Comme on peut s’y attendre durant l’hiver, les observations de baleines se raréfient. Quelques bélugas et de grands souffles épars sont repérés au large, mais en moindre nombre que les semaines précédentes. Mais ce qui surprend les riverains et riveraines cette semaine, c’est l’absence de glaces sur le Saint-Laurent. Particulièrement marqué cette année, le déclin du couvert de glace sur le Saint-Laurent s’effectue depuis 1985.

On pourrait croire que moins de glaces signifie une bonne nouvelle pour les baleines, mais ce n’est pas nécessairement le cas. Par exemple, une baleine peut se trouver prise au piège entre les glaces et ne plus être capable de remonter à la surface pour respirer. Moins de glaces, moins de risques? Malheureusement, ce n’est pas si simple : des glaces minces et non accrochées aux rives pourraient être plus facilement déplacées par une tempête et former des pièges soudains.

Les glaces participent aussi à l’équilibre fragile de l’écosystème du Saint-Laurent. Leur disparition s’accompagne d’un réchauffement des eaux, qui pourrait rendre l’environnement marin moins propice à bien des espèces proies des baleines. L’absence de glaces peut également ouvrir la voie à de nouveaux prédateurs. C’est ainsi que dans l’Arctique, des espèces jusqu’alors peu prédatées par les épaulards se trouvent victimes de leurs attaques.

Pour ce qui est de repérer les bélugas, l’absence de glace est par contre un atout. Ainsi, le 18 janvier, 30 à 40 «gros» bélugas s’activent à deux ou trois milles nautiques du quai du traversier des Escoumins. Un tel rassemblement étonne Robert Michaud, directeur scientifique du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins. À cette période-ci de l’année, dans le secteur du parc marin du Saguenay-Saint-Laurent, les observations  impliquent plus souvent de petits groupes de bélugas.

Le lendemain, Renaud Pintiaux et son ami découvrent eux aussi des bélugas devant le cap de Bon-Désir par leurs souffles. «C’est très rare de voir aussi bien leurs expirations», s’exclame Renaud Pintiaux, qui parvient même à photographier cette buée. La différence de température entre la respiration et l’air glacial ambiant rend visible un souffle habituellement diaphane.

«Les changements climatiques, on est en plein dedans», s’inquiète Jacques Gélineau, qui cherche les souffles au large dans une mer complètement libre de glaces. Il en a repéré devant Gallix durant la fin de semaine, mais plus rien depuis. «C’était impensable de sortir en pneumatique l’hiver pour suivre les baleines, mais maintenant, sans les glaces, ce serait possible. Et pour moi, ce n’est pas une bonne nouvelle un tel changement dans l’écosystème.»

Même dans la baie de Gaspé, où l’embouchure de la rivière York est habituellement bien prise en banquise, les glaces se font rares et minces. «Ça fait 15-20 ans que j’observe les phoques communs l’hiver dans ce secteur, et j’ai l’impression de n’en avoir jamais vu aussi peu», constate un aubergiste, préoccupé. Pour les phoques aussi, les glaces sont primordiales. Elles servent au repos, à la mue, et pour certaines espèces, à la mise bas. Même si la banquise est moins présente ce mois-ci, certaines journées amènent de grands rassemblements de phoques communs, comme le 15 janvier, où 108 phoques se prélassent sur la glace devant Penouille. Le 20 janvier, des centaines de phoques du Groenland se trouvent devant Saint-Ulrich. Un grand plaisir pour les passants!

Vous aimez suivre la progression des glaces? Les prévisions océaniques se trouvent sur le site de l’Observatoire global du Saint-Laurent. Vous pourrez suivre le mouvement des glaces à travers les heures, les jours et les années.

Des baleineaux au sud!

Au large de la Floride et de la Géorgie, le recensement des baleineaux baleines noires de l’Atlantique Nord se poursuit. Au 19 janvier, 13 nouveau-nés sont comptabilisés, ce qui est un nombre encourageant pour une espèce en voie de disparition. Laure Marandet propose une analyse de ces naissances dans nos pages.

Observations de la semaine - 21/1/2021

Marie-Ève Muller

Marie-Ève Muller s’occupe des communications du GREMM depuis 2017 et est porte-parole du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins (RQUMM). Comme rédactrice en chef de Baleines en direct, elle dévore les recherches et s’abreuve aux récits des scientifiques, des observateurs et observatrices. Issue du milieu de la littérature et du journalisme, Marie-Ève cherche à mettre en mots et en images la fragile réalité des cétacés.

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