Petit village d’à peine plus de 300 habitants, Godbout se situe sur la Côte-Nord, entre Baie-Comeau et Baie-Trinité. Cette municipalité est surtout connue pour son traversier qui le relie à Matane. Mais Godbout est aussi un village où on observe les baleines à l’année.
Le 10 février en après-midi, un observateur note deux souffles géants qui s’élèvent entre les vagues. Malgré les forts vents et les crêtes blanches des vagues, il parvient à croquer le portrait de deux grands rorquals. Seulement avec les photos, difficile de confirmer s’il s’agit de rorquals communs ou bleus. Les teintes peuvent varier selon la luminosité et les appareils. Mais l’observateur croit avoir vu des rorquals bleus.
Le 12 février, une observatrice aussi photographie deux individus très près de la côte, une chance incroyable! On peut voir la bouche ouverte et une courte nageoire pectorale s’élever droit dans les airs. Encore une fois, difficile de confirmer l’espèce entre rorqual commun ou bleu à partir des photos. Ces deux espèces, les deux plus longues de la famille des rorquals, ont une forme corporelle semblable et utilisent des techniques d’alimentation similaires. Il faut donc des photos très nettes et précises pour confirmer hors de tout doute une espèce.
Mais revenons à cette observation magnifique, soit celle de deux baleines près des côtes enneigées. Lorsqu’on voit les nageoires pectorales émerger des flots, on assiste à une roulade latérale, appelée «lunge feeding» en anglais. L’animal se tourne sur le côté, accélère et ouvre la bouche tandis que l’eau s’y engouffre et fait se distendre sa poche ventrale. Puis, il referme sa mâchoire et expulse l’eau à travers ses fanons. Les proies de la baleine sont alors poussées vers la gorge par la langue et avalées. Les rorquals bleus font parfois des tours complets sur eux-mêmes lorsqu’ils s’alimentent. De telles pirouettes permettraient d’anticiper la trajectoire du krill, afin d’ouvrir la bouche dans l’angle le plus efficace pour prendre la plus grande bouchée.
Et ailleurs, que se passe-t-il?
Les observations récoltées dans cette chronique ne donnent qu’un aperçu de la présence de mammifères marins dans le Saint-Laurent. Il faut parfois avoir les yeux tournés sur l’horizon au bon moment pour remarquer le passage élusif d’une bête sauvage, d’une tête de phoque venant à la surface respirer ou d’une baleine en déplacement, à la recherche d’un banc de poissons.
À Port-Cartier, un regroupement de centaines d’eiders à duvet forme une tache brunâtre sur les eaux marines. Les eiders à duvet mesurent entre 58 et 68 cm. Regroupées, les femelles émettent parfois des sons gutturaux qui résonnent comme un bas grognement nasillard.
Un observateur de Sainte-Flavie, lui, assiste à la valse de la banquise qui se promène au gré des marées. «Ce sont de deux à trente kilomètres de glaces qui viennent frapper le rivage et regagner le large», relate-t-il. À Tourelle, non loin de Sainte-Anne-des-Monts, c’est blanc à perte de vue vers le large. De l’autre côté du fleuve aussi, à Tadoussac, les observateurs n’ont droit qu’au ballet des glaces. Mais pour qui sait lever la tête à temps, le long vol planant d’un pygargue à tête blanche peut être capté.