Les bélugas forment une société remarquablement complexe aux relations très diversifiées, à un tel point qu’on les considèrerait plus près des humains que les autres cétacés. Ce sont les conclusions enthousiasmantes que le chercheur Greg O’Corry-Crowe et son équipe ont publié dans Scientific Reports. Les auteurs y proposent un portrait étonnant de la vie sociale des bélugas.

Ils ont comparé les observations obtenues à partir d’études de terrain réalisées dans dix régions de l’Arctique, allant de l’Alaska au Canada et de la Russie à la Norvège. Les techniques de génétique moléculaire appliquées aux échantillons prélevés dans les différents groupes et troupeaux observés ont été utilisées pour élucider la nature et la fonction des liens sociaux chez les bélugas. Selon l’étude, les bélugas se distinguent d’autres cétacés comme les épaulards ou les globicéphales chez lesquels les groupes sociaux sont centrés sur les liens maternels. Les bélugas entretiennent des relations de compagnonnage avec des individus de plusieurs lignées maternelles différentes. Ce n’est pas tout, le rôle des pères pourrait aussi être plus important que ce que l’on a pu observer jusqu’ici.

Les rapports sociaux variés

Le béluga est un animal grégaire et un communicateur aguerri avec ses semblables. D’après Greg O’Corry-Crowe, chercheur principal de l’étude, les sons qu’ils émettent permettraient de rester en contact entre individus, même en étant éloignés à plusieurs kilomètres. Les bélugas forment des groupes (quelques dizaines d’individus ou moins) et des troupeaux (allant jusqu’à 2000 individus) dont la composition est variable, mais se ressemble d’une population à l’autre. Ces groupes et troupeaux se forment et se défont selon les saisons et le contexte environnemental. Il s’agit du phénomène de fission-fusion.

L’étude a mis également en lumière une foule d’interactions démontrant la richesse de leurs rapports sociaux. Les scientifiques ont noté au sein des groupes de femelles accompagnées de jeunes des gestes de prise en charge partagée des petits, ce qu’on appelle des comportements allomaternels. Ils ont aussi rapporté des rapports de jeu au sein des groupes rassemblant uniquement des juvéniles et des groupes d’âge mixte.

L’analyse génétique: pour comprendre les rapports entre bélugas

Si les petits groupes de femelles et de jeunes sont souvent composés d’une seule lignée maternelle, les plus grands groupes peuvent en compter jusqu’à quatre et les troupeaux jusqu’à une douzaine. Dans les groupes et les troupeaux de mâles, qui se rassemblent majoritairement entre eux, on retrouve par contre peu de filiations parentales.

C’est dans la composition des groupes et troupeaux mixtes que les chercheurs ont fait une découverte étonnante. Tout comme dans les groupes et troupeaux de femelles et jeunes, ils y ont observé la présence de plusieurs lignées maternelles. La surprise a été d’y retrouver plusieurs pères. En fait, les liens paternels étaient plus fréquents que les liens maternels dans ces troupeaux mixtes.

Les auteurs suggèrent que la diversité des relations filiales retrouvées dans les différents groupes sociaux de bélugas est liée à la complexité de leur société et à la diversité des mécanismes évolutifs qui la façonnent. Plutôt que de former des groupes centrés sur des lignées maternelles au sein desquelles les «avantages» sont partagés entre les membres d’une même famille, les bélugas pourraient former des communautés dynamiques et multigénérationnelles au sein desquelles les «avantages du vivre ensemble» ne seraient pas seulement partagés entre les membres d’une même famille, mais entre les membres de toute la communauté. Sur la base de cette observation, les auteurs suggèrent que l’organisation sociale des bélugas comporte des similitudes avec les sociétés humaines, dans lesquelles les réseaux sociaux ne sont pas limités aux familles.

S’adapter aux pressions de l’environnement

Ces nouvelles observations sur les comportements sociaux ouvrent la porte à d’autres études portant, entre autres, sur la résilience des bélugas et leur adaptation face à des menaces comme les changements climatiques. Notons que la variété extraordinaire des comportements sociaux adoptés par les bélugas pose encore de nombreux mystères quant à leur rôle dans leur évolution.

Les auteurs de l’étude pensent que leur travail sera utile pour mieux saisir les tendances plus sociables de certaines espèces. «Comment les individus apprennent-ils des autres?» et «comment les cultures animales émergent-elles?» sont des questions pour lesquelles il faudra encore plusieurs travaux de recherche avant d’obtenir des résultats plus précis.

Pour Robert Michaud, directeur scientifique du GREMM «Cette étude offre un cadre théorique stimulant qui s’ajoute aux possibilités que nous pouvons envisager dans notre étude de l’organisation sociale des bélugas du Saint-Laurent».

Actualité - 29/1/2021

Jasmine Tremblay-Bouchard

Assistante aux communications à l’hiver 2020-2021, Jasmine contribue en tant que rédactrice aux activités du GREMM afin de sensibiliser le public sur la situation des baleines et des phoques du Saint-Laurent. Son enthousiasme pour la cause écologique l'amène à élargir ses connaissances en permanence. Les mammifères marins lui inspirent l’intelligence, l’amour et la beauté.

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