Une nouvelle espèce séjourne pour la première fois cette année dans le golfe du Saint-Laurent; le cachalot. On répond à la question à savoir si des rorquals bleus ont déjà été vus dans le Saguenay avant cette année et je vous partage aussi l’histoire d’une journée avec les mammifères marins particulièrement inspirante, dont l’observation d’un breach de rorqual à bosse que je ne suis pas près d’oublier!
Deux cachalots dans le golfe
L’équipe de la station de recherche des îles Mingan (MICS) a eu des journées bien occupées dans la dernière semaine. Dans le coin de Sept-Îles, les scientifiques ont identifié entre cinq et six rorquals à bosse, sans compter deux rorquals communs et une dizaine de rorquals bleus. Une observation qui a marqué les esprits est la présence de deux cachalots mâles de bonne taille. Le plus gros des cétacés à dents n’avait pas encore été observé cette année dans le Saint-Laurent! Cette espèce est observée occasionnellement dans le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent. Il s’agit le plus souvent de mâles à la recherche de nouvelles aires d’alimentation. Patrice Corbeil, directeur à l’éducation du GREMM, qui se décrit lui-même comme étant de nature optimiste, croit d’ailleurs que les deux cachalots s’aventureront jusque dans l’estuaire. On verra sans doute dans les prochaines semaines si cette prédiction est exacte!
Impossible de penser aux cachalots sans se rappeler l’un des plus célèbres d’entre eux : Tryphon. Ce mâle a fréquenté l’estuaire entre 1991 et 2009. Pratiquement chaque année, Tryphon remontait le fleuve, parfois seul, parfois accompagné. Son périple s’est terminé brusquement au printemps 2009, lorsqu’il s’est empêtré dans des engins de pêche. Cette mésaventure provoque la mort de l’animal, mais quelques ossements sont récupérés et maintenant exposés au Centre d’interprétation des mammifères marins.
Du vivant dans le Saint-Laurent
Des histoires de rencontres avec les cétacés, Jacques Gélineau n’en manque pas! L’observateur de mammifères marins et collaborateur du MICS rapporte la présence de marsouins communs et de phoques gris dans la région de Sept-Îles. S’il n’a pas eu la chance de voir les deux cachalots, il a l’intention d’aller sonder le golfe dans les prochains jours. En termes de grands cétacés, il a vu deux baleines bleues et un rorqual à bosse, sans s’empêcher de remarquer au passage le nombre particulièrement élevé de sauts de thon! Il partage aussi quelques hypothèses sur la présence des animaux dans le secteur : « Souvent, quand il y a du vent d’Est, les animaux quittent la région et reviennent avec le Nord-Ouest. » Il croit aussi que les pluies intenses du mois d’aout, ayant augmenté le débit des rivières, pourraient amener plus de nutriments, ce qui attirerait la faune marine.
Du côté des iles Mingan, l’équipe du MICS rapporte la présence de deux rorquals communs, un rorqual à bosse et environ 8-15 baleines noires de l’Atlantique Nord. À Pointe des Monts, un riverain partage la faune qu’il a pu voir pendant la longue fin de semaine. « Il y avait deux petits rorquals, j’ai l’impression que c’est toujours les mêmes que je vois! Un est gros et l’autre plus petit. On a aussi vu beaucoup de phoques, entre deux et trois phoques gris à chaque jour, même chose pour les communs. Il y avait beaucoup de lançonset entre 200 et 300 goélands dans la baie! » Depuis Franquelin, on rapporte aussi des petits rorquals et des phoques, en ajoutant des marsouins communs.
Sur l’autre rive du Saint-Laurent, une technicienne du Réseau d’observation de mammifères marins partage ses observations des derniers jours : «En plus des quelques rorquals à bosse, on a eu une journée avec beaucoup de petits rorquals, on voit régulièrement des groupes de dauphins à flancs blancs aussi et beaucoup de marsouins un peu partout. Les phoques gris sont encore bien présents en grand nombre. On a eu la chance de revoir un requin-pèlerin également!»
Suivi des rorquals bleus dans le fjord
L’incursion d’un rorqual bleu dans le fjord du Saguenay le 18 aout dernier aura été l’occasion d’aller fouiller dans les archives du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM). Robert Michaud, directeur scientifique du GREMM, confirme que d’autres rorquals bleus sont déjà entrés dans la rivière. « En 2001-2002, un rorqual bleu est remonté jusqu’à la Chute du Caribou-Qui-Pisse. » Cette chute est située à Baie-Sainte-Catherine, sur le versant est du Cap Noir. La couleur de l’eau qui s’y écoule est orangée, ce qui justifie ce drôle de nom! Aux alentours de 2005, un autre rorqual bleu aurait remonté le courant du Saguenay jusqu’en haut de la Pointe à la Croix à Sacré-Cœur. Combien de temps cela prendra-t-il avant la prochaine visite de cette espèce? Seul l’avenir nous le dira!
Une journée pas comme les autres
On dit souvent que les jours au bord de l’eau se suivent et ne se ressemblent pas. Si relativement peu de baleines ont été vues depuis le Centre d’interprétation des mammifères marins (CIMM) à Tadoussac, où se situent les bureaux de l’équipe de Baleines en direct pendant l’été, le mercredi 6 septembre aura tout au contraire été des plus riches en observations!
