Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi des limites de vitesse sont imposées dans certains secteurs de navigation? Une partie de la réponse tient en trois mots : protéger les baleines.

Adopter une vitesse de 10 nœuds – 18,52 km/h – permettrait même de réduire entre 15 et 18 % les risques de collisions mortelles entre navires et baleines, rapportait en janvier dernier une étude dirigée par le New England Aquarium. En plus de protéger la baleine noire de l’Atlantique Nord, des réductions de vitesse dans l’Atlantique seraient aussi bénéfiques pour le rorqual commun, le rorqual boréal et le rorqual à bosse.

Une nouvelle méthode pour évaluer les risques

Grâce à une méthode de calcul innovatrice, le New England Aquarium et ses partenaires ont évalué les risques pour une baleine de subir une collision à des vitesses de 14, 12 et 10 nœuds. Les conclusions tirées tombent à pic, sachant qu’il a été maintes fois démontré que les risques pour une baleine de mourir à la suite d’une collision avec un navire augmentent avec la vitesse de ce dernier.

Une première zone étudiée par les scientifiques, appelée zone économique exclusive (EEZ), s’étend du nord du Maine au sud de la Floride. Elle est marquée tout au long de l’année par une  fréquentation élevée de navires marchands, bateaux de pêche ou de croisières. L’équipe de recherche a été en mesure d’établir qu’implanter une vitesse de 10 nœuds dans la totalité de cette zone pourrait réduire de 18 % les risques de collisions entre navires et baleines. En naviguant à 14 nœuds (25,93 km/h) dans ce secteur, les risques ne seraient réduits que de 5 %.

Une majorité des navires étudiés naviguent actuellement à une vitesse inférieure à 14 nœuds dans la EEZ. Toutefois, les bateaux de croisière et de passagers ainsi que les navires commerciaux sont pointés du doigt : ce sont eux qui ont enregistré les vitesses les plus rapides.

Il existe aussi dans l’Atlantique des zones reconnues pour être fréquentées plus régulièrement par certaines espèces de baleines, zones qui représentent un peu plus du quart de la superficie totale de la EEZ. Les scientifiques ont énoncé qu’adopter une vitesse de 10 nœuds dans ces zones réduirait les risques de collisions de 15 %. Actuellement, pour les navires de plus de 65 pieds qui circulent dans l’habitat direct des baleines, une vitesse de 10 nœuds ou moins est exigée aux États-Unis. Pour les plus petits navires, cette vitesse est suggérée, mais n’est pas obligatoire. Il semblerait que peu de coopération soit actuellement observée en ce qui a trait à ces mesures volontaires.

Ralentissez, vous êtes étudiés!

La plupart des bateaux possèdent ce que l’on appelle un AIS – automatic identification system ou système d’identification automatique – qui transmet des informations sur le type de navire, en plus de renseignements comme la vitesse, la position et la trajectoire empruntée. Ces données permettent d’assurer une surveillance de ce qui se déroule sur l’eau et contribuent à dresser un portrait global des comportements adoptés par le personnel navigant. C’est entre autres grâce aux informations fournies par les AIS que l’équipe de recherche du New England Aquarium a pu mettre en place sa méthode de calcul.

Et dans le Saint-Laurent?

Bien que réalisée dans les eaux américaines, l’étude du New England Aquarium rejoint des mesures de protection des mammifères marins également observées au Québec. On peut penser notamment à l’imposition de limites de vitesse de navigation dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent et à la mise en place de zones statiques dans le golfe du Saint-Laurent, où la vitesse est restreinte durant une période fixe de l’année.

Comme les baleines ne connaissent pas de frontières, celles qui fréquentent le Saint-Laurent nageront probablement un jour dans l’Atlantique, et vice versa. En gardant en tête les impacts économiques que cela pourrait engendrer, de nouvelles réglementations et restrictions de vitesse sont-elles à venir pour limiter les risques de collision à l’est du continent nord-américain?

Actualité - 29/2/2024

Odélie Brouillette

Odélie Brouillette s’est jointe à l’équipe du GREMM comme rédactrice et naturaliste en 2022 et elle est de retour depuis l'hiver 2023 comme chargée de projet en vulgarisation scientifique. Biologiste de formation, elle aime apprendre et communiquer aux autres ce qui lui tient à cœur. Fascinée depuis toujours par les milieux marins et les baleines, elle souhaite, par la sensibilisation et la vulgarisation, contribuer à leur protection.

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