Leur long voyage ne semble pas aussi direct et ne se ferait pas le ventre creux. Ces grands cétacés font des séjours de chasse et s’alimentent en cours de route, surtout dans les moyennes latitudes.

Si ces baleines effectuent chaque année un double voyage de plusieurs milliers de kilomètres sur un axe nord-sud, c’est qu’il en vaut la peine, malgré la dépense énergétique et les risques qu’il représente. Au sud elles trouvent des eaux tempérées et clémentes pour se reproduire, et les eaux froides du nord leur offrent un garde-manger bien garni.

Les résultats d’une étude menée par des scientifiques portugais, états-unien et canadien révèlent plusieurs aspects de la migration, notamment que les périodes d’abondance et de disette ne sont pas aussi tranchées. Les rorquals communs alternent des périodes de voyage actif avec des étapes nourricières dans des habitats spécifiques qu’ils trouvent sur leur route migratoire.

Le schéma se nuance

L’étude récemment publiée dans la revue PLOSONE examine les déplacements et les comportements des rorquals communs et des rorquals bleus de l’Atlantique Nord pendant leur migration du printemps. Ces grands cétacés sont communément observés au printemps et en été autour des îles des Açores. Les auteurs de l’étude, présumant que cette région est une étape de leur migration, ont voulu en savoir plus sur la durée et les modalités de leur séjour dans ces moyennes latitudes, et sur la suite de leur grand voyage. À partir des Açores, ces géants des mers doivent parcourir quelque 3 000 km avant d’atteindre les eaux froides et riches en nutriments des zones côtières du sud-est du Groenland.

Les régions subpolaires, situées entre les latitudes 48 et 52°N, sont connues pour leur abondance en zooplancton, des petits organismes dont se nourrissent les baleines à fanons. Les régions se situant plus au sud, beaucoup moins riches en nutriments, sont réputées ne pas satisfaire les forts besoins des grands cétacés. Mais des mesures de densité de plancton au nord des Açores ont révélé que ces régions étaient intéressantes pour les baleines, représentant un ratio positif entre l’énergie qu’elles dépensent pour la chasse et celle qu’elles récoltent avec la capture des proies. Les scientifiques de l’étude sont partis de l’hypothèse que certains sites de la région des Açores étaient assez riches pour en faire une halte nourricière lors de la migration des baleines vers le Groenland.

Le suivi

Aux Açores, les scientifiques ont équipé 12 rorquals communs et trois rorquals bleus de balises satellitaires. Ils ont pu suivre les déplacements des rorquals communs pendant une moyenne de 18 jours et ceux des rorquals bleus entre 22 et 60 jours.
Les rorquals de l’étude ont séjourné aux Açores pendant plusieurs jours jusqu’à deux mois.

Dans ces latitudes moyennes, les rorquals communs passent 55 % de leur temps à rechercher leur nourriture et s’alimenter, et les rorquals bleus 78 %. Ces périodes de chasse, appelées ARS par les auteurs de l’étude (pour area-restricted search), se caractérisent par des changements de trajectoires prononcés et des vitesses inférieures à celles observées lors du voyage.

Pour les rorquals communs, les ARS ont eu lieu seulement près des Açores (autour du 38°N) et au nord du 56°N; entre ces deux régions, les rorquals communs ont voyagé à une vitesse plus rapide en général et selon une trajectoire plutôt rectiligne.

Pour les rorquals bleus, leurs ARS ou séquences de chasse sur des sites spécifiques ont eu lieu sur de plus larges étendues au fur et à mesure que les individus progressaient vers le nord. À noter que le suivi satellitaire des rorquals bleus a été effectué sur seulement trois individus. Pour deux d’entre eux, le suivi s’arrête alors qu’ils se trouvent encore dans les moyennes latitudes.

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Trajectoires lors de la migration des 12 rorquals communs (fin whales) et des 3 rorquals bleus

Source: PLOSONE

Suivons deux rorquals, à titre d’exemples: le rorqual commun 89969 a parcouru 3 200 km en 21 jours sur une trajectoire presque directe entre les Açores et le Groenland. Il a passé un mois au sud-est du Groenland, sur le plateau continental, puis plus près des côtes, alternant des périodes de chasse sur des sites précis (ou ARS) et des périodes de voyage. Le rorqual commun 80704 a passé 88 heures en ARS au nord-ouest du plateau Rockall (57°N) avant de continuer son voyage.

Pour connaître la suite de l’étude : La migration des rorquals communs et bleus de l’Atlantique Nord: une part du mystère se dévoile (2/2)

Pour en savoir plus:

Actualité - 21/11/2013

Christine Gilliet

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