© Pêches et Océans Canada M Starr

Avant toute chose, les multiples espèces de phytoplancton ne sont pas toutes toxiques. Certaines diatomées et dinoflagellés contiennent une toxine biologique qui affecte le système nerveux des organismes qui les consomment. Paralysie, convulsions et mort peuvent être engendrés par une intoxication à cette neurotoxine. Ces algues microscopiques se présentent naturellement dans l’environnement. Cependant, des conditions climatiques favorables à leur floraison (pluies abondantes, diminution de la salinité, augmentation de la température de l’eau) provoquent une prolifération qu’on appelle «marée rouge», en référence à la densité très élevée de ces algues à la surface de l’eau. Ces marées sont visibles et peuvent être suivies depuis les airs.

Bien que les cétacés, les oiseaux marins et les pinnipèdes ne se nourrissent pas directement de ces algues, les proies qu’ils consomment se sont alimentées, elles, de ces algues toxiques, ou auront consommé des organismes qui eux en auront ingéré. C’est le principe de la bioaccumulation. Comme les baleines doivent engouffrer d’énormes quantités de proies pour subvenir à leurs besoins, la concentration de la neurotoxine augmente de façon exponentielle.

Ce phénomène de marée rouge est millénaire, mais, suite aux activités humaines, à l’eutrophisation, aux algues présentes dans les eaux de lest des bateaux et aux changements climatiques, il tend à survenir de plus en plus fréquemment, et ce partout à travers le globe.

Un des évènements marquants de l’histoire des marées rouges remonte en 1998, alors que plus de 400 otaries de Californie sont mortes suite à une intoxication à une algue, Pseudonitzschia autralis. Des toxines ont été repérées dans les anchois, proie principale des otaries, et dans les fluides corporels de ces dernières.  En 2008, dans le Saint-Laurent, une marée rouge de 600 km2 causait la mort d’une dizaine de bélugas, d’une centaine de phoques et de plusieurs milliers d’oiseaux marins et de poissons. Au cours de l’été 2015, dans le golfe de l’Alaska, une trentaine de carcasses de grandes baleines ont été trouvées et les scientifiques soupçonnent une intoxication à une algue toxique, bien qu’aucune preuve n’a été rapportée jusqu’à maintenant.

Chez l’humain, ces algues ne sont toxiques que par la consommation. Les poissons achetés en poissonneries ne contiennent pas de cette toxine, car ils ont été pêchés en dehors des zones touchées par la marée rouge. Certains secteurs coquillers sont fermés pendant la période critique et il est fortement suggéré de ne pas consommer de mollusques, de viscères de poissons ou d’abats d’oiseaux marins au mois de mai et juin, période plus à risque de floraison.

Les baleines en questions - 27/9/2015

Camille Bégin Marchand

Camille Bégin Marchand a travaillé au GREMM de 2013 à 2018. Elle a commencé comme naturaliste au Centre d’interprétation des mammifères marins, mais son intérêt pour l’écriture scientifique l’a menée à travailler comme rédactrice pour Baleines en direct. Passionnée par la biologie et amoureuse de la région, elle fait aussi une maitrise en sciences de la forêt en collaboration avec l’Observatoire d’Oiseaux de Tadoussac.

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