Les migrations des grands rorquals recèlent encore bien des mystères. Où vont-ils en hiver? Combien de temps restent-ils dans l’estuaire? C’est pour répondre à ces questions qu’une équipe de Pêches et Océans Canada a posé des émetteurs satellite sur des individus l’automne dernier. Parmi eux, un rorqual commun surnommé Ti-Croche, une baleine bien connue dans le Saint-Laurent.

C’est grâce à la télémétrie satellite, une technologie permettant de suivre les baleines à distance, que la migration des rorquals communs est étudiée. Pour ce faire, les scientifiques installent une balise à la base de la nageoire dorsale de la baleine, en visant le cartilage. Ti-Croche a reçu la sienne le 10 octobre, alors qu’il était dans l’estuaire.

 

De l’estuaire au large du Delaware

La balise a cessé d’émettre des signaux le 25 janvier, pour un total de 106 jours de suivi. La durée du suivi de la balise s’approche, en durée, d’un des déploiements les plus longs sur les rorquals communs. Ce n’est cependant pas le seul exploit que ce rorqual a accompli! Véronique Lesage, chercheuse à l’Institut Maurice-Lamontagne de Pêches et Océans Canada et qui travaille sur le projet, explique que « Ti-Croche détient le record du départ le plus tardif de l’estuaire, soit le 26 décembre cette année. » La balise est aussi parmi celles ayant partagé des données le plus tard dans l’année.

Après l’installation de l’émetteur le 10 octobre par l’équipe de recherche du MPO, Ti-Croche est resté quelques jours dans l’estuaire en compagnie d’autres rorquals communs. Autour du 10 au 12 décembre, il se déplaçait le long des Bergeronnes, de Portneuf sur mer et s’approche même du parc national du Bic.

C’est le 26 décembre que débute le voyage en dehors de l’estuaire, et Ti-Croche passe le nouvel an au large de Cabot avant de continuer vers le Sud. Les dernières données reçues signalent que « Ti-Croche était sur le bord du plateau continental au niveau du Delaware (US) » explique Christian Ramp, biologiste à Pêches et Océans Canada.

Ti-Croche n’en était pas à ses premiers kilomètres avec une balise puisqu’il avait aussi été suivi trois ans plus tôt. « En 2020, Ti-Croche était parti de l’estuaire autour du 10 octobre, illustre Véronique Lesage. Sa dernière transmission était le 14 janvier au large de la Nouvelle-Écosse, après une longue virée au sud de la limite connue de distribution de l’espèce. »

Un projet de longue date

Pour étudier les grandes baleines, Pêches et Océans Canada procède à la pose de balises depuis 2014. Cela permet de mieux comprendre les activités des baleines sur de grandes distances et pendant de longue période. En outre, les scientifiques peuvent documenter leurs déplacements, leur utilisation du territoire et leurs comportements.

Les scientifiques posent des balises à deux moments clés dans l’année. À l’automne, juste avant que la migration s’amorce, et au printemps, lorsque la période d’alimentation intensive débute. Presque chaque jour, les balises posées émettent une position.

En 2023, des balises ont été posées sur deux rorquals communs : Ti-Croche, ainsi que Bp033. La pose d’émetteurs sur des animaux en liberté n’est pas de tout repos. Les baleines peuvent être difficiles d’approche, tandis que leurs corps hydrodynamiques rendent la tenue de la balise laborieuse. La durée moyenne d’émission est de trois semaines. C’est pourquoi, lorsqu’elles tiennent aussi longtemps que celle de Ti-Croche, les scientifiques en profitent pour récupérer un maximum de données.

Le rorqual commun Ti-Croche est connu par les équipes de recherche depuis 2009. C’est la forme de sa nageoire dorsale, qui rappelle celle du rorqual commun Capitaine Crochet, qui lui vaut son surnom. Grâce à un suivi par photo-identification, il a été possible d’établir en mai 2018 qu’effectivement, Capitaine Crochet est la mère de Ti-Croche.

Après ses pérégrinations et les milliers de kilomètres parcourus, Ti-Croche a permis aux scientifiques de cumuler des données précieuses pour la compréhension de l’espèce. « Nous attendons maintenant que la baleine revienne dans le Golfe », conclut Christian Ramp.

Actualité - 1/5/2024

Andréanne Forest

Andréanne Forest est rédactrice en chef de Baleines en direct depuis mai 2022. Après des études en environnement et en biologie, elle se tourne vers la communication scientifique dans l’objectif de rendre la science à la fois accessible et amusante. Andréanne souhaite mettre en lumière la démarche d’acquisition de connaissance tout en transmettant le désir d’apprendre.

Articles recommandés

Les parasites chez les mammifères marins : une relation toxique

Parasite. Un mot qui donne souvent froid dans le dos. Pourtant, les mammifères marins en sont de grands habitués. Cétacés…

|Actualité 16/5/2024

La vie sexuelle des cétacés, au-delà de la reproduction

Un article paru dans les dernières semaines relate une interaction pour le moins inattendue entre deux rorquals à bosse mâles.…

|Actualité 18/4/2024

Hybridation chez les rorquals bleus : encore des mystères à percer

Chassées, menacées, décimées. Les plus géantes de toutes les baleines ont subi les assauts de l’être humain au cours du…

|Actualité 11/4/2024