L’un des fondements de la recherche au Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM) est la photo-identification. Depuis plus de 30 ans, le GREMM récolte de précieuses photos afin de tracer l’histoire individuelle des bélugas, mais également la grande histoire de la population du Saint-Laurent. La photo-identification va bien au-delà de la reconnaissance d’un individu. Par exemple, les observations de femelles avec des jeunes informent sur le taux de reproduction des animaux. Le lieu et la fréquence d’observation d’un individu permettent aussi de mieux comprendre l’attachement des communautés de bélugas à un territoire. C’est grâce aux fiches individuelles que les données dont nous disposons sont aussi riches.

Entre les «clics» et l’ajout au catalogue contenant tous les bélugas connus de notre équipe, le chemin de chaque photo suit une procédure bien particulière. Petit parcours d’une photo jusqu’à l’identification.

Collecte et gestion des photos

Après une journée au large, les bateaux de recherche du GREMM, le Bleuvetet le BpJAM, reviennent au quai de Tadoussac. Toutes les photos de la journée vont être nommées, datées et stockées à la station de recherche, située au deuxième étage du Centre d’interprétation des mammifères marins. Après un premier traitement, les assistants de recherche commencent par recadrer soigneusement chacune des photos pour alléger la cargaison lourde en pixel et pour «standardiser» chaque image, ce qui facilitera leur comparaison. Toutes les photos sont ensuite envoyées à Marie-Hélène D’Arcy, technicienne sénior et chef d’équipe du «match» de bélugas.

Description des photos et pré-identification

Contrairement à bien des techniques de prélèvement en mer, nous ne rejetons aucune prise accidentelle avant qu’une analyse approfondie de chaque capture soit réalisée. En d’autres mots, même les photos floues seront scrutées avant d’être écartées. Marie-Hélène va donc détailler sur chaque photo:

+ la présence de béluga(s) et/ou d’une autre espèce

+ le flanc visible (gauche ou droit)

+ le nombre d’individus

+ la couleur des individus (blanc, gris, veau)

+ la présence de nouveau-nés ou de bleuvets (jeunes entre 1 et 3 ans)

Parallèlement à cette étape, Marie-Hélène fera une première identification de bélugas connus grâce à ses yeux aguerris par vingt ans d’expérience. Ainsi, nous transmettons rapidement des nouvelles de nos bélugas vedettes !

Mise en capture

N’ayez crainte, aucun béluga n’est mis au cachot. La mise en capture est plutôt un terme désignant l’entrée au système. Un numéro d’identification par contact (NIC) (un contact étant une rencontre avec un groupe de béluga) est attribué à chaque individu qui possède suffisamment de traits distinctifs pour pouvoir être reconnu à nouveau. Les 4 premiers numéros du code vont être l’année, puis les 3 suivants le numéro de contact et les 2 derniers son numéro unique d’identification. Le béluga présent sur notre photo est désormais identifié ainsi : 2018(année)_011(contact)_02(Numéro d’identification).

Enfin, comme dans les séries éliminatoires de nombreux sports, tous les individus qui n’ont pas pu être pré-identifiés au premier tour devront passer par la phase des «qualifications». Grâce à l’ensemble des photosd’une capture (NIC), elle se fait pour chaque flanc du béluga selon quatre principaux facteurs : les caractères distinctifs (taches, marques, déformations, bris de la ligne dorsale), les portions visibles, la qualité de la capture et l’angle.

On nous demande souvent si le match se fait par un logiciel. Non, mais nous avons tout de même un outil informatique qui nous évite de comparer le béluga à 700 autres. Pour chaque flanc, Marie-Hélène va découper minutieusement notre individu en suivant ce schéma:

L’ensemble des traits distinctifs cochés crée un «code barres» unique au béluga photographié. Ce code barres sera comparé à ceux des bélugas déjà présents au catalogue.

Facile, non ? Pas tout à fait… Découvrez pourquoi dans le carnet de terrain de la semaine prochaine !

Carnet de terrain - 16/4/2019

Mathieu Marzelière

Mathieu Marzelière s’est joint à l’équipe du GREMM en 2017 comme assistant de recherche bénévole pour le programme de recensement photographique des grands rorquals du parc marin. Depuis, il est assistant de recherche technicien pour les projets de recherche sur les bélugas. Mathieu a aussi été observateur de mammifères marins (OMM) sur des sites de construction maritime.

Articles recommandés

Un porte-conteneur en détresse dans l’estuaire : le RQUMM sur le pied d’alerte

7 coups brefs et un coup long « J’ai été réveillé par sept coups brefs suivis d'un coup long. C’est le…

|Carnet de terrain 14/3/2024

Des baleines en chair et en os!

Vendredi matin, 22 septembre 2023 Attention, âmes sensibles s’abstenir! Je me réveille peu après le lever du soleil, l'obscurité s’étant…

|Carnet de terrain 3/11/2023

À la recherche des grands rorquals

À 5h45 du matin, je suis déjà réveillée et j’attends, fébrile, des nouvelles de l’équipe de recherche du Groupe de…

|Carnet de terrain 25/10/2023