Un des défis de l’observation des baleines est la durée d’apparition du petit morceau de corps à la surface. Souvent, une baleine ne montrera que 10% de son dos en à peine quelques secondes lorsqu’elle émerge pour respirer. Parfois, les observateurs restent incrédules, se demandant bien quelle espèce vient de passer sous leur nez.
C’est ce qui s’est passé le 24 mars, à Cap-des-Rosiers, en Gaspésie. Une riveraine observe un point noir apparaitre sur la mer lisse et calme. Une baleine, sans aucun doute, mais de quelle espèce? Six à huit minutes plus tard, la baleine fait surface à nouveau, plus loin. Intriguée, la riveraine interpelle sa voisine et la mère de celle-ci pour essayer de repérer à nouveau ce qu’elle croit être un petit rorqual. Malgré les trois paires d’yeux rivées sur l’eau, l’animal ne reparait pas. Deux jours plus tard, la même riveraine voit cette fois un rorqual à bosse au large de sa maison. Est-ce un des individus présents la semaine dernière? C’est possible, comme ce pourrait être un nouvel arrivant dans le golfe du Saint-Laurent.
Certains rorquals à bosse plus rapides pourraient déjà terminer leur migration. Dans le golfe du Maine, aux États-Unis, les rorquals à bosse et rorquals communs commencent à être observés en bon nombre. Les baleines noires de l’Atlantique Nord, elles aussi, ont envahi ce golfe. Le 21 mars, un seul recensement aérien au large de Cape Cod a permis de compter 89 individus, soit un quart de la population estimée! Il est donc fort possible que des baleines noires fassent leur entrée dans le golfe du Saint-Laurent sous peu. Le 30 mars, une cinquantaine d’individus de cette espèce nageaient près de Nantucket, tout comme trois rorquals à bosse et trois rorquals communs.
Mais qu’est-ce qui se passe avec cette peau?
Deux ornithologues installés à Rivière-Ouelle se font «déranger» par l’arrivée d’un troupeau de bélugas dans leur mire. Habituellement, le couple ne regarde les mammifères marins que distraitement, préférant les plumages bigarrés à la peau lisse des baleines. Mais un des cétacés capte leur attention. Sa peau foncée est couverte de taches plus pâles. Un narval? La petite baleine s’approche à moins de 100 mètres du quai et lève la queue en plongeant, laissant un nuage de bulles derrière lui.
La forme de la queue du béluga intrigue les observateurs. Elle est plus arrondie que celle des rorquals. Puis, un peu plus loin, un deuxième individu foncé et tacheté fait surface. Pendant trente minutes, une des ornithologues suit la nage des petites baleines. Elle les photographie et envoie les photos au Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins, avec l’espoir un peu fou d’avoir vu deux narvals parmi les bélugas. Mais plutôt, les chercheurs lui confirment qu’elle a vu un bleuvet! Ce stade de coloration survient après la première année de vie des bélugas et peut durer jusqu’à la troisième année. Même si nous avons l’habitude d’imaginer le béluga tout blanc, cette espèce change de couleur entre sa naissance et l’âge adulte, où il a sa coloration blanche bien connue entre 12 et 16 ans. Ce changement de pigmentation donne un défi supplémentaire aux chercheurs pour identifier individuellement les bélugas, puisque certaines marques peuvent disparaitre avec le temps.
À Saint-Siméon, ce sont des bélugas blancs accompagnés de jeunes gris qui surprennent un riverain le 27 mars. Trop excité, l’observateur se rue nu-pieds dehors pour filmer son observation. Il compte une dizaine d’individus qui, par leur passage, lui annoncent le printemps.