Alors que l’on terminait notre pause diner, ma collègue Odélie Brouillette, chargée de projet pour Portrait de Baleines, aperçoit un bateau d’excursion dans le fjord. Curieuse, elle se demande ce qu’il peut bien faire là. C’était quelques secondes avant que l’on entende et que lon voit le grand souffle d’un rorqual à bosse surgir de l’eau, suivi presque immédiatement par un deuxième! On alerte alors toute l’équipe pour que le plus de personnes possible puissent voir ces grands mammifères circuler dans l’étroit passage qu’est le fjord du Saguenay. Le panorama est extraordinaire, le brouillard du matin s’est dégagé, et on peut désormais distinguer la falaise de l’autre côté du fjord, avec ses teintes de gris, de brun et de vert.
Les baleines restent quelques minutes dans le secteur avant de se diriger tranquillement vers l’embouchure. Les marcheurs et marcheuses qui auront fait un détour par la Pointe de l’Islet auront eu droit à toute une surprise lorsque les deux cétacés sont passés à proximité de la berge. Sans attendre, nous décidons de nous diriger vers ce site d’observation.Pas question de rater toute cette action! Arrivés sur les rochers, la vue sur le Saguenay, sur l’embouchure et sur l’entrée de la baie de Tadoussac nous permet d’admirer une multitude de cétacés. Environ trois petits rorquals nagent juste devant les rochers. En alimentation de surface, ces derniers semblent se régaler! Leurs manœuvres nous permettent de distinguer ici un dos sombre suivi d’une pectorale, là des sillons ventraux blancs et roses.
Au large, des éclats blancs dans l’eau d’un bleu profond suggèrent la présence d’un groupe de quelques bélugas. Leur dos blancs reflètent les rayons du soleil, rendant leur présence presque mythique. Le temps de détourner le regard, on voit alors le souffle d’un rorqual à bosse se dirigeant vers la baie de Tadoussac. Entre les petits rorquals à proximité des roches, les bélugas au large et le rorqual à bosse dans la baie, difficile de savoir où regarder!
Le lendemain, nous apprendrons que les deux rorquals à bosse qui étaient dans le Saguenay se sont rendus jusqu’à L’Anse-de-Roche, à Sacré-Cœur, le matin-même, vers 9h00. Un résident a même eu la chance de capturer des vidéos très impressionnantes des deux individus à proximité du quai.
Éblouis de toute cette diversité – mais non rassasiés, impossible de contenter une équipe de passionnés! – nous retournons à nos bureaux, le temps d’un après-midi. À la fin de la journée, un groupe se dirige pour passer la soirée au cap de Bon-Désir, histoire de regarder le coucher de soleil et de sonder des yeux les eaux profondes du fleuve à la recherche de vie marine. De mon côté, je décide de rester à Tadoussac.
La chance aura été de mon côté pour cette soirée mémorable. Alors que je quittais le bureau, je croise un collègue qui m’informe qu’un rorqual à bosse serait de nouveau en train d’entrer dans le Saguenay. Que voulez-vous, les nouvelles vont vites! À peine le temps de faire demi-tour et de marcher quelques mètres qu’on s’arrête, figés tous les deux : un rorqual à bosse vient de sortir de l’eau, de tout son corps, juste devant nous! N’ayant jamais vu de breach de mes propres yeux, je suis surprise par la rapidité à laquelle un animal d’une telle grosseur peut surgir de l’eau. À peine quelques secondes et les éclaboussures étaient parties. Mis à part l’agitation des humains qui ont assisté à ce spectacle, on n’aurait jamais pu deviner ce qui venait de se produire. Quelques minutes plus tard, la baleine recommence le même manège, un deuxième breach, en plein milieu du Saguenay.
Je n’avais jamais été avertie de l’adrénaline qui peut suivre une telle observation. Impossible de rentrer chez soi après avoir vu un tel comportement! Surtout en sachant à quel point il est rare d’en observer et quelle quantité d’énergie les baleines doivent dépenser pour y arriver. Nous allons donc nous installer à la Pointe de l’Islet pour une soirée au bord du fleuve avec, en prime, un magnifique coucher de soleil sur les montagnes.
Alors que la lumière diminuait graduellement, nous voyons enfin le rorqual à bosse redescendre le courant du Saguenay. Au même moment, la nageoire dorsale de quelques marsouins communs perçait les vagues et un petit rorqual circulait non loin. La soirée s’est terminée en beauté, leurs souffles s’éloignant graduellement de la pointe à mesure que la lumière diminuait. Nos amis au cap de Bon-Désir, aux Bergeronnes, n’ont pas non plus été en reste!Pendant les quelques heures où ils étaient sur le site d’observation, ils ont identifié des marsouins communs, des phoques, des petits rorquals et un rorqual à bosse. Comme quoi cette soirée avait un je-ne-sais-quoi de magique, peu importe l’endroit où l’on se trouvait.
Où sont les baleines cette semaine? La carte des observations
Ces données ont été rapportées par notre réseau d’observatrices et observateurs. Elles donnent une idée de la présence des baleines et ne représentent pas du tout la répartition réelle des baleines dans le Saint-Laurent. À utiliser pour le plaisir!