Des populations de mammifères marins ont l’habitude de passer l’été dans certaines zones de l’Arctique pour mettre bas, nourrir et élever leurs jeunes à l’abri des prédateurs. Cependant, avec la banquise arctique qui décroit rapidement, l’habitat de plusieurs populations se dégrade et s’ouvre à de grands prédateurs, comme les épaulards, qui préfèrent les zones sans glace. Une étude publiée récemment dans la revue scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA nous démontre que la présence d’épaulards modifie significativement le comportement et la distribution des narvals, et ce, même si 100 km les séparent. Selon les auteurs de cette étude, ces observations contrastent avec certaines notions traditionnelles des changements environnementaux, selon lesquelles les changements s’effectuent principalement du bas vers le haut dans la chaine alimentaire. Cette étude démontre que les changements du haut vers le bas dans la chaine alimentaire peuvent être tout aussi importants.

Les chercheurs ont utilisé la télémétrie satellite pour suivre un groupe d’épaulards et plusieurs narvals sur une période de 18 jours à Admiralty Inlet, à l’extrémité nord de l’île de Baffin. Plus de 5000 narvals se rassemblent à cet endroit durant l’été pour nourrir et élever leurs jeunes, où la glace, autrefois présente à longueur d’année, les protégeait des épaulards. Cependant, avec la diminution du couvert de glace, les épaulards y sont de plus en plus présents. Les chercheurs ont constaté que lorsque les épaulards ne sont pas là, les narvals poursuivent d’abondants bancs de poissons de 4 à 10 kilomètres du rivage. Cependant, lorsque les épaulards se trouvent à 100 km ou moins des narvals, ceux-ci restent à moins de 500 mètres de la rive.

« Juste avoir (des épaulards) autour d’eux terrorise les proies et leur cause beaucoup de difficultés », déclare Steve Ferguson, du ministère Pêches et Océans Canada et un des auteurs de l’article, à la Presse canadienne.

La présence de prédateurs empêche donc le narval d’accéder à ses zones d’alimentation les plus riches. Et rester près du rivage expose les narvals aux chasseurs inuits. Ces observations démontrent qu’un changement au niveau de la présence de prédateurs peut avoir des répercussions bien au-delà du nombre de proies tuées par ces prédateurs.

Les changements climatiques, entrainant une réduction du couvert de glace dans l’Arctique et, conséquemment, une augmentation de la présence de certains grands prédateurs, risquent de remodeler la distribution et le comportement des mammifères marins qui sont les proies de ces prédateurs. L’influence des prédateurs ne doit donc pas être négligée lorsque nous analysons les effets des changements climatiques, que ce soit dans l’Arctique, le Saint-Laurent ou ailleurs dans le monde.

Actualité - 6/3/2017

Béatrice Riché

Après plusieurs années à l’étranger, à travailler sur la conservation des ressources naturelles, les espèces en péril et les changements climatiques, Béatrice Riché est de retour sur les rives du Saint-Laurent, qu’elle arpente tous les jours. Rédactrice pour le GREMM de 2016 à 2018, elle écrit des histoires de baleines, inspirée par tout ce qui se passe ici et ailleurs.

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