Avec l’essor de l’usage des drones, il est de plus en plus fréquent d’apercevoir de magnifiques prises de vue des cétacés. Ces vidéos, passant de troupeaux de phoques du Groenland en migration aux rorquals bleus en alimentation, peuvent éveiller le désir de devenir vidéaste animalier amateur. Malgré cet engouement, il faut garder en tête que, sans permis, l’approche de mammifères marins avec tout type de drone est une activité illégale qui peut représenter une menace supplémentaire à leur conservation. Éclaircissons donc les dispositions légales qui, au Canada comme au Québec, protègent actuellement les baleines, les phoques et, par extension, le reste de la faune.
Décollage en zone grise
Avant d’entamer un vol, toute personne, pilotant un drone de plus de 250g, doit s’assurer d’avoir obtenu un certificat de pilote de la part de Transports Canada et d’avoir immatriculé son drone. Durant le vol, il est primordial de respecter les limites établies par le Règlement de l’aviation canadien. Ces règlements couvrent plusieurs facettes du pilotage de drone comme les distances à garder des aéroports et des passants, les consignes d’immatriculation, l’altitude maximale, etc. Malheureusement, ils ne mentionnent pas le comportement à adopter vis-à-vis la faune et encore moins les mammifères marins. Une zone grise qui peut laisser place au doute dans l’esprit du pilote.
De plus, pour ceux qui pilotent des drones de moins de 250 grammes, une zone grise supplémentaire s’ajoute, car, ils se situent, à plusieurs égards, hors du Règlement de l’aviation canadien. Pour ces petits aéronefs, Transports Canada précise qu’il faut les piloter de façon sécuritaire, puis qu’il est recommandé, sans contrainte légale, de garder le drone en ligne de vue, à une distance sécuritaire des passants et à une altitude sécuritaire. Par contre, ici aussi, aucune de ces recommandations ne concerne la faune. La voie semble donc être dégagée pour le survol de mammifères marins, mais ce n’est pourtant pas le cas.
En effet, peu importe la grosseur des drones, la réglementation protégeant les mammifères marins ne se retrouve pas du côté de Transport Canada, mais plutôt dans plusieurs autres lois fédérales et provinciales axées sur la conservation de la faune.
Survol de la zone interdite
Au Canada, les mammifères marins sont protégés des drones par le Règlement sur les mammifères marins et la Loi sur les espèces en péril, puis, au Québec, par la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. Ces dispositions légales affirment toutes, à leur façon, qu’il est illégal de s’approcher d’un mammifère marin sans permis, et ce, peu importe la taille du drone utilisé. Survolons-les donc pour préciser leur contenu.
Le Règlement sur les mammifères marins est le plus contraignant au pays et concerne toutes les espèces de mammifères marins. Il stipule que lorsqu’un aéronef (incluant tout type de drone) est utilisé à une altitude inférieure à 304,8 mètres (1000 pieds) dans un rayon d’un demi mile marin (926 mètres) d’un mammifère marin, il est interdit d’effectuer une manœuvre afin de se rapprocher du mammifère marin ou de le perturber. Par manœuvre, on entend ici tout changement de direction et d’altitude, mais aussi tout décollage, atterrissage ou amerrissage effectué dans l’optique de s’approcher ou de perturber un mammifère marin. Selon ce règlement, toute approche ou passage intentionnel à moins de 926 mètres d’un mammifère marin avec un drone est donc illégale sans permis.
La Loi sur les espèces en péril, plus restrictive, s’applique uniquement aux espèces menacées ou en voie de disparition, inscrites à la liste des espèces en péril, cela inclut, au Québec, le béluga de l’estuaire du Saint-Laurent, la baleine noire de l’Atlantique nord, le rorqual bleu de l’Atlantique, le phoque commun du lac des loups marins, puis la baleine à bec commune. Pour chacune de ces espèces, il est interdit de lui nuire ou de la harceler de quelconque façon. L’usage de drones à proximité de ces animaux en péril se voit donc, de nouveau, interdit afin de limiter les dérangements pouvant résulter de leur usage.
La Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune est une autre loi qui s’avère pertinente, au Québec, pour règlementer la relation entre les mammifères marins-drones. Elle interdit de pourchasser, mutiler ou de tuer volontairement tout animal avec un aéronef de toute taille. Et, bien qu’il semble improbable de mutiler ou de tuer volontairement des mammifères marins avec un drone, leur poursuite dans l’optique de faire des beaux suivis vidéos est toutefois bien souvent le but des vols entrepris. Ils se voient donc de nouveau protégés contre ce type d’activités.
Approche des autres espèces protégées
Il est intéressant de noter que les dispositifs légaux mentionnés ci-dessus ne se limitent pas seulement aux mammifères marins, puisqu’ils protègent également d’autres animaux de la présence des drones. Ainsi, la Loi sur les espèces en péril couvre autant les phoques que les oiseaux ou toute autre espèce en péril. La Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, elle, protège tout mammifère, oiseau, amphibien ou reptile sauvage au Québec, puis, un autre règlement supplémentaire, le Règlement sur les oiseaux migrateurs sauvegarde, de nouveau, plusieurs espèces aviaires migratrices. Avant de s’approcher de tout animal, il s’avère donc pertinent de bien réviser la règlementation, en vigueur, pouvant le protéger.
Atterrissage hors des territoires règlementés
Même sans l’attrait du survol de cétacé, le désir de survoler les vastes eaux du Saint-Laurent peut persister. Toutefois, encore ici, il faut faire attention, car plusieurs lieux interdisent les vols de drone. Parmi ceux-ci se trouvent les parcs fédéraux, provinciaux, certaines réserves naturelles, les ports ou encore bien d’autres lieux.
Du côté de Parcs Canada et de la SÉPAQ, les instructions sont claires. L’utilisation de drones à des fins récréatives est interdite sur leur territoire, afin d’assurer, la protection de la faune, la sécurité de tous et la qualité de l’expérience des visiteurs. Le territoire du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent est aussi touché, selon le Règlement sur les activités en mer. L’usage de drone dans ces parcs nécessitera donc un permis des autorités avant d’être entrepris.
Au-delà de ces parcs, plusieurs autres lieux peuvent avoir des interdictions de vol de drone en vigueur pour de multiples raisons. Par exemple, la réserve nationale de faune du Cap-Tourmente interdit les drones pour la protection des oiseaux migrateurs. Le port de mer de Gros-Cacouna, dans son cas, les interdit pour la protection de ses activités portuaires. Cette liste, bien que loin d’être exhaustive, démontre qu’il y a une multitude de lieux qui restreignent, souvent à l’insu du public, les vols de drones.
Avant de faire décoller un drone, il est donc primordial de s’assurer que le lieu visité ne fasse pas partie d’une zone de restriction.
En cas de contradiction, le Règlement sur les mammifères marins, la Loi sur les espèces en péril et la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune et, dans les lieux restreints, la règlementation locale priment sur le contenu de cet article.