Cette question provient de résidents et résidentes de Godbout, petit village sur la Côte-Nord. Dans cette municipalité, point de départ du traversier à destination de Matane, en Gaspésie, il est en effet question de couler intentionnellement l’Apollo, un navire en fin de vie, afin de créer un récif artificiel. Quel impact ce projet pourrait-il avoir sur les baleines qui visitent la Côte-Nord ?

Le projet Apollo a été initié en septembre 2019, suite à la reconversion et la vente du navire Apollo par la Société des Traversiers du Québec (STQ). Ce bateau, qui devait remplacer temporairement le F.-A.-Gauthier victime d’un bris, a lui-même subi de nombreuses avaries avant d’être mis définitivement hors service. Racheté par la Société Apollo de Godbout, une association à but non lucratif locale, le traversier devrait être immergé dans le courant de l’été 2020 afin de devenir une attraction pour les amateurs de plongée sous-marine. Après avoir défrayé la chronique en surface, créera-t-il de nouveaux problèmes pour les baleines une fois au fond de l’eau ?

Une étude réalisée sur des épaves en Méditerranée a mis en évidence deux types d’impacts autour des navires immergés : la pollution des fonds marins due à la dégradation du bateau, et l’augmentation de la biodiversité grâce à l’arrivée de nouvelles surfaces à coloniser.

Côté pollution, l’impact est particulièrement variable d’une épave à l’autre, selon le type de bateau et les matériaux qu’il renferme, souligne l’étude italienne. Bonne nouvelle : une dépollution et une préparation de l’Apollo sont prévues avant immersion. « Il y a de l’amiante dans ce type de navire-là. Il faut la retirer avant de pouvoir l’immerger. Il y a toutes sortes de normes qu’il faut respecter. Faut savoir que le navire, évidemment, il y a de l’huile, il a de l’essence, il y a des hydrocarbures et tout ça, il faut l’enlever avant de pouvoir immerger un navire », confiait Alexandre Lavoie, porte-parole de la STQ, à Radio Canada en septembre 2019. Des lois existent au Canada pour s’assurer que les épaves créées volontairement respectent des normes élevées et sont coulées sous l’autorisation d’un permis.

Du côté de la biodiversité, quel que soit le type d’épave étudié, l’arrivée d’un récif artificiel semble toujours une bonne nouvelle, selon différentes études réalisées en Europe. Les coins et les recoins du bateau fournissent un habitat idéal aux mollusques et aux petits poissons, qui attirent à leur tour des poissons de plus grande taille, et ainsi de suite. Plusieurs études soulignent ainsi la grande variété d’espèces retrouvées sur et autour des épaves, ainsi que  l’importance de ces « hotspots » de biodiversité pour l’ensemble de la faune marine locale.

Ainsi, Robert Michaud, directeur scientifique du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins, considère que «si toute la décontamination nécessaire est faite avant et qu’elle est libérée complètement de ses hydrocarbures, l’épave pourrait en fait être bénéfique pour les baleines».

Car qui dit écosystème plus riche et faune marine plus abondante, dit environnement favorable pour les baleines. D’une part, un récif foisonnant attire des proies de toutes tailles, ce qui signifie plus de nourriture pour les cétacés. D’autre part, les mollusques peuvent contribuer à la filtration et à l’amélioration de la qualité de l’eau, rendant la zone attrayante pour les mammifères marins. Dans la baie de New York, par exemple, la création de récifs d’huîtres par le projet Billion Oysters a contribué au retour des baleines au large de l’ile de Manhattan. Peut-être que les résidents de Godbout verront encore plus de baleines à proximité de la côte au fil des ans, tandis que l’Apollo se couvrira de vie.

Les baleines en questions - 11/3/2020

Laure Marandet

Laure Marandet est rédactrice pour le GREMM depuis l'hiver 2020. Persuadée que la conservation des espèces passe par une meilleure connaissance du grand public, elle pratique avec passion la vulgarisation scientifique depuis plus de 15 ans. Ses armes: une double formation de biologiste et de journaliste, une insatiable curiosité, un amour d'enfant pour le monde animal, et la patience nécessaire pour ciseler des textes à la fois clairs et précis.

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