Ils se distinguent de leurs congénères par leur blancheur hors du commun. On les appelle des albinos. Tout comme les animaux terrestres, les baleines peuvent aussi présenter cette caractéristique. Mais, est-ce un phénomène fréquent? Comment cette condition se développe-t-elle chez un animal? Et les bélugas, tout blancs, sont-ils des albinos? L’équipe de Baleines en direct vous invite à découvrir les réponses à ces interrogations.
L’albinisme : un phénomène rare
Dans le cas de l’albinisme dit « véritable », une mutation génétique affecte le gène produisant une enzyme importante, la tyrosinase. Sans celle-ci, l’organisme ne sera pas en mesure de produire de la mélanine, un pigment biologique responsable de la coloration. Les yeux, la peau, les poils ou bien les plumes d’un animal ressortent donc blancs.
Parmi les mammifères marins, des cas d’albinisme ont été rapportés chez sept espèces de pinnipèdes et 21 espèces de cétacés, dont le globicéphale noir, le dauphin à flancs blancs du Pacifique et le rorqual à bosse. La plus célèbre baleine albinos est Migaloo, un rorqual à bosse mâle observé fréquemment au large de l’Australie.
L’observation de baleines albinos est généralement un évènement peu fréquent, particulièrement chez les grandes baleines migratrices. Cette rareté aurait plusieurs explications possibles. En premier lieu, les allèles causant l’albinisme sont récessifs, signifiant qu’il ne peut s’exprimer que si l’individu est homozygote. En d’autres mots, si un individu ne possède qu’une seule copie du gène d’albinisme, il ne sera pas albinos puisque l’autre copie du gène, qui sera « normale », permettra la production de mélanine. La proportion des individus ayant les deux copies mutées nécessaires est faible, ce qui les rend rares. Plusieurs baleines pourraient être porteuses du gène de l’albinisme, sans toutefois le développer.
De plus, la mélanine procure une protection contre les rayons UV du soleil. Les individus albinos y sont donc très sensibles, puisqu’ils ne possèdent que peu ou pas de mélanine, ce qui affecte négativement leur capacité à survivre. La blancheur des albinos induit de surcroit une plus grande vulnérabilité face aux prédateurs et procure un désavantage pendant la chasse, puisqu’ils sont très visibles. La sélection naturelle va donc agir en leur défaveur.
Des anomalies similaires
Une autre condition, appelée le syndrome de Chédiak-Higashi, peut provoquer un blanchissement. C’est une maladie létale causant, entre autres, des dérèglements dans le transport de la mélanine. En conséquence, ceux atteints par cette rare condition possèdent la même décoloration que celle associée typiquement à l’albinisme. Un épaulard souffrant du syndrome de Chédiak-Higashi a d’ailleurs été découvert au large de la Colombie-Britannique en 2019.
Il existe aussi le leucisme et le piébaldisme, qui entrainent une décoloration de la peau, des poils ou des plumes. Chez les cétacés, seule la peau est affectée par ce type de maladies. Le leucisme, contrairement au piébaldisme, peut être uniforme sur l’intégralité du corps. Les deux sont causés par une dégradation des cellules mélanocytes, responsables de la production de mélanine. Des cas de leucisme ont été répertoriés chez quelques espèces de baleines, telles que le rorqual commun, la baleine grise ou les rorquals à bosse. Le piébaldisme, assez rare chez les mammifères marins, est plutôt connu pour affecter des espèces de dauphins et de pinnipèdes, telles que le dauphin tacheté de l’Atlantique et l’otarie de Kerguelen.
Moby Dick était-il albinos?
La célèbre baleine du roman de Melville est décrite par l’auteur comme étant un imposant cachalot blanc. Moby Dick est un animal fictif n’ayant pas réellement existé, mais sa création est basée sur des observations et des évènements bien réels. Pour créer le caractère de son infâme monstre, Melville se serait inspiré du naufrage du baleinier Essex en 1820, percuté par un cachalot. L’apparence et le nom de Moby Dick proviendraient quant à eux de la capture, en 1839, d’un véritable cachalot blanc au large du Chili. Cette baleine a été tuée à proximité de l’ile chilienne Mocha, ce qui lui avait valu le nom Mocha Dick. Ainsi, les cachalots albinos, ou à tout le moins leucistes, ont existé par le passé et existent probablement toujours.
Les bélugas ne sont pas des albinos
Lorsque les bélugas viennent au monde, leur peau est d’une teinte café au lait, qu’ils perdent après quelques années de vie. La couleur blanche des adultes, à l’origine, est probablement apparue à la suite d’une mutation génétique et se serait répandue à travers l’espèce grâce à la sélection naturelle. Les bélugas, comme les ours polaires ou les renards arctiques, vivent dans un environnement dominé par la glace et la banquise. Les animaux qui demeurent dans ce type d’habitat sont avantagés par leur peau ou leur fourrure blanche. Dans un tel milieu, ce trait offre un camouflage précieux contre les prédateurs, mais permet aussi de bien se dissimuler aux yeux d’une proie. La couleur blanche s’est donc normalisée chez plusieurs espèces de l’Arctique.