d’ainsi attribuer des flancs qu’on associait à deux individus différents à un seul et même béluga. Le travail qu’accomplit Marie-Hélène n’est en effet pas sans marge d’erreur, requiert patience et minutie, deux qualités qu’elle juge nécessaires à son métier.

Depuis 2009, la technicienne, devenue maman, ne peut plus résider à Tadoussac lors la période estivale et elle se consacre principalement au travail d’identification dans les bureaux du GREMM, à Québec. Toutefois, elle insiste sur l’importance du travail de terrain pour les jeunes technicien.nes, et considère que ses expériences passées lui permettent de mieux comprendre les individus qu’elle contemple chaque jour. Ainsi, lorsqu’on lui demande quel moment dans sa carrière a été le plus marquant, elle n’évoque ni un moment précis, ni une réalisation particulière, mais plutôt le souvenir de ses nombreuses sorties en mer, tôt le matin, des couleurs de l’aube et du silence matinal entrecoupé par les souffles de baleines.

Motivée par sa curiosité et sa rigueur, Marie-Hélène poursuit ses aspirations en effectuant un baccalauréat en environnement naturel et intégré à temps partiel, formation qu’elle conjugue à son travail au GREMM et à sa vie familiale. Si son parcours a emprunté des trajectoires qu’elle n’avait pas envisagées au départ, elle apparait fière d’avoir suivi son impulsion première, qui l’a menée à réaliser un rêve de jeunesse. Elle encourage fortement les femmes et les filles à se diriger vers des domaines scientifiques et à ne pas flancher devant les barrières qu’on pourrait dresser devant elles, songeant aux hésitations de ses enseignants, qui auraient pu l’éloigner de l’estuaire et des bélugas, et l’empêcher de devenir, selon la rumeur, le regard le plus aiguisé du GREMM.

Article mis à jour 8 février 2024

Actualité - 11/2/2020

Gabrielle Morin

Gabrielle Morin s’est jointe à l’équipe de Baleines en direct à l’hiver 2020 en tant que stagiaire. Étudiante en littérature, elle s’implique dans le milieu littéraire de la ville de Québec et écrit à temps perdu. Son amour des baleines est né sur les berges de l’estuaire du Saint-Laurent et l’a poursuivie jusqu’à Lévis. Depuis, elle le nourrit grâce à la lecture d’ouvrages scientifiques et à des expéditions estivales. Elle croit que sa passion de la littérature et des mammifères marins naissent d’une même volonté: capturer, et surtout partager son émerveillement.

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