Leur flore intestinale possède à la fois les caractéristiques de celle des mammifères carnivores et de celle des ruminants. Des bactéries similaires à celles pouvant dégrader la paroi de cellulose des plantes se retrouvent dans l’intestin des baleines à fanons, carnivores. Ces dernières partagent un ancêtre commun avec les herbivores terrestres, il y a de ça 60 millions d’années. Ce trait ancien aurait persisté afin de dégrader la carapace faite de chitine des crustacés dont ces baleines mangent à profusion.
Un ancêtre terrestre herbivore
Les premiers cétacés, apparus il y a 50 millions d’années, étaient des mammifères terrestres partageant un ancêtre commun avec les ruminants d’aujourd’hui (vache, hippopotame, cochon, etc.). Au cours de leur transition d’un milieu terrestre à un milieu aquatique, leur alimentation aurait changé d’un régime herbivore à un régime carnivore. Néanmoins, des traits ancestraux témoignent encore de leur passé d’herbivore terrestre: leur tube digestif est compartimenté en différentes chambres, tout comme celui de leurs cousins éloignés, les ruminants. Chez ces derniers, l’une de ces chambres abrite une communauté de bactéries capables de digérer la cellulose des plantes et permettant d’en extraire les sucres. La cellulose est un glucide complexe qui compose la paroi des cellules végétales des plantes dont les sucres ne peuvent être extraits naturellement par les mammifères. La présence de ces bactéries est essentielle à la digestion des végétaux et à l’absorption des nutriments.
Une équipe de chercheurs de l’Université de Harvard, de la University of California, Los Angeles et de la University of Vermont, dirigée par Peter Girguis, a récolté des échantillons d’excréments de baleines à fanons dans la baie de Fundy au Nouveau-Brunswick et en ont analysé des séquences d’ADN. Ils ont découvert que la flore microbienne de ces baleines est unique. On y retrouve des bactéries similaires à celles des grands carnivores qui ont une alimentation riche en viande, mais aussi des bactéries similaires à celles dont dépendent les ruminants pour digérer les plantes. Leurs résultats ont été publiés dans la revue Nature Communications.
Une flore bactérienne qui a évolué
La flore bactérienne intestinale des mammifères tient un rôle important dans le fonctionnement de l’organisme. Sa composition dépend de la diète de l’animal, mais l’influence des traits évolutifs est aussi reconnue, bien que peu étudiée. Le cas des baleines à fanons soutient cette même idée. Mais pourquoi ce trait ancestral a-t-il persisté depuis des millions d’années? Bien que les baleines ne se nourrissent pas de plantes, ces bactéries similaires à celles présentes dans le tube digestif des ruminants pourraient servir à digérer un autre glucide complexe: la chitine. Les baleines à fanons s’alimentent de près d’une tonne par jour de petits crustacés, comme le krill, dont la carapace faite de chitine ne peut être digérée naturellement par les mammifères.
Qu’en est-il des baleines à dents?
Les baleines à dents se nourrissent davantage de poissons que de crustacés. Leur flore microbienne intestinale devrait donc s’avérer différente de celle des baleines à fanons. D’autres recherches suivront afin de découvrir l’influence de la diète et de la descendance ancestrale sur la diversité de la communauté de bactéries dans leur tube digestif.
Sources:
- La revue Nature Communications (anglais)
- La revue Sciences et Avenir (français)
- Le site Genome web (anglais)
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