Si les drones sont des outils utiles à la recherche sur les mammifères marins, il est légitime de se demander quels impacts ils peuvent avoir sur les individus étudiés. Chez le béluga du Saint-Laurent, sous haute surveillance en raison de son statut d’espèce en voie de disparition, les drones sont utilisés pour étudier les comportements, faire un suivi des gestations et évaluer la survie des veaux et leur état de santé. Une nouvelle étude appelle à la prudence et recommande des balises claires pour l’utilisation des drones en présence de bélugas.

La tête dans les nuages et les yeux sur l’eau

Au cours des étés 2017 et 2018, Jaclyn Aubin et une équipe composée de membres du GREMM et d’Ocean Wise ont effectué près de 150 vols de drones au-dessus des bélugas dans la baie Sainte-Marguerite, dans le fjord du Saguenay. Les quelque 50 heures de vidéo recueillies ont permis de documenter pour la première fois en nature les soins prodigués aux jeunes bélugas par d’autres individus que leur mère.

Dans le cadre d’un doctorat qu’elle poursuit à la Windsor University, Jaclyn et ses collègues ont repris les images captées entre 2017 et 2018 pour étudier la réaction des bélugas à l’approche des drones et ont publié leurs résultats le 17 janvier dernier. Leurs analyses ont permis de détecter des réactions d’alerte chez les bélugas dans 30 des 511 approches effectuées (5,9%) et des réactions d’évitement dans 22 de ces 511 approches (4,3%). Ces réactions se produisaient uniquement quand les vols avaient lieu en basse altitude, c’est-à-dire quand le drone était à moins de 23 mètres de hauteur.

Les chercheurs ont aussi observé que ces réactions étaient plus fréquentes dans les groupes de grande taille, suggérant que ces groupes seraient plus vigilants ou efficaces pour percevoir des menaces potentielles. Ils n’ont toutefois pas pu déceler d’autres impacts ni identifier d’autres facteurs qui auraient pu influencer des réactions chez les bélugas, comme la vitesse ou l’angle d’approche du drone, ou encore le vent ou la couverture nuageuse présents au moment du vol.

Et chez les autres espèces de cétacés?

D’autres chercheurs avaient étudié précédemment l’impact des drones sur certains cétacés et bien que les conclusions soient différentes d’une étude à l’autre, elles semblent converger vers un point commun : un vol de drone sous les 30 mètres d’altitude serait plus propice à causer un dérangement. Le grand dauphin frapperait sa queue à la surface de l’eau et démontrerait des comportements d’alerte en présence de drones à basse altitude (autour de 10 mètres). Comme pour le béluga, les réactions d’évitement augmenteraient aussi chez cette espèce dans des groupes de grandes tailles. Chez le rorqual bleu, une approche de drone de face ferait plonger prématurément la baleine.

Quand «étudier» rime avec «protéger»

Les possibilités de recherche offertes par les drones sont impressionnantes et leur utilisation est de plus en plus répandue. Sachant que les drones peuvent, même dans de très faibles proportions, causer un dérangement chez les bélugas, les chercheurs responsables de la présente étude ont soumis quelques recommandations.

D’abord, limiter à 25 mètres l’altitude minimale du drone par rapport à l’eau, puis faire attention lorsque les vols se déroulent au-dessus de grands groupes, car le dérangement est plus important dans les groupes de plusieurs individus. Finalement, les chercheurs demandent de faire attention à la vitesse du drone et à son angle d’approche et d’être attentifs s’il y a peu de vent, car les impacts de ces facteurs sur les cétacés ne sont pas encore connus!

Rappel important

L’utilisation de drones est interdite dans les limites des parcs fédéraux et provinciaux et notamment dans le parc marin du Saguenay—Saint-Laurent. De plus, partout au Canada, le Règlement sur les mammifères marins de Pêches et Océans Canada interdit l’approche de mammifères marins à moins de 300 mètres d’altitude. L’utilisation de drones dans le cadre de l’étude de mammifères marins est soumise à un ensemble d’évaluations par des comités d’éthique et de bien-être animal et nécessite l’obtention d’un permis de Pêches et Océans Canada et des autorités des parcs si les activités de recherche s’y déroulent.   

Actualité - 1/2/2023

Odélie Brouillette

Odélie Brouillette s’est jointe à l’équipe du GREMM comme rédactrice et naturaliste en 2022 et elle est de retour depuis l'hiver 2023 comme chargée de projet en vulgarisation scientifique. Biologiste de formation, elle aime apprendre et communiquer aux autres ce qui lui tient à cœur. Fascinée depuis toujours par les milieux marins et les baleines, elle souhaite, par la sensibilisation et la vulgarisation, contribuer à leur protection.

